Et après la guerre ?

le vendredi, 15 janvier 1943. Dans Réflexions

Des statisticiens — pas des créditistes — démon­trent, chiffres en main, que le Canada produit actuellement pour une valeur de $608 par année et par tête. Par tête, c'est-à-dire par personne vivan­te. Si la moyenne des familles comprend 5 person­nes, cela voudrait dire $3,040 par famille.

Cette production ne consiste pas toute en biens de consommation. La production de munitions de guerre entre dans le calcul. Mais il reste que la production actuelle du Canada représente la valeur de $3,040 par famille.

Il y a neuf ans, en 1933, la production du Cana­da, par tête et par année, était de $329, soit $1,645 par famille si la famille moyenne est de cinq per­sonnes.

Là où l'on produisait pour $100 avant la guerre, on produit pour $170 pendant la guerre.

Qu'est-ce qui empêchait de produire autant avant la guerre ? Si la production d'avant-guerre avait été active comme la production de pendant-guerre, elle aurait consisté en biens de paix, en cho­ses que les familles désirent dans leurs maisons. Il y en aurait eu, en moyenne, pour $3,040 par famil­le. À moins que cela, en allouant plus pour les uns que pour les autres, en allouant aussi pour les dé­tournements de pouvoir d'achat par les gouverne­ments, quel n'aurait pas été le changement si cha­que famille avait eu seulement un revenu de $2,000 par année ? C'était fort possible, sans épuiser la ca­pacité de production si bien manifestée depuis.

Qu'est-ce, encore une fois, qui empêchait la pro­duction d'avant-guerre de s'élever à cette moyenne de $608 par tête et par année ? Qu'est-ce qui la re­tenait à $329 par tête et par année, avec des théo­ries de chômeurs et d'affamés ?

Ce n'était pas l'absence d'hommes et de moyens. On avait tous les moyens mécaniques qu'on a aujourd'hui, et le nombre d'hommes disponibles était beaucoup plus grand.

Il ne faut pas oublier, en effet, qu'à l'heure ac­tuelle, à l'heure où la production atteint presqu'au double de celle de 1933, nous avons 750,000 hom­mes des plus capables enrôlés dans les forces ar­mées, où ils ne contribuent pas pour un sou à cette production annuelle élevée.

Ces 750,000 hommes, dont nous ne pouvons uti­liser ni les bras ni les cerveaux pour la production, ces 750,000 hommes étaient disponibles en 1933.

La production de 1933 aurait donc pu être de beaucoup supérieure à la production actuelle. Pour­quoi lui était-elle tellement inférieure ? Parce que nous avions à vivre seulement et que nous n'avions pas à tuer ? Lorsqu'on a le temps, les hommes et les machines pour alimenter la vie, on les immobilise, on prive les familles, on attriste et on raccourcit les vies. Lorsque l'heure vient de tuer, toute l'activité humaine entre en mouvement. Pourquoi ?

Et après la guerre ? Ceux qui travaillent aujour­d'hui ne seront-ils pas contents de continuer à tra­vailler, pourvu que l'on continue de trouver de l'ar­gent pour les payer ? Ceux qui combattent aujour­d'hui ne seront-ils pas prêts à changer leur solde pour un salaire, leurs activités meurtrières pour des activités de paix ?

Mais qu'aura-t-on alors ? Les intelligences qui rationnaient la vie des hommes ne sont-elles pas toujours là ? Est-ce à ces intelligences qu'on fait la guerre ? Est-ce le nazisme allemand ou le fascisme italien qui empêchaient les Canadiens de jouir des fruits de la production du Canada ?

Ceux-là mêmes qui conduisent la guerre contre Hitler et ses satellites, qui nous poussent au com­bat en nous disant que demain sera différent d'hier, que font-ils pour faire demain différent d'hier ?

L'après-guerre ne sera pas le fruit du hasard. Elle sera ce que la feront ceux qui la préparent au­jourd'hui. Ceux qui ne préparent rien n'ont qu'à attendre passivement ce que leur donneront ceux qui préparent quelque chose.

Or, ceux qui, par la finance, conduisaient l'indus­trie et les gouvernements avant la guerre, ont-ils renoncé à conduire l'industrie et les gouvernements par leur même finance après la guerre ? Quand se sont-ils convertis ? Où et quand leur puissance a-t-elle été abattue ?

Les alliés ont maintenant des victoires à leur crédit en Afrique, en Océanie, et, si l'on veut, en Russie. Mais où sont leurs victoires sur les endetteurs d'humanité ? Où est le commencement de leur guerre contre ceux qui affamaient le Canada en pleine abondance avant la guerre ?

Les discours, radiodiffusés, des francs-maçons qui gouvernent les États ne nous disent rien de plus que les discours, entre deux scotchs, des farceurs qui ont avili la politique chez nous depuis deux générations. II faudra autre chose que discourir et écouter discourir pour préparer une après-guerre différente de l'avant-guerre.

C'est ce que savent ceux qui laissent joûter les politiciens et montent activement l'Union des Élec­teurs.

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