Docteur honoris causa

le vendredi, 15 janvier 1943. Dans Réflexions

À l'occasion de son installation dans son nouvel immeuble de la Montagne, l'Université de Mont­réal annonce la distribution prochaine de l'épitoge à une trentaine de personnages qui seront faits doc­teurs honoris causa.

Ces titres ne seront pas la récompense d'exa­mens subis avec succès, mais — au moins en plu­sieurs cas — la reconnaissance de gracieusetés tou­jours appréciées dans un monde où l'argent est plus rare que le talent.

Pour le vulgaire, pas latiniste, honoris causa a tout l'air de signifier honoré pour cause. Et la cau­se, ça peut être simplement l'habileté à servir à une université asséchée quelques millions du Trésor Public. Comme il est difficile de conférer le titre de docteur honoris causa, sans perdre le cachet de sa distinction, au public qui paie, on le décerne au po­liticien assez diplomate pour exercer avec discerne­ment son pouvoir tutélaire.

C'est le cas de l'Honorable Damien Bouchard, que l'Université de Montréal va faire Docteur en Sciences Sociales, parce qu'il veut bien affecter chaque année, pendant trois ans, $1,100,000 des crédits de la Voirie à l'Université. Le titre de M. Bouchard coûte donc $3,300,000, mais c'est le pu­blic qui paie. Avec l'argent, on achète tout; et quand ça coûte cher, c'est commode d'avoir l'ar­gent des autres pour payer.

Lorsque, durant ses vacances, l'Hon. Damien Bouchard adressera la parole à un auditoire mexi­cain, les journaux du pays pourront annoncer en grandes manchettes qu'un Docteur de l'Université de Montréal est au programme.

Docteur en Sciences Sociales — voilà qui va donner à ce preux de l'ancienne loge L'Émancipa­tion un peu plus de prestige pour rabrouer l'évêque de Sherbrooke, lorsque celui-ci osera détourner ses fidèles d'associations chères à notre ministre de la Voirie.

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