Où la sinistre fumisterie ?

le vendredi, 15 septembre 1944. Dans La politique

Un sanhédrin qui ne nous aime pas

L'Action Nationale, fidèle à l'attitude anti-cré­ditiste que lui a inspirée François-Albert Angers, se permettait, dans un récent numéro, de traiter les créditistes de Nouvelle-France de traîtres à leur province, parce qu'ils avaient osé collaborer avec les créditistes des autres provinces à la Con­vention de Toronto.

Elle appelait les créditistes du Québec des Pon­ce-Pilate.

Là-dessus, un ami de la cause créditiste de chez nous, écrivit à la direction de l'Action Nationale pour protester contre cette accusation sans fonde­ment et déclarer qu'il ne renouvellerait pas son abonnement à l'Action Nationale.

Répondant à notre ami, M. Roger Duhamel, de la direction de la revue, disait du Crédit Social :

"Il ne s'agit pas d'un credo, et il peut se trouver des gens qui, comme nous, y voient l'une des plus sinistres fumisteries de notre époque."

Jugement mal accueilli

Cette dernière remarque a valu à M. Duhamel une longue lettre de l'ami en question, et nous en relevons les passages suivants :

"Sinistre fumisterie que le Crédit Social, l'une des plus sinistres de notre époque, dites-vous ? "Voilà une accusation grave. De qui est-elle la fille ? De l'aveuglement on de la mauvaise foi ? 

"Monsieur Ernest Grégoire, professeur d'économie sociale, n'est pas homme à dépenser son temps et ses forces au service d'une fumisterie quelcon­que, encore moins si elle est l'une des plus sinistres de notre époque. C'est un homme d'une conscience et d'une intelligence supérieures. Je le nomme ici, parce que je le connais intimement. Mais combien d'autres noms pourraient y être ajoutés !

Fumisterie bien réussie

"Eh ! dites donc ! En fait de sinistre fumisterie, connaissez-vous quelque chose de mieux réussi que notre régime économique actuel, que notre systè­me monétaire basé sur un OR absent ? Pendant des années, il a bloqué ou détruit la production, il a acculé des milliers et des milliers de familles à la

misère sordide, honteuse, lamentable ; il a peuplé et surpeuplé les prisons et les sanatoriums, accu­mulant au sein de notre prétendue société chré­tienne des masses de déchets voulus, cultivés, ex­ploités par les pontifes de notre finance, pour tou­tes sortes de motifs aussi sublimes les uns que les autres, et que vous êtes mieux que moi en mesure de connaître.

"Système monétaire qui avait besoin, pour bou­ger, que, par la réaction contre d'insupportables oppressions, éclate cette boucherie internationale, ruine et honte, aboutissement d'une civilisation mensongère.

"La voilà, la tragique fumisterie, sinistre au-delà de ce tout ce que l'histoire a jamais enregistré, fu­misterie qui croule dans le sang de jeunes généra­tions et tente désespérément de s'agripper aux ruines fumantes qu'elle ne cesse d'accumuler. Fu­misterie infernale aux mains d'une dictature que Pie XI a appelée dure, implacable et cruelle ; et dont Pie XII a dit qu'elle avait usé du progrès de telle sorte qu'il est devenu à lui-même son propre bourreau.

"En face de ce monstre de cruautés et d'hypo­crisie, se dresse le Crédit Social. Aussi opposé à cette dictature qu'à ses conséquences (le commu­nisme, le nazisme, la C.C.F.), il cherche à étein­dre les haines pour allumer à leur place un grand et lumineux foyer de charité, qui alimente déjà de beaux dévouements et un apostolat tout im­prégné de sève chrétienne. Beaucoup de sauveurs embourgeoisés, égoïstes confortablement assis sur leurs millions, peuvent-ils en montrer autant ?

L'impérialisme — la misère

"La lutte de votre revue contre l'impérialisme finira par laisser l'impression d'un trompe-l'œil, sorte d'attrape-nigauds, camouflage indéfinissable, paravent plus ou moins épais, à l'ombre duquel des hommes réputés honnêtes, trompés ou inconscients, mèneront à notre détriment national et religieux, au service d'innombrables crapules et de Judas sirés, des campagnes insidieuses pour le maintien et la défense de cette horrible dictature économique.

"L'impérialisme est une chose qu'il faut combat­tre. Et la misère en est une autre, tout aussi impor­tante, même plus. Le premier est spasmodique ; l'autre s'assied tous les jours au foyer de nos fa­milles sans pain, sans vêtement, entassées dans des taudis meurtriers, générateurs de criminels et de tuberculose. Or, je crois qu'en travaillant à soula­ger, à détruire cette misère, le Crédit Social fera plus pour enrayer l'impérialisme que les plus élo­quents discours ou articles de revue.

"Quand, pour vivre, l'électorat n'attendra plus une pitance chèrement payée aux politiciens, de sa conscience et de sa liberté, et que nos députés mieux choisis se sentiront surveillés et pourront compter davantage sur l'appui d'électeurs qui ne seront pas des faméliques, il y aura des chances que nos élections soient moins malpropres et, au parlement, nos députés moins valetailles ou gue­nilles." 

Poster un commentaire

Vous êtes indentifier en tant qu'invité.