Le commandement nouveau

le lundi, 01 février 1943. Dans Réflexions

"Vous aimerez votre prochain comme vous-même, pour l'amour de Dieu... À ceci l'on reconnaîtra que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres".

C'est le commandement du Seigneur, et il est universel. Le prochain, tous les autres hom­mes, c'est tous les autres hommes que je dois aimer. "Si vous n'aimez que ceux qui vous ai­ment, quel mérite avez-vous ?" (Matth. V, 46.)

L'amour d'un catholique doit donc s'étendre à tous les hommes, sans distinction de race ou de position.

De plus, cet amour ne doit-il pas informer tous les actes du chrétien, même les plus con­crets et les plus matériels ?

Autrement la grâce ne serait pas une vie, mais une simple qualité passagère.

Dès que l'amour d'un homme se limite à des différences matérielles comme le sang, il cesse d'être méritoire.

On ne peut donc être vraiment catholique, et n'aimer que ceux de sa race ou de sa nation ; ni se réclamer du Christ, en s'obstinant à haïr ceux qui n'ont pas d'amour pour soi.

Mais, dans ce cas-là, dira-t-on, il est anti­chrétien de vouloir se libérer des financiers, ou d'avoir de plus grands soins pour ses compa­triotes que pour les autres. Telle serait la fau­te des créditistes, qui s'attaquent aux banques et favorisent principalement la production "Nouvelle-France".

Bien au contraire.

Ce qui est anti-chrétien, c'est la domination d'un homme sur un autre, ou d'un groupe d'hommes sur un autre groupe.

Vouloir libérer l'esclave ne signifie nulle­ment avoir la haine du maître.

Si les Créditistes veulent assurer à tous un minimum vital, un dividende gratuit et égal à chacun, c'est justement par amour de tous les hommes.

— Oui, mais les Créditistes québécois ne cherchent-ils pas à appliquer le Crédit Social chez-eux d'abord, dans leur Province ? Bien plus, les exploiteurs apatrides ne sont-ils pas exclus de leur mouvement ?

— De même que le devoir d'un père (même catholique) est de nourrir d'abord sa famille avant celle des autres, ainsi les Créditistes québécois travaillent d'abord pour leur Nou­velle-France. Mais en même temps, ils s'ap­pliquent de leur mieux à élargir leur amour à la dimension du monde.

Et parce que catholiques, ils cherchent le bien de leurs ennemis (le dividende pour eux aussi), tout en s'efforçant de les empêcher de nuire.

Quant aux exploiteurs apatrides, c'est par une mesure de prudence chrétienne que les Créditistes évitent leurs contacts. Ce n'est aucunement par un sentiment de haine. L'Église n'a-t-Elle pas dé­fendu, pendant de longs siècles, entre Chré­tiens et exploiteurs apatrides, les transactions économiques ou sociales susceptibles d'avantager les seconds aux dépens des premiers ?

La haine vient du malin, sous quelque forme qu'elle se présente. Elle est inconciliable avec le service de Dieu.

Rappelons-nous les années qui ont précédé le Sauveur. La justice était bannie de la terre. Et seule, la charité du Christ a pu ramener dans le monde le sens de la justice.

Aujourd'hui, le monde est paganisé de nou­veau. Comme alors, l'injustice est maîtresse.

Que voulons-nous, Créditistes, sinon rétablir, à la base de l'ordre temporel, les principes de justice qu'ont enlevés les Francs-Maçons ?

Le moyen d'y parvenir est le même aujour­d'hui qu'il était dans ce temps-là : un amour vraiment chrétien comme mobile de nos ac­tions.

Mais n'est-ce pas là une chose toute nou­velle ?

Sans doute. Le commandement de charité, donné par Notre-Seigneur, à la veille de sa mort, est encore nouveau de nos jours, et le restera jusqu'à la fin du monde.

Quand donc, Créditistes, aurons-nous le Cré­dit Social ?

La réponse est bien simple : dès que notre amour sera assez grand pour terrasser la hai­ne.

Jean GRENIER

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