Visitez les prisons et les pénitenciers, vous y trouverez des gens condamnés pour vol. Les uns ont volé $10 ; d'autres ont détourné quelques centaines de dollars de leur patron ; d'autres ont perpétré des cambriolages pour s'emparer de quelques milliers ou dizaines de milliers de dollars.
Ce sont des voleurs, et ils expient leur faute. C'est juste. Parfois, cependant, et peut-être dans bien des cas, la punition est hors de proportion avec la faute et a beaucoup plus comme résultat d'envenimer que d'amener à repentir.
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Mais vous visiterez en vain les prisons et les pénitenciers pour y trouver les plus gros voleurs du pays — les bandits bien habillés, bien respectés, bien honorés, qui dépouillent leurs victimes à l'année et les assassinent lentement.
Gros voleurs, ceux qui contrôlent le système d'argent et créent les inflations et les déflations à leur gré.
L'inflation vole les épargnes.
Vous avez pu vous priver volontairement pendant dix ans, vingt ans, pour mettre quelques centaines ou quelques milliers de dollars de côté pour vos vieux jours. Dans ce temps-là, quand vous vous priviez, vous pouviez avoir une bonne chambre, trois bons repas par jour et quelques autres douceurs pour sept ou huit dollars par semaine. Vos vieux jours venus, les prix ont tellement monté qu'il vous faut $15 pour acheter ce que vous payiez $7.50 au temps de vos épargnes. On vous vole littéralement la moitié de vos épargnes.
Et qui est responsable ? Ceux-là mêmes dont le contrôle absurde du système vous force à vous priver inutilement. Inutilement, car lorsque vous serez vieux, il y aura encore autant et plus de blé et autres produits au Canada qu'il y en a au temps de vos économies. Mais, d'après LEUR règlement, si vous n'avez pas le dollar en main, vous crèverez de faim, même en face de produits qui s'accumulent et se perdent.
Ceux-là mêmes qui créent l'inflation en passant, quand ça fait leur affaire, créent la déflation quand c'est le temps pour leurs intérêts.
Qu'est-ce que la déflation ? C'est la période où l'argent manque en face de produits. On a eu cela pendant dix années avant la guerre. Dans ce temps-là, le prix des produits baisse, mais les consommateurs ne sont pas mieux, puisqu'ils n'ont pas l'argent pour se satisfaire, même aux prix avilis.
Quand les prix tombent, ce sont les agriculteurs, les industriels, les commerçants, les entrepreneurs, les propriétaires qui sont volés du fruit de leur travail : leur prix de vente tombe au-dessous du prix de revient. Et quand les industriels marchent ainsi à perte, ils ferment leurs manufactures et les ouvriers sont volés de leur capacité de travailler.
La déflation suit l'inflation. L'inflation a pour effet de lancer les hommes d'initiative dans de grandes entreprises. La déflation a pour but de saisir leurs entreprises au profit des financiers qui font jouer les cordes.
Mêmes résultats pour les agriculteurs qui, lorsque l'argent abonde, décident d'améliorer leurs fermes, achètent, payables sur quelques années, de l'outillage plus moderne. La déflation les surprend avant l'acquittement de leurs signatures, et leurs fermes y passent — au profit de ceux qui tiennent la clef pour déclencher l'inflation et déclenchent la déflation au moment qui leur sied.
Comme les déflations durent plus longtemps que les inflations, elles ruinent plus de monde. Et les déflations modernes sont tellement sévères que seules des guerres peuvent y mettre fin. Après les misères prolongées qui assassinent lentement les victimes de la déflation, vient la guerre totale qui tue brutalement ceux qui souffraient la veille et qui exposent aujourd'hui leur vie, tandis que leurs bourreaux d'hier s'engraissent de plus belle de la production de guerre.
Vous êtes tentés d'accuser le gouvernement, au moins par son incurie, d'être le complice des gros voleurs impunis ?
Mieux que cela. Gros voleur, le gouvernement lui-même.
Gros voleur par les taxes qu'il impose à des gens qui n'ont point assez d'argent pour se procurer ce que le pays leur offre.
La taxe est un vol, tant qu'il reste des produits invendus, tant qu'il reste des bras condamnés au chômage, tant qu'il reste des capacités productives arrêtées faute d'écoulement des produits.
La taxe est un vol, dans ce temps-là, parce qu'elle enlève du pouvoir d'achat, cause l'accumulation des produits et pille la population exactement de la même manière que l'inflation.
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Vols massifs, donc, que l'inflation, la déflation et la taxation moderne.
Or, avez-vous eu connaissance que les auteurs de ces vols massifs aient jamais été traduits en cour et jetés en prison ?
Quels auteurs de la crise d'avant-guerre ont fait du pénitencier ? Ils sont plus puissants que jamais, et ce sont eux qui conseillent les gouvernements du jour.
Quels taxeux, de Québec ou d'Ottawa, ont jamais été mis en prison ? Ils continuent de rafler nos poches, et nous sommes assez niais pour les honorer de notre vote.
Continuons de nous défendre contre les petits voleurs et de les faire coffrer. Mais quand donc va-t-on ouvrir l'œil sur les gros voleurs et les asseoir doucement dans une place où ils ne pourront plus nuire ?