Le plannisme est-il une solution ?

le mardi, 01 juin 1943. Dans Réflexions

Comme un équipage qui collabore pour faire avancer le navire dans la bonne direction, les hom­mes s'unissent naturellement pour tendre d'un ef­fort commun vers leur bien commun. C'est le but, la raison d'être des institutions sociales. Les insti­tutions qui ne tendent pas vers le bien commun sont mauvaises ou viciées.

Le bien souverain étant à la fois commun et in­dividuel, les institutions sociales ne peuvent con­duire l'humanité vers son bien commun, si elles ne laissent à l'individu la liberté de tendre person­nellement vers son bien propre. Ce dernier, juste­ment compris, ne peut entrer en conflit avec le bien commun.

Une société où l'individu, traqué, affamé, trom­pé, mis en défiance, est "empêché" de tendre à sa fin ultime est une société mauvaise, mal organisée.

Forces matérialistes contre personne humaine

Le libéralisme anglo-saxon est mauvais. Il ne sauvegarde pas les droits de la personne humaine. Il immole le faible au fort dans la lutte économi­que ; il sacrifie l'homme à l'argent.

Le socialisme est mauvais. Il ignore la véritable fin de l'homme en organisant la société en équipe pour la seule poursuite de biens matériels. C'est en­core la force tyrannique — cette fois celle de l'État — qui piétine la personne humaine. Le citoyen n'est plus qu'un rouage dans le mécanisme pro­ducteur. La liberté personnelle est sacrifiée à la ra­tionalisation de la production matérielle.

Le nazisme, comme le libéralisme qu'il prétend pourtant combattre, comme le socialisme qu'il pré­tend supplanter, est une doctrine matérialiste. Le mythe de la race classe le nazisme au niveau de la zoologie. Le bien qu'il poursuit n'embrasse pas l'humanité, mais seulement les avantages terrestres de races élues, au détriment des autres. Là encore, la force, la force la plus brutale, est mise au ser­vice d'une fin viciée.

Ces    philosophies matérialistes s'affrontent. La guerre philosophique est devenue une guerre à coups de canons. Le libéralisme en déconfiture, allié à l'avorton russe du socialisme, s'emploie à écraser le nazisme et tâche de sauver ses propres débris en préparant des plans d'ordre futur.

Et le plannisme ?

Le "Plannisme" est la fusion des germes essen­tiels de tous les systèmes matérialistes, et l'on peut se demander si son but caché n'est pas d'empê­cher toute véritable réforme.

Le plannisme conserve pieusement la suprématie de l'argent sur la personne : c'est son tribut au ca­pitalisme en tout ce qu'il a de plus vicié.

Le plannisme conserve le droit de propriété pour les forts, mais n'en facilite point l'exercice aux fai­bles, ceux-ci devant dépendre, pour leur sécurité, d'une enrégimentation un peu plus poussée. Habile compromis, semble-t-il, entre les démocraties plou­tocrates et leur alliée communo-socialiste. "À mi-chemin de Moscou", selon l'expression du plus cé­lèbre planniste de l'heure, Sir Beveridge.

Le plannisme qui se dessine dans l'ordre inter­national confère aussi une supériorité non déclarée, mais pratique, à une race élue. Sorte de tribut au nazisme, avec cette différence que la race élue n'est plus la même que dans l'idéal teuton.

* * *

Pourquoi ces institutions nouvelles ? Pour ra­mener, paraît-il, la sécurité individuelle. Mais pour­quoi subordonner ainsi la sécurité individuelle à l'engrenage dans un mécanisme matérialiste qui tue la liberté personnelle ?

Pourquoi ne pas rétablir les institutions saines qui, pendant des siècles, ont réussi une sécurité économique en rapport avec les possibilités du temps, sans immoler la personne ?

Pourquoi ? Parce qu'il faudrait décentraliser, di­viser le pouvoir, retirer le monopole de l'argent à ceux qui le détiennent et peuvent ainsi contrôler les vies humaines.

La famille, déqualifiée

Il faudrait, pour rétablir dans leur force la fa­mille et la nation, corriger les défauts qui ont ame­né leur défaite. C'est le sacrifice qu'on ne veut pas faire.

La famille, cellule initiale et respectée de toute société bien organisée, la vraie famille, celle qui a maison et revenu, était le refuge où chacun de ses membres pouvait toujours revenir, fût-il malade, infirme, vieux ou chômeur. N'avons-nous pas eu ces siècles de solidarité familiale, où nulle famille n'aurait voulu laisser à la rue quelqu'un de son sang ou de son nom ? La multiplication des hospi­ces et des institutions publiques de secours corres­pond à la disparition de la vraie famille, de la fa­mille qui remplissait son rôle social à l'égard de tous les siens.

Mais voilà : à cette vraie famille, pour pouvoir tenir son rôle social, il faut nécessairement un reve­nu. Le salaire pouvait lui assurer ce revenu dans un autre âge, il ne le peut plus. Les créditistes sa­vent cela, eux, et proposent en conséquence. Les plannistes ne veulent pas le savoir et transfèrent à la grande fourmilière nationale, ou internationale, le rôle qui serait mieux et plus naturellement tenu par la famille.

Orientation

L'économie fermée des pays était une sorte de garantie de sécurité nationale. En rationalisant la production mondiale sous l'égide de la finance in­ternationale, en spécialisant le travail de chaque pays, la sécurité économique a été soumise à la concurrence effrénée des marchés qui en découlent, frappent tous les pays, et dans chaque pays tous les travailleurs.

Mais les plannistes sont là et n'ambitionnent rien moins qu'un système de sécurité mondiale, couvrant toutes les insécurités locales, sous le pa­ternalisme calculé de la finance internationale.

C'est le joueur qui mise toutes ses chances sur une seule carte. La sécurité de millions d'individus dans la seule main de l'État, ou du super-État, au lieu d'être répartie dans les milliers de cellules na­turelles où l'individu devrait normalement la trou­ver : dans les famille ayant maison et revenu. Vien­ne l'État ou le super-État en mauvaise posture ; vienne un décret maladroit du tuteur financier ; vienne une autre guerre — tout le beau système est à l'eau.

Même en attendant une catastrophe de cette ampleur, l'homme enrégimenté, étiqueté, classé, nourri à la portion, logé dans un espace déterminé en pieds cubes, moulé, déchu de sa dignité humai­ne, matérialisé jusqu'à l'abrutissement, l'homme victime d'institutions mauvaises pourra-t-il fa­cilement avancer vers son bien propre, son bien ul­time, son bien surnaturel ?

À l'heure actuelle, nous ne connaissons, dans l'or­dre économique, qu'une institution capable d'assu­rer à la personne sécurité et liberté tout en facili­tant le rétablissement d'un meilleur ordre politique et social. Et cette institution, c'est le Crédit Social.

Excellent moyen de rétablir la famille dans ses droits naturels en lui permettant l'exercice de sa pleine fonction sociale : le dividende tel que préco­nisé par le Crédit Social. Le dividende qui assure le minimum vital à chacun dans un monde de pro­duction abondante. Le dividende qui complète le salaire, dans un monde où la machine diminue l'ap­pel au salarié tout en augmentant l'offre de pro­duits.

Matérialiste, le plannisme oblige l'homme à la production matérielle, même si la production existe déjà abondante. Plus respectueux de la personne humaine ; le Crédit Social laisse à l'homme la libre disposition de ses activités. Sous une économie cré­ditiste, la production mécanisée libère l'être hu­main pour des fonctions de son propre choix.

Irons-nous au Plannisme ou au Crédit Social ?

Magdeleine BRAULT

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