Il y a quelques semaines, les journaux annonçaient que le président Roosevelt avait demandé à son Congrès d'étudier l'opportunité d'une loi du service militaire obligatoire pour tous les jeunes gens après la guerre.
Plus récemment, chez nous, l'amiral Percy Nelles s'est exprimé dans le même sens, et les journaux ont fait écho à sa voix : établissement d'un service militaire obligatoire, au moins d'un an, pour tous les jeunes gens du Canada après la guerre, que ce service soit dans la Marine, dans l'Aviation ou l'Armée.
Les citoyens avertis feront une lutte à mort à cette mesure militariste.
Il n'y aura jamais de paix dans le monde tant que les pays n'auront pas renoncé au service militaire obligatoire.
Cela n'empêche pas d'entretenir une armée, une marine et une aviation pour la protection du pays, mais limitée aux besoins et sur une base de volontariat seulement.
Le Pape Pie XII disait dans son allocution de Noël 1939 :
"Tout règlement de paix qui ne donnera pas une importance fondamentale à un désarmement organique et progressif, mutuellement convenu, tant spirituel que matériel, ou qui négligera d'assurer l'accomplissement loyal et effectif d'un tel accord, se montrera tôt ou tard dénué de cohérence et de vitalité".
Est-ce pour cela que les États-Unis et le Canada devraient embarquer dans une augmentation de leurs effectifs militaires ?
Le Cardinal Gasparri, secrétaire de Benoît XV, exprimait la pensée de ce Pape en écrivant :
"Une fois le service militaire obligatoire supprimé d'un commun accord et remplacé par le service volontaire, on aurait presque automatiquement le désarmement complet, avec tous les bienfaits qui en seraient la suite, sans détruire en rien l'ordre public. Le service militaire obligatoire a été la véritable cause d'une foule de maux depuis plus d'un siècle ; dans sa suppression simultanée et réciproque réside le vrai remède".
Le même Cardinal Gasparri écrivait à l'archevêque de Sens (France), le 7 octobre 1917 :
"Pour le Saint-Siège, le seul système pratique, qui, en même temps, pourrait s'appliquer facilement en faisant du bien aux deux côtés, serait le suivant : supprimer, par un accord commun, le service militaire obligatoire parmi les nations civilisées."
Le monde paie aujourd'hui pour avoir fermé l'oreille à cet appel de Rome.
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Dons une conférence faite à l'Association de Presse Catholique des États du centre, à St-Paul (Minnesota), le Père Kœnig, de Mundelein (Illinois), cite les phrases ci-dessus du Cardinal Gasparri et remarque lui-même :
"Le service militaire obligatoire a été le fléau de l'Europe ; et les catholiques d'Amérique, s'ils n'y prennent garde, sont aptes à tomber victimes des arguments spécieux employés pour préconiser chez nous cet engendreur de guerres. Lorsque nous voulons promouvoir le désarmement, n'oublions pas que, sans l'abolition de la conscription, le désarmement demeurera toujours une vaine illusion". (Catholic Digest, Jan. 1945 : "Dumbarton Oaks", by Harry C. Kœnig.)
Le Père John J. Hugo, du diocèse de Pittsburgh, a fait une étude approfondie de la conscription au point de vue de la morale catholique et a publié cette étude sous le titre "L'Immoralité de la Conscription". Il commence par une remarque analogue à celle du Cardinal Gasparri :
"Le service militaire obligatoire et universel, dit conscription, est fondamentalement ce qui rend possible les guerres modernes. Cette levée massive de troupes est plus importante que les progrès technologiques eux-mêmes pour que puisse se poursuivre la tuerie en grand qui caractérise les guerres de notre temps. Arriverait-on à faire disparaître cette pratique, que la guerre, telle que nous la connaissons au vingtième siècle, ne pourrait absolument plus se produire."
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Au lieu de faire disparaître cette pratique (la conscription), va-t-on maintenant rendre son institution permanente, même en temps de paix, en Amérique, au Canada, où elle n'existait pas avant la guerre ? Aura-t-on combattu le prussianisme en Europe pour l'introduire chez nous ?
S'il en est ainsi, c'est un mensonge de dire qu'on fait cette guerre pour n'en avoir plus d'autres. Le contraire serait plus conforme à la vérité.
Si l'établissement de la paix n'interdit pas la conscription dans tous les pays, ce sera une paix encore plus manquée que celle de Versailles.
Les têtes sans principes peuvent se rallier à la philosophie conscriptionniste ; nous, de Nouvelle-France, nous ne l'accepterons JAMAIS.
Mais la conscription est une dictature, et ceux qui l'imposent ont la force brutale pour la mettre en vigueur. Il n'y a qu'un moyen efficace de se débarrasser de toute dictature : c'est de développer le caractère des personnes individuelles. Lorsque ceux qui sont appelés par la conscription refuseront obstinément et individuellement de se plier à cette institution immorale, lorsqu'ils étayeront leur résistance sur des principes, lorsqu'ils feront de leur refus une affaire de conscience, lorsqu'ils seront prêts à tout souffrir plutôt que de céder, et lorsque des non-appelés s'appuieront sur les mêmes principes pour aider effectivement la résistance des appelés, alors la conscription aura vécu.