Les journaux ont commenté, chacun à sa manière, les élections provinciales d'Ontario. Il y a tout de même un son de cloche que tous ont entendu. Même les feuilles libérales n'ont pu s'empêcher de constater dans le résultat du vote une désapprobatimon des actes d'Ottawa.
On se rappelle qu'en effet, lorsqu'il s'est agi de trouver un successeur à Mitchell Hepburn, comme chef du parti libéral provincial, nombre de députés et ministres fédéraux ont oublié la gravité des problèmes qui les rivaient à Ottawa, pour aller influencer le choix de la convention. Et c'est Nixon qui sortit chef. Et Ottawa fut dans la joie : Nixon était le préféré d'Ottawa.
Voici donc le préféré d'Ottawa rejeté plus bas que jamais par l'électorat d'Ontario. Douche froide, accentuée encore par le résultat semblable des quatre élections partielles, pour le fédéral, qui ont fait perdre quatre sièges au gouvernement King.
Sur ce point-là, tout le monde est d'accord, même ceux qui se sont tus parce qu'ils n'avaient rien de bien agréable pour eux à exprimer.
Outre ce point commun, certains commentateurs ont souligné l'ascension de la C.C.F. et se sont demandés si le pays voulait réellement un régime de socialisme d'État.
Pour nous, nous, disions brièvement, dans le dernier numéro, que les électeurs avaient surtout voté CONTRE, et que nous doutions qu'ils aient voté POUR. Ils ont voté contre quelque chose qu'ils n'aiment pas, sans voter pour aucune chose précise.
Les réflexions suivantes, empruntées à un article éditorial paru dans Today and Tomorrow, hebdomadaire créditiste d'Alberta, intéresseront nos lecteurs.
Remarquons d'abord que le vote d'Ontario n'a intéressé que 50 pour cent environ des électeurs inscrits.
Il y a donc environ la moitié des électeurs qui se sont dispensés de voter. Pourquoi ? Cette indifférence peut être due à deux causes principales :
1o— Pour cette moitié des électeurs, ni l'un ni l'autre des trois partis en cause ne semblait capable de leur donner ce qu'ils veulent avoir.
2o. — Aucun des objectifs mis de l'avant par l'un et l'autre des trois partis en cause n'était acceptable à cette moitié des électeurs.
Il est évident, en effet, que personne ne va se déranger pour pousser un programme qui ne lui dit rien, encore moins pour obtenir quelque chose dont il ne veut pas.
Libéraux, conservateurs-progressistes et C.C.F. ont exposé leurs programmes, et la moitié des électeurs a tourné le dos aux trois programmes et aux trois groupes : Cela ne nous intéresse pas. Ou même : Nous ne voulons rien de cela.
Y a-t-il un des groupes qui ait offert au peuple une politique garantissant concrètement à la fois la sécurité et la liberté ? Or, qu'est-ce qui intéresse le peuple, tous et chacun, si ce n'est l'assurance concrète de la sécurité économique et de la liberté personnelle ?
Pour le public d'Ontario, au moins pour la moitié qui n'a pas voté, il n'y avait rien d'intéressant dans les questions mises de l'avant par les trois groupes. Rien pour supprimer aucune des restrictions financières de toujours, ni aucune des restrictions politiques qui prennent corps.
Pour la moitié qui n'a pas voté, ni le réchauffé des Libéraux, ni le ragoût des Conservateurs-Progressistes, ni la cuisine plannifiée des C.C.F., ne valait une demi-heure de dérangement.
Quant à la moitié qui a voté, le vote n'indique pas nécessairement qu'elle eût beaucoup plus d'amour pour les programmes présentés que la moitié qui est restée à la maison.
Les électeurs qui ont voté ont-ils enregistré une opposition ou une adhésion ?
Les électeurs avaient d'abord le choix entre endosser ou condamner l'administration du gouvernement libéral sortant et l'appui que ce gouvernement avait voué à l'administration libérale fédérale. Sur ce point, la grande majorité a exprimé une condamnation.
Une majorité écrasante de l'électorat total d'Ontario était mécontente du gouvernement Nixon et du mariage de Nixon à l'administration King. Pour exprimer leur désapprobation, ceux qui votaient étaient obligés de voter pour un des autres partis, même s'ils n'en étaient pas amourachés.
Et comment devait naturellement se partager le vote d'opposition au gouvernement Nixôn ? Il y avait le choix entre Conservateurs et C.C.F.
Ceux des opposants à Nixon qui craignent les menaces socialisantes et bureaucratiques de la C.C.F. devaient voter pour les conservateurs, même s'ils n'étaient pas conservateurs — autrement, s'abstenir, comme la moitié qui n'a pas voté.
Ceux des opposants à Nixon qui craignent que l'esprit de réaction des conservateurs ramène le Canada, une fois la guerre finie, aux conditions absurdes d'avant la guerre, devaient plutôt voter C.C.F., même s'ils ne partageaient pas du tout les idées bureaucratiques de la C.C.F. — autrement, s'abstenir comme la moitié qui n'a pas voté.
On a donc tout lieu de conclure que :
1o. — L'Ontario en a assez de la politique du gouvernement King, et qu'il englobe dans la même condamnation toute administration provinciale qui veut prendre son inspiration à l'Ottawa actuel. Ce qu'ont déclaré les non-votants, puisqu'ils n'ont pas voulu donner leur vote à Nixon, et ce qu'ont déclaré les votants qui ont placé leur croix après le nom d'un candidat dissocié de l'administration Nixon.
2o. — L'électorat d'Ontario n'a pas trouvé devant lui un message répondant à ses aspirations. Ce qu'atteste sans nul doute l'abstention à voter de la moitié de l'électorat, et ce que signifie probablement un grand nombre des votes donnés aux C.C.F. simplement par crainte de la réaction conservatrice, et aux Conservateurs simplement par crainte de l'aventure C.C.F.
Il manquait le véritable message — le message qui aurait fait sortir de chez eux les 50 pour cent qui n'ont pas voté ; le message qui aurait rallié tous ceux qui ne sont pas soudés par des intérêts privés aux forces de la réaction et qui sont trop amants de la liberté pour se livrer aux engrenages de la bureaucratie. Et ce message tient en deux points :
1o. — En politique, c'est l'Union des Électeurs, et non leur division à la remorque de clans de politiciens ambitieux, qui leur fera obtenir des résultats qu'ils veulent tous, d'un commun accord ;
2o. — En économique, c'est un dividende national correspondant aux développements du pays, et non une dette nationale correspondante aux développements du pays, qui rendra les Canadiens maîtres de la production du Canada.
C'est le message créditiste, c'est le message de l'Union des Électeurs.
Jusqu'ici, il ne s'est pas trouvé suffisamment d'apôtres en Ontario pour le porter aux 82 comtés de la province. Et si toutes les provinces étaient aussi en retard dans la diffusion de ce message, il faudrait envisager une ère de socialisme d'État,. C.C.F. ou autrement, après cette guerre, au grand détriment de la liberté. Or, la liberté une fois enchaînée, une fois emprisonnée dans les mailles d'une bureaucratie gouvernementale, étayée de lois et de sanctions, c'est toute une génération, et plus peut-être, qui subira le régime d'écurie avant que des patriotes éclairés réussissent à s'en défaire — et à quel prix ?
Créditistes de Nouvelle-France, hâtez-vous avant qu'il soit trop tard.