Sous ce titre (De l'instruction obligatoire), est rédigé, en premier-Montréal du Devoir du 27 novembre dernier, un article de M. Omer Héroux.
Après avoir mentionné une résolution de la Commission Scolaire catholique de Montréal en faveur de l'instruction obligatoire et une enquête menée par la JEC au sujet de la fréquentation scolaire, M. Héroux nous dit, fort correctement :
"Il est trop clair que, si la fréquentation scolaire est insuffisante, il est à cela des causes qu'il faut connaître à fond et qu'il ne suffira peut-être pas, pour remédier au mal, d'édicter un nouveau texte de loi."
Les résultats de l'enquête citée par M. Héroux démontrent que :
"Chez les filles, 71% donnent pour raison de leur sortie de l'école la situation difficile de leurs familles ; chez les garçons, la proportion est de 50%. Peut-être faudrait-il, de quelque façon, rattacher à ces premiers chiffres les 21%, chez les garçons qui invoquent la cause de maladie : la pauvreté n'est pas toujours favorable à la bonne santé."
En effet. Et cela fait 92% chez les filles et 62% chez les garçons dont les sorties sont dues à une cause économique :
"...C'est le peu de ressources des familles qui est en cause.
"Il est peu probable qu'un nouveau texte de loi, même s'il est accompagné de menaces de sanctions, suffise à corriger une pareille situation. La loi, d'habitude, ne crée pas aux contribuables des ressources nouvelles.
"... On est frappé du nombre si considérable des abstentions qui résulteraient de la gêne financière...
"... Il résulte que, derrière le fait de l'abstention trop générale, il y a des causes multiples, — des causes d'ordre économique surtout."
"C'est un point qu'il ne faut pas perdre de vue... car on ne réglera le problème qu'en allant à toutes ses sources".
(Les soulignés au cours des citations sont de nous).
Après avoir étalé ces chiffres et signalé les causes, qu'il reconnaît être surtout d'ordre économique, M. Héroux nous dit que "les jeunes entreprennent une grande campagne dite du Retour à l'École".
Et le journaliste de remarquer, au conditionnel, Dieu merci :
"La campagne projetée devrait être féconde. En nombre de cas, il devrait être possible de prouver aux jeunes et à leurs parents qu'une plus nombreuse fréquentation reste économiquement possible, que les sacrifices qu'elle comporte aujourd'hui seront amplement compensés demain... "
Vous croiriez, après tout ce qu'en a dit l'auteur de l'article, que c'est l'argent (les ressources financières) qui a le plus manqué dans toutes ces questions d'école. Pas du tout. Lisez :
"C'est notre très ancienne conviction que ce qui a le plus manqué chez nous dans toutes ces questions d'école, c'est une grande, tenace et méthodique campagne de propagande.
"Si l'on avait mené cette campagne, les maîtres auraient été mieux payés, les écoles mieux fréquentées et plus intelligemment ordonnées."
La propagande va remplacer l'argent. Un peu comme la grande annonce dans le commerce.
Cette campagne de "Retour à l'École" peut atteindre et ramener les quelques jeunes filles et garçons qui se sont tannés de l'école ou qui ne s'entendaient pas avec les maîtresses ou les professeurs. Un total, d'après l'enquête JEC, de 6½ pour cent chez les filles, de 32 pour cent chez les garçons.
Quant aux 92% chez les filles, et les 62% chez les garçons, qui ont quitté l'école pour le seul manque d'argent, il suffira sans doute d'insinuer aux parents qu'ils ont de l'argent pour leur en donner.
Ou bien la propagande devra faire naître de l'argent pour ceux qui n'en ont pas. Ou encore, on prouvera aux parents que les sacrifices comportés aujourd'hui seront amplement compensés demain. Demain, lorsque les jeunes battront le pavé en quête d'emploi, ou lorsqu'ils s'en iront se faire fracasser le crâne et arracher les membres pour un monde bien ordonné !
Des sacrifices ! Ces parents-là ne sont-ils pas déjà beaucoup plus riches en sacrifices qu'en piastres ? Ce systerne monétaire où les sacrifices doivent tenter de remplacer l'argent n'est pas tout à fait inconnu de notre peuple. Puis il faut tout de même une certaine quantité d'argent pour le sacrifier. On ne peut pas non plus demander à tous d'être des héros, des martyrs, surtout lorsqu'ils voient l'abondance étalée sous leurs yeux et en quête de preneurs. Il faudrait d'abord en faire des aveugles ou des imbéciles.
Il arrive souvent que ceux qui prêchent tant le sacrifice aux autres trouvent cela plus facile ou plus intéressant que d'en faire eux-mêmes. Ils se garderont bien, par exemple, de se causer des ennuis en dénonçant le mal là où il est, et jusqu'au bout. Ils ne voudront rien compromettre de leur train de vie en réclamant le remède logique dans la circonstance : le redressement d'un système d'argent qui ne fonctionne que pour la guerre.
Ce qui frappe tout de même, c'est de trouver, au cours du même article, la preuve que la désertion de l'école est surtout due au manque d'argent et la prédication du sacrifice pour y remédier. Pour la correction du mal démontré, du manque d'argent, une seule phrase : "C'est un point qu'il ne faut pas perdre de vue."
Avec cela, dormons en paix. Dormons en paix sur le point à ne pas perdre de vue. Dormons en paix sur les sacrifices demandés aux autres. Dormons en paix et gardons-nous bien de déranger "ceux qui, contrôlant l'argent et le crédit, sont devenus les maîtres de nos vies... si bien que, sans leur permission nul ne peut plus respirer."
Pourquoi aussi ce Pie XI a-t-il stigmatisé le contrôle de l'argent et du crédit ? Pourquoi Benoît XV a-t-il écrit que "c'est sur le terrain économique que le salut des âmes est surtout en danger" ? Pourquoi Pie XI encore a-t-il déclaré que "les conditions économiques actuelles ont rendu la vie horriblement dure, implacable et cruelle, et qu'elles rendent le salut éternel extrêmement difficile à un nombre considérable d'hommes ?"
Pourquoi, plutôt, dans un pays catholique, n'y a-t-il que les créditistes qui aient assez de vision ou assez de courage pour s'attaquer aux bourreaux au lieu de prêcher les victimes ?
Edmond MAJOR