Faillite ou succès ?

le dimanche, 15 août 1943. Dans L'économique

Il devient à la mode, en certains milieux, de dire et répéter que l'entreprise privée a fait faillite, et qu'il faut nationaliser, étatiser, socialiser, prati­quer l'économie plannifiée, etc.

Mais comment donc l'industrie privée a-t-elle fait faillite ? En quoi a-t-elle fait défaut ?

Est-ce que l'agriculture n'a pas toujours fourni tout ce qu'on lui demandait ? Est-ce qu'elle n'a pas même accumulé des surplus ? Du blé dans l'ouest ? Des produits laitiers dans l'Est ? Des pom­mes de terre et d'autres légumes ? Est-ce que, avant la guerre, l'agriculture ? — entreprise privée — n'offrait pas plus qu'elle pouvait vendre ?

Est-ce la fabrication de chaussures qui a fait défaut ? Est-ce que l'industrie privée des chaussu­res ne s'est pas montrée capable de fournir toutes les chaussures réclamées par les pieds du pays ?

Serait-ce l'industrie du vêtement qui ne four­nissait pas les vêtements sur demande ?

Serait-ce l'industrie électrique qui ne pouvait fournir le courant aux clients ?

Serait-ce l'imprimerie qui n'était pas capable de fournir tous les imprimés réclamés d'elle ?

Nous nous rappelons fort bien que, au contrai­re, ce sont les chefs d'industrie qui couraient et fai­saient courir le pays pour chercher des clients, des consommateurs pour leurs produits.

En quoi, qu'on le dise donc, en quoi l'entreprise privée a-t-elle fait faillite ?

Ah ! répondront les critiques, elle a fait faillite parce qu'elle n'a pu fournir d'emploi à tout le mon­de. Elle a fait faillite, parce que le nombre des sa­lariés de l'industrie diminuait.

Mais, ce n'est pas une faillite. Au contraire, c'est un succès. Si l'industrie a pu fournir les produits, tous les produits demandés, avec de moins en moins d'employés, c'est un magnifique succès.

Prenez une manufacture de chaussures qui em­ploie cent hommes et produit 500 paires de chaus­sures par jour. Si cette même manufacture réussit à faire la même quantité de chaussures avec seule­ment soixante hommes au lieu de cent, c'est un magnifique succès, pas seulement pour elle, mais pour la collectivité. Tout de suite, en effet, voilà 40 hommes libérés pour faire d'autre chose, sans diminuer la production de chaussures. Ces 40 hom­mes pourront ajouter d'autre chose à la richesse du pays.

Blâmer l'entreprise privée pour ne pas employer tout le monde, c'est la blâmer pour une chose dont on devrait la louer.

Ce qui est blâmable, ce sont des bouts de che­min qui emploient du monde, mais qui ne sont ja­mais terminés. Cela, c'est une faillite. Et ce n'est pas l'habitude de l'entreprise privée de faire des choses pareilles : elle ne tiendrait pas.

Le but de l'industrie est de fournir des biens, non d'employer les hommes. Et plus une industrie fournit de biens avec le minimum de travail, plus elle est parfaite. Moins elle absorbe de travail­leurs, plus elle en laisse pour d'autres occupations, donc plus elle est bienfaitrice.

Mais, dira-t-on, ceux-là qui se trouvent être sans em­ploi n'auront pas de quoi vivre !

Et qu'est-ce qui a fait ce règlement-là ? Sûre­ment pas l'entreprise privée.

Qu'on ne blâme pas une personne ou un groupe pour une chose qui ne dépend pas de cette person­ne ni de ce groupe.

Les agriculteurs, les ouvriers, les industriels, fournissent les choses, et ils les fournissent bien.

Si les fabricants de piastres ne fournissent pas les piastres, ou s'ils les fournissent d'une manière qui ne les laisse pas aller là où les piastres de­vraient aller, qu'on s'en prenne aux fabricants de piastres.

Au lieu de mettre son nez dans l'industrie qui va merveilleusement bien, qui produit abondam­ment, de plus en plus avec de moins en moins de dépenses d'énergie, que le gouvernement mette donc son nez dans la manufacture qui ne va pas, qui n'accomplit pas sa fonction : la manufacture des piastres qui seules font défaut quand tout le reste est présent.

Au lieu de crier sur l'entreprise privée, qui s'ac­quitte très bien de son rôle, et de vouloir la rem­placer par la socialisation, qu'on reconnaisse donc l'incompétence du système d'argent, et qu'on le corrige par le système monétaire scientifique du Crédit Social.

Poster un commentaire

Vous êtes indentifier en tant qu'invité.