À la dernière session provinciale, le gouvernement Duplessis se fit autoriser, par sa majorité parlementaire, à entrer en pourparlers avec quelque compagnie privée pour la concession d'immenses richesses minières comprises dans le territoire nord de la province de Québec.
Ce territoire, appelé autrefois l'Ungava et annexé à la province sous le gouvernement Gouin, s'appelle plus communément aujourd'hui le Nouveau-Québec. C'est une vaste étendue, non peuplée, à peine explorée, mais déjà reconnue riche en gisements miniers, particulièrement en fer magnétique.
Or, le gouvernement Duplessis vient de concéder ces champs miniers, pour au moins vingt ans, à la Hollinger North Shore Exploration Co., avec de grands privilèges qui la soustraient aux obligations de la loi des mines.
Les actionnaires de la Hollinger sont des citoyens de Toronto et des États-Unis, mais la compagnie, dit-on, est commanditée par les grandes aciéries de Pittsburgh, en Pennsylvanie. Ces aciéries voient s'épuiser graduellement leurs approvisionnements du Montana et cherchent d'autres mines de fer.
Pour accéder aux gisements du Nouveau-Québec, il faut d'abord établir des moyens de communication, entre autres une ligne de chemin de fer, dans un pays absolument vierge.
C'est un gros travail, qui sera sans doute fait avec de la main-d'oeuvre de chez nous, avec des réalités disponibles dans notre pays. Mais, comme on pense en argent et non pas en réalités, on se croit incapable de l'entreprendre, à moins que l'argent vienne de quelque part. Et c'est pour cela que le gouvernement fait bon accueil au capital étranger.
On verra se reproduire la vieille histoire: des richesses naturelles de chez nous, extraites par des gens de chez nous, au bénéfice d'étrangers. On appellera cela une bénédiction, parce que ça donne du travail à nos gens!
Nos forêts, abattues par nos bûcherons, ont déjà pris le chemin des États-Unis. Notre fer suivra. Pourquoi? Parce que des financiers américains apportent l'argent.
Si l'argent était le reflet des réalités, une simple comptabilité des faits, et naissait naturellement à mesure que du travail exploite des richesses naturelles, le problème ne se poserait pas. À mesure que nous avons les cerveaux et les bras, nous prenons ce qu'il nous faut pour répondre à nos besoins. Et si nous n'avons ni les besoins, ni les moyens de toucher à ces richesses, pourquoi ne pas les laisser en sécurité là où elles sont, pour besoins et moyens futurs?
Le Nouveau-Québec devient une colonie de la finance américaine. Est-ce pour consolider l'autonomie provinciale?
Mais nous aimerions savoir combien la caisse de l'Union Nationale, pas mal aplatie par les prodigalités de la campagne de Beauce, recevra de la Hollinger pour aider à bourrer le peuple aux prochaines élections.