Mères, sauvez-nous !

Gilberte Côté-Mercier le mercredi, 15 septembre 1943. Dans Réflexions

Dans le présent numéro de VERS DE­MAIN, les lecteurs verront avec émotion la lettre de cette pauvre mère malade, qui de­mande à Dieu de ne pas l'enlever à ses sept petits enfants, quoiqu'il ne lui reste plus à offrir à ses petits "rien, rien que l'amour."

Courage, mère, s'il te reste encore l'amour à offrir ! C'est la seule belle chose au monde, l'amour. Et c'est la source de toute vie.

Dieu lui-même, qui avait donné toute sa richesse aux hommes, richesse que les hom­mes avaient méprisée, Dieu lui-même, sur la croix, fut réduit à crier : "Tout est consom­mé !" c'est-à-dire : je n'ai plus rien à donner, rien, rien que l'amour.

Et Il le donna, l'amour. Et l'amour fut source de vie. Et l'amour chassa la haine qui tue. Et l'amour fit fleurir la liberté, le bon­heur, la gloire.

* * *

Pendant dix années de crise, crise qui se continue pour plusieurs familles encore, com­bien de mères comme toi n'avaient plus rien à donner, rien rien que l'amour, à leurs tout petits !

Pendant ces quatre années de guerre, com­bien de mères encore qui voient partir leurs grands, n'ont plus rien à donner, rien, rien pas même un regard d'encouragement, rien, rien que l'amour !

L'amour des mères qui ont tout fait, qui se sont sacrifiées jusqu'à la consommation de tout, cela ne ressemble-t-il pas un peu, beau­coup à l'amour du Christ en croix ?

Et l'amour du Christ en croix a tout rache­té.

L'amour des mères ne rachètera-t-il pas tout aussi ?

Mères, le monde vous en supplie, continuez, continuez à aimer. Le monde a besoin de votre amour. Sauvez-nous !

* * *

Dans son discours du premier septembre, Notre Saint Père le pape disait cette parole magnifique : "Bénis ceux qui écoutent les voix suppliantes des mères qui ont mis au monde leurs enfants afin qu'ils puissent se développer dans la foi et dans les actions gé­néreuses, et non pas exposés à la mort ou tués".

"Bénis ceux qui entendent les voix sup­pliantes des mères..."

Est-ce que cela ne veut pas dire :

Bénis les gouvernants qui font taire les ambitions et les haines, et qui, écoutant les voix des mères, font tout pour arrêter cette terrible guerre.

Bénis les fonctionnaires qui, écoutant les voix des mères, ne font pas comme ceux qui se vautrent comme des serpents dans la dé­nonciation, la mouchardise et le mensonge.

Bénis les soldats, les gendarmes, qui, écou­tant les voix des mères, ne font pas comme ceux qui insultent, bousculent ces pauvres femmes à qui ils arrachent leurs enfants qu'­elles ne veulent pas vouer à la tuerie et au désordre.

Bénis les maîtres qui, écoutant les voix des mères, ne font pas comme ceux qui répètent lâchement ou sottement les mots de propa­gande antichrétienne et antihumaine.

Bénis les administrateurs qui, écoutant les voix des mères, ne font pas comme ces con­trôleurs sans entrailles qui disloquent les fa­milles, envoient le père au nord, la mère au sud, le fils à l'est et la fille à l'ouest, sans par­ler des petits enfants de six ans, déjà sous la consigne de l'école obligatoire.

Mères, le monde vous en prie, continuez, continuez à supplier, à pleurer. C'est vous qui nous gagnerez la paix et le bonheur. Mères, sauvez-nous !

* * *

Malgré toute la misère de la terre, nous pouvons encore reprendre nos espoirs, reve­nir à la joie, tant qu'il y a des mères qui ai­ment et qui pleurent.

Mères, sauvez-nous donc ! Continuez à ai­mer et continuez à supplier !

Gilberte Côté-Mercier

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