Tout homme n’est pas un producteur, encore moins un producteur salarié. Mais tout homme est consommateur.
Une économie qui ne sert que le producteur est incomplète, tronquée, bâtarde et, dans un monde d’abondance, absurde, inhumaine, barbare.
Un mot d’ordre pouvait s’imposer dans des siècles de rareté, dans des pays sans rendement : Produire afin de pouvoir consommer.
Un autre mot d’ordre s’impose aujourd’hui : Consommer afin de pouvoir continuer à produire.
Consommer est bien plus facile que produire. Notre problème actuel est donc infiniment plus facile à résoudre que celui de nos ancêtres.
Et pourtant ! Les puissances d’argent ont placé des scellés sur la production, et l’homme, qui dompte les forces les plus sauvages de la nature, s’arrête, hypnotisé, devant une comptabilité qui le sert mal.
Quittant les sentiers battus, malgré les colères des banquiers, malgré les foudres du gouvernement fédéral, malgré les quolibets des sots-sans-le-savoir, une petite province canadienne a décidé de rendre la comptabilité serviable, de placer la production au service de la consommation, de joindre les biens avec les besoins.
C’est la comptabilité monétaire introduite en Alberta, par le gouvernement albertain, pour permettre aux Albertains de jouir de la richesse albertaine, que présente sommairement ce numéro de VERS DEMAIN.
Nous traitions ce même sujet, il y a un an, dans le Cahier du Crédit Social de mars 1939. Le système s’est développé, a plus que doublé depuis. La presse n’a pourtant pas démordu de son silence, elle si prompte à publier, sous de gros titres, tout ce qui ressemblait à un échec dans la grande lutte pour l’économie nouvelle.
Le gouvernement d’Aberhart se présente de nouveau devant les électeurs d’Alberta, avec des réalisations. Sans doute n’a-t-il pas atteint le plein objectif, mais il avance, sans dévier, sans faire halte. La monnaie-service est déjà chose établie ; l’homme est placé au-dessus de l’argent en Alberta ; le niveau de vie s’y est amélioré plus qu’en aucun autre territoire de l’Amérique du Nord ; on n’y emprunte plus, on ne fait plus de dette publique, on augmente les services. Et cela malgré l’opposition de l’autre gouvernement qui, lui aussi, se présente devant le peuple — le gouvernement souverain et souverainement stérile d’Ottawa.
Il y a aussi des consommateurs et des consommatrices dans la province de Québec. Quelle place leur donne-t-on dans l’économie ? Où est l’argent à leur service ? Où est la comptabilité qui, au lieu de les endetter, leur permet d’avoir la nourriture qui attend, les vêtements, les chaussures, les meubles, le bois, le charbon, les remèdes, l’instruction, les délassements ?
Ce qui se fait en Alberta pourrait se faire — bien plus facilement et plus abondamment — dans notre province riche de choses et riche de capital humain.
Le nouveau parlement de Québec, il est vrai, n’a pas encore eu le temps de faire ses preuves. Nous l’attendons à l’œuvre. Les créditistes, de plus en plus nombreux, le surveilleront. Nous le surveillerons.
Les privations imposées à un peuple doivent cesser lorsqu’il a dans son pays tout ce qu’il faut pour placer l’aisance et le confort dans tous les foyers. Rien ne justifie la continuation de ces privations. On n’a pas le droit de sacrifier les consommateurs, les hommes, les femmes, les enfants, aux règlements inhumains des teneurs de livres. Qu’on ouvre d’autres livres et qu’on les fasse tenir par des responsables.
On élit un gouvernement pour le bien commun. Ceux qui acceptent de gouverner doivent le savoir. S’ils l’ignorent, qu’ils l’apprennent. S’ils le savent, qu’ils le fassent. Sils refusent, qu’ils vident la place.
1 mars 1940 p2 1940_03_No9_P_002.doc