La politique — Rouges et Bleus

Louis Even le lundi, 01 avril 1940. Dans La politique

Qu’a-t-on fait le 26 mars dernier ? On a choisi des députés.

Pourquoi avons-nous des députés ? Pour nous représenter au Parlement, pour voter des lois pour nous.

Pourquoi les libéraux sont-ils revenus au pouvoir ? Pour continuer comme auparavant.

Ça va donc bien dans le pays ? Personne ne chôme plus ? Tout le monde mange à sa faim, est logé à son goût ? Les produits des cultivateurs se vendent bien ? Les ouvriers ont des salaires attrayants ? Les jeunes gens trouvent facile de s’établir ? Les familles fleurissent ? L’abondance et la paix règnent dans notre beau Canada ?

On a donc envie de continuer comme jusqu’ici ?

Et pourquoi les conservateurs voulaient-ils prendre la place des libéraux ? Pour faire comme lorsqu’ils ont pris leur place, de 1930 à 1935.

Est-ce que ça allait bien dans le pays de 1930 à 1935 ? S’en est-on bien trouvé ? N’était-ce pas exactement la même chose qu’avec les libéraux ?

Que font nos députés depuis dix ans qu’on est dans la misère et le chômage ? Des discours ; des lois pour protéger les gros intérêts ; des taxes pour le peuple. Ils font aussi exhorter le peuple à la patience et agrémentent le tout de quelques banquets avec leurs amis.

Que font-ils encore ? Ils touchent leur indemnité de $4,000 par an.

Qui paie cela ? Le peuple.

Qu’est-ce que le peuple obtient en retour ? Des discours et des taxes.

Quelle différence y a-t-il entre un député rouge et un député bleu ?

Lorsque le rouge est dedans, le bleu est dehors et cherche à entrer. Lorsque le bleu est dedans, le rouge est dehors et cherche à entrer.

Comment le député rouge et le député bleu se ressemblent-ils ? Tous les deux font une campagne électorale avec beaucoup d’argent. Ni l’un ni l’autre n’expliquent rien aux électeurs. Tous les deux aiment un peuple ignorant afin d’être moins surveillés. Ni l’un ni l’autre ne viennent prendre les ordres de ceux qui paient.

Comment le député rouge et le député bleu se ressemblent-ils encore ? Tous les deux sont des hommes de partis. Tous les deux taisent leur jugement pour suivre les ordres du parti. Tous les deux disent comme leur chef respectif, sans se soucier de l’avis des électeurs.

Combien de fois, dans votre comté, votre député est-il venu étudier avec vous les difficultés du pays ? prendre votre avis ? vous demander si vous êtes satisfaits de l’administration ? si vous appréciez les lois faites pour la finance ? si vous aimez les taxes et le chômage ? si vous avez assez d’argent ?

Combien de fois de 1930 à 1935 ? Combien de fois de 1935 à 1940 ?

Tout le monde constate que c’est l’argent, et rien, que l’argent, qui manque. Votre député est-il venu bien souvent en discuter avec vous ? Est-il satisfait, lui ? Ou prend-il ses électeurs pour des imbéciles, incapables de rien comprendre, bons seulement à se laisser emplir de grands mots et à se faire vider la poche par des taxes et des surtaxes ?

Quand changera-t-on ça ? Quand on se donnera des députés du peuple, et non des députés de partis. Quand on votera pour des gens qui nous respectent et étudient avec nous les questions pressantes, la question de l’argent qui est à la base de toutes les autres. Quand on choisira des hommes qui réclameront bien fort la chose qui manque, l’argent.

Parce qu’on ne l’a pas fait encore le 26 mars dernier, le règne des députés fainéants va continuer. Celui des lutteurs, des revendicateurs des droits de l’opprimé est retardé.

Les lutteurs, il s’en lève au Canada. En dehors des partis. En dehors des moule-nullités. Mais il faut que le peuple apprenne à les apprécier, à les appuyer.

La vraie démocratie, le véritable service du peuple, est incompatible avec l’esprit de parti. Aussi la masse des pauvres — et les trois quarts des Canadiens en sont — va-t-elle s’apercevoir que le vote du 26 mars n’a rien changé pour elle.

VERS DEMAIN 1 avril 1940 p4 1940_04_No11_P_004.doc

 

 

Louis Even

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