Mais rien que 9 !

le dimanche, 01 août 1943. Dans La politique

Beaucoup d'encre a coulé sur la question de l'amendement précipité à l'Acte de 1867. Tout le monde sait à peu près de quoi il s'agit :

Après avoir annoncé, dans le discours du Trô­ne de la présente session des Communes à Otta­wa, une nouvelle répartition des sièges électo­raux, basée sur le recensement 1941, tel que le veut ce qu'on appelle la Constitution, M. King a décidé tout d'un coup de faire remettre cette répartition à l'après-guerre.

C'était aller contre les intérêts de la province de Québec. Notre population augmente plus vite que celle d'autres provinces : notre représenta­tion à Ottawa devrait en être plus forte. Si le nombre de nos députés doit rester à 65, celui des autres provinces doit diminuer en consé­quence.

Il paraît que, si l'on s'en tenait à l'arrange­ment adopté par les Pères de la Confédération, l'Ontario perdrait sept ou huit députés. Notre position, au point de vue nombre, en serait for­tifiée.

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Pour faire immoler notre province, M. King a eu la délicatesse de choisir comme grand-prê­tre du sacrifice le successeur de M. Lapointe, l'honorable Louis St-Laurent, qui s'en est ac­quitté avec beaucoup de précaution, mais a par­faitement atteint le résultat. Une nouvelle plume à son chapeau !

Tout Québec a protesté : les libéraux de M. Godbout, aussi bien que l'Union Nationale de M. Duplessis et le Bloc Populaire de M. Ray­mond.

Mais rien n'a arrêté la machine lancée à tou­te vitesse. Lorsqu'il s'agit d'arracher le pays à une crise causée par les financiers, M. King — comme les autres — y va avec une telle lenteur que rien ne change. Mais lorsqu'il s'agit d'une déclaration de guerre à une dictature étrangère, ou d'un coup de couteau dans les droits du Qué­bec, il ne badine pas, et ça marche. Même le Parlement de Westminster, même la signature du Roi, sont prestement mobilisées et la date ultime du sanctionnement fixée.

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L'unanimité dans la protestation des divers groupes politiques de la province de Québec mé­rite certainement d'être enregistrée. Mais, si l'on ouvre le Hansard du 5 juillet et qu'on examine le vote donné sur cette question à Ottawa — à Ottawa où notre province compte encore une soixantaine de députés vivants, on est stupéfait de n'y voir consignés que neuf votes en opposi­tion à la motion présentée par l'Honorable St-Laurent.

Neuf députés seulement ont voté contre. Les autres étaient, ou bravement absents, ou mou­tonnièrement alignés derrière l'appel du parti. Moins du quart de notre propre députation pour faire écho à la voix bien audible de toute la province ! Allez-y, monsieur King, pas besoin de vous gêner.

Mais où donc étaient nos "nationalistes", nos patriotes de tribune, ce jour-là ?

Nous jugeons notre représentation de 65 dé­putés trop faible par rapport à celle du reste du pays ; mais nous n'avons que neuf députés pour oser exprimer le point de vue unanime de toute la province. À quoi bon en demander plus, si les quatre cinquième sont si prompts à nous lâ­cher ?

Cela voudrait-il dire qu'un député du Qué­bec, une fois rendu à Ottawa, cesse de représen­ter le Québec ? Il est vrai que, en vertu des cou­tumes sacrées des partis politiques, un député est, avant et par-dessus tout, membre de son parti.

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Continuons de réclamer notre juste propor­tion de la députation fédérale, aussi longtemps au moins que nous jugerons devoir continuer à faire partie de la confédération canadienne ; mais commençons donc par placer au fédéral, comme partout ailleurs, des représentants qui nous re­présentent véritablement. Et pour cela, point besoin de l'intervention du Parlement de West­minster, celle d'une réelle Union des Électeurs suffira amplement.

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