L'Union des Électeurs organise la masse du peuple, pour se faire servir par ses institutions politiques et économiques.
Mais qu'est-ce qu'il faut entendre par la masse du peuple ?
Le peuple — ce n'est pas une chose abstraite, inconsciente, sans âme. Ce n'est pas le simple terme sonore, si fréquemment scandé par les politiciens pour attendrir des cœurs et gagner des votes.
La masse du peuple — ce sont des êtres en chair et en os ; ce sont des hommes, des femmes et des enfants, en vie, qui ont des besoins essentiels à satisfaire, qui éprouvent la faim, le froid, la chaleur, la lassitude.
La masse du peuple, c'est le paysan, chaque paysan, qui porte le poids du jour du matin au soir ; c'est la mère de famille, chaque mère de famille, qui ne peut connaître de repos pour élever ses enfants et entretenir sa maison ; c'est le colon, chaque colon, épuisé de fatigues et de privations, honoré dans les discours, bafoué dans la pratique ; c'est le mineur, chaque mineur, qui doit s'user sous terre à extraire les richesses de son pays au profit d'exploiteurs sans patrie ; c'est l'ouvrier, chaque ouvrier, qui, dispos ou non, doit se rendre à l'usine à l'heure marquée par d'autres, aux conditions imposées, fournir un rendement déterminé, ou renoncer à son pain et à celui de sa famille.
La masse du peuple — ce sont tous les travailleurs. Tous et chacun des travailleurs. Ce sont tous et chacun de ceux qui produisent des biens et rendent des services, payés ou bénévoles.
Oui ; mais, la masse du peuple, ce sont aussi : les malades et les invalides,
les filles à la maison, les enfants au berceau, les vieillards acheminés vers la tombe.
La masse du peuple, c'est TOUS et CHACUN. Pas seulement tous, entrevus dans un brouillard, englobés dans une nébuleuse, mais tous et chacun des êtres humains qui respirent et se débattent contre le besoin, contre la souffrance d'aujourd'hui, contre l'inquiétude pour demain.
Puis, la masse du peuple est faite d'hommes. Ce n'est pas un troupeau d'animaux ; ce n'est pas une assemblée de bêtes que des gardiens mènent soit à l'écurie, soit à l'enregistrement au fer rouge, soit aux cours des abattoirs.
La masse du peuple — des êtres humains. Donc, des êtres dont chacun est une personne ; des êtres dont chacun possède une intelligence à lui et une volonté à lui.
Y avez-vous bien songé, politiciens, qui avez la bouche en cœur pour parler du peuple, qui roucoulez pathétiquement vos plus émotionnantes périodes devant le peuple massé au pied de vos tribunes électorales ? Si vous avez compris que chaque personne qui compose cette masse possède une intelligence pour comprendre et une volonté pour décider, quel cas en avez-vous fait ?
La masse du peuple — la foule — cette foule a-t-elle pour vous, politiciens, le sens qu'elle avait pour le Maître lorsqu'il disait : "J'ai pitié de cette foule" ? Sa pitié, à Lui, n'était pas une pitié perchée sur le bout des lèvres : Il fit immédiatement donner à manger à tous et à chacun, autant que chacun en voulut. Votre pitié, à vous, va-t-elle aussi vite aux résultats ? Ou se contente-t-elle de formules dilatoires qui ne redressent rien ?
La masse du peuple — prend-elle pour vous, politiciens, la signification qu'elle prend pour l'Église, qui se penche vers tous et chacun, qui s'occupe de tous et de chacun, qui distribue à tous et à chacun, individuellement, les plus augustes sacrements et les richesses inappréciables d'un Trésor commun ?
C'est à tous et à chacun des citoyens du pays, du berceau à la tombe, quelles que soient ses aptitudes et ses contributions personnelles à la production, c'est à tous et à chacun que l'Union des Électeurs veut faire garantir, par loi, le minimum nécessaire à une honnête subsistance.
Et, parce qu'il ne s'agit pas d'animaux, mais d'êtres humains, c'est à tous et à chacun, à chaque intelligence, que s'adresse l'Union des Électeurs pour organiser la masse du peuple. À tous et à chacun qu'elle présente son cas, le cas justement de tous et de chacun, le programme répondant aux aspirations de tous et de chacun ; puis à tous et à chacun qu'elle laisse le soin de décider, d'après sa volonté propre, ce qu'il va faire, quelle part personnelle il va prendre pour libérer son pays des étrangleurs.
C'est pour cela que l'Union des Électeurs entre dans le menu, établit un responsable par paroisse, un assistant responsable par rang et par secteur de village. Responsables chargés de promouvoir l'instruction politique de tous et de chacun, sans violenter personne.
C'est pour cela aussi que l'Union des Électeurs, consciente de la dignité de chaque personne humaine, fait appel à tous et à chacun pour les actes de dévouement et de sacrifices. Elle ne déshonorera jamais des êtres humains en cherchant à marchander avec eux des principes ou des idéaux.
L'Union des Électeurs prendra le temps qu'il faudra — l'Église a pris le sien. Et pourtant, comme les missionnaires de l'Église, les missionnaires de l'Union des Électeurs, les missionnaires du Crédit Social, les missionnaires de la libération économique, y vont avec toute l'ardeur dont ils sont capables. Ils brûlent de mettre fin à des souffrances inutiles ; ils ne perdent aucune minute ; ils ne laissent passer aucune occasion d'avancer leur cause, la cause de tous et de chacun. Mais ils doivent attendre les intelligences, ils doivent surtout attendre les volontés libres.