Debout pour l'amnistie générale !

Gilberte Côté le vendredi, 15 juin 1945. Dans Conscription

La guerre est finie

La guerre avec l'Europe est finie. Les soldats que le gouvernement a ramassés de gré ou de force pour la guerre d'Europe ne sont plus utiles au gou­vernement comme soldats. Pourtant, nos soldats ne sortent pas des casernes. On les garde encore à faire des exercices militaires. On ne les renvoie pas chez eux. Pourquoi ? Pourquoi donc ? Pourquoi garde-t-on ceux qui ne s'enrôlent pas volontaire­ment pour la guerre contre le Japon, alors qu'on a déclaré que celle-ci serait sur un pied de strict vo­lontariat ?

Ces jeunes gens ont déjà consacré, de force, assez de temps au service de guerre du pays. Il semble qu'ils ont fait leur part.

Il y en a assez parmi eux qui ont perdu leur ave­nir. Il serait temps que le gouvernement songe à réparer le mal que la guerre leur a fait.

Que le premier Ministre les démobilise donc au plus vite. C'est le désir de toute la population.

C'est le désir de la population canadienne-fran­çaise de la province de Québec de voir ses soldats rentrer à la maison. Le gouvernement King s'est assez moqué des Canadiens français. Les députés québecois de l'ancien gouvernement ont assez joué avec leurs électeurs.

Ces farces sont finies.

L'Union Créditiste des Électeurs se lève main­tenant et réclame, de toute la force de ses 300,000 membres, la démobilisation immédiate et complè­te de tous les soldats.

Déserteurs et délinquants

Non content de garder les jeunes gens sous les armes, le gouvernement continue à rechercher par sa police ceux qui ne s'étaient pas rendus à l'appel militaire, les délinquants, et ceux qui se sont sau­vés de l'armée, les déserteurs.

Pourquoi ? Mais, pourquoi donc ?

Maintenant que la guerre est finie, ne va-t-on pas cesser d'enrôler pour la guerre ?

Pourquoi alors continuer de courir après ceux qui ne consentent pas à s'enrôler ?

Est-ce par désir de vengeance ? N'est-ce pas as­sez d'avoir gâché l'avenir de ces jeunes ? Ne va-t-on pas finir de les faire vivre dans la crainte ? N'ont-ils pas déjà assez souffert pour refuser une conscription dénoncée pendant vingt-cinq ans par ceux mêmes qui l'ont imposée au mépris de tons leurs serments ?

Quelle raison valable peut-on donner pour con­tinuer cette chasse à l'homme, contraire à la digni­té de toute personne civilisée ?

L'Union Créditiste des Électeurs réclame à grands cris que le gouvernement cesse toute re­cherche de déserteurs et de délinquants, et immé­diatement.

La guerre est finie en Europe. Pourquoi la con­tinuer chez nous ?

La guerre du Japon

La population de la province de Québec était opposée à la guerre d'Europe. Elle est opposée à toute guerre en dehors de son territoire. Opposés à la guerre, oui, nous l'étions, oui, nous l'étions, et nous le sommes encore.

Les nouveaux députés de la province de Québec, tous élus sous l'étiquette anti-conscriptionniste, vont-ils se soumettre à la guerre du Japon ?

Anti-conscriptionniste, c'est beau ; mais anti-­guerre, c'est encore plus beau, et surtout plus pra­tique et plus sûr.

La population ne veut pas de participation for­cée à la guerre avec le Japon. Et l'Union Créditiste des Électeurs le criera à tue-tête.

À bas la conscription !

Tous, ou à peu près tous les députés du Québec sont anti-conscriptionnistes ? Ils doivent savoir, comme leurs électeurs, que la loi de la conscription peut être rappelée.

Leur premier devoir est donc de la faire abroger au plus vite.

À bas la conscription ! À bas la conscription ! À bas cet esclavage diabolique, le pire que l'enfer ait jamais inventé !

La population de Québec ne veut pas de la cons­cription.

La population du Canada, dans son ensemble, ne veut pas de la conscription. Les journaux des provinces anglaises la réclament, il est vrai, mais ils n'expriment pas la volonté des électeurs.

Qu'on fasse donc venir toutes les femmes des provinces anglaises, et qu'on leur demande à elles, les femmes, l'une après l'autre, si elles veulent qu'on prenne leur fils de force pour les faire tuer.

Nous en connaissons, des Anglaises, qui haïssent la guerre et la conscription.

Les députés des provinces anglaises devraient consulter leurs électeurs au lieu de consulter les marchands de canons, les marchands de dettes de guerre et leurs publicistes. Ils seraient mieux ren­seignés sur la volonté de leurs électeurs.

À bas la conscription ! À bas la guerre ! C'est le désir de toute la population.

Le rôle des députés fédéraux

Que vont donc faire les députés fédéraux en face de ce désir de leurs électeurs ?

Les nouveaux députés fédéraux, dont les pro­messes de service sont encore toutes fraîches dans les oreilles des électeurs, que vont-ils faire pour fai­re valoir la volonté de leurs électeurs auprès du gouvernement d'Ottawa ?

Mourir s'il le faut

Nos représentants, les députés fédéraux devront tout entreprendre pour faire valoir les volontés de leurs électeurs, et aller jusqu'au bout pour faire respecter la volonté de leurs électeurs, jusqu'à mourir s'il le faut. Les soldats enrôlés de force ont bien dû aller jusqu'à la mort, eux, pour obéir à des volontés qu'ils n'ont jamais courtisées. Si les dépu­tés ne sont pas prêts à prendre leurs responsabili­tés pour revendiquer la volonté de leurs électeurs, ils n'ont pas la compétence voulue pour remplir leur mandat, et doivent démissionner au plus vite.

Il arrive souvent à un député de dire à un élec­teur : "Que voulez-vous que je fasse, j'ai voté pour cela ; ou contre cela, que voulez-vous que je fasse de plus ?" Puis, il fait comme Pilate, livre le peuple en se lavant les mains.

Mais, qu'on s'en souvienne, Pilate fut quand même coupable, parce que Pilate était responsable. Il avait une mission à remplir et devait la remplir, au risque de perdre sa position, au risque même de mourir.

Nos députés ont aussi une mission à remplir. Ils doivent accomplir la volonté du peuple. Ils ont promis de le faire. Ils doivent prendre tous les moyens pour y réussir. Sinon, ils doivent démis­sionner.

Sans doute que nos députés doivent voter au parlement pour que le peuple soit satisfait. Mais, ils doivent aussi parler au parlement. Et si le par­lement ne les écoute pas, ils doivent rassembler leurs électeurs, les grouper, enregistrer les protesta­tions, préparer et conduire des délégations, pour que les électeurs se fassent écouter, Les députés doivent aussi s'efforcer de gagner leurs collègues à présenter et défendre les idées de leurs électeurs plus directement.

Est-ce que les députés de la province de Qué­bec, province si maltraitée dans la question de guerre, est-ce que nos députés n'auraient pas dû enregistrer une vigoureuse protestation contre l'at­titude des autres provinces ? Qu'ont-ils fait à part de leur vote ? En dernière ressource, pourquoi ne démissionnaient-ils pas en bloc pour protester con­tre le mépris formel de la volonté clairement si­gnifiée de toute une province ?

Pour résumer, nos députés sont responsables. Ils doivent donc tout faire pour nous sauver. Tout, tout, tout, jusqu'à mourir s'il le faut.

Autrement, ils sont indignes de leurs fonctions de députés.

"Pas de session"

Mais, nous dira-t-on, il n'y aura pas de grande session. S'il y en a une, ce sera une toute petite session, dont le programme sera tout fait d'avan­ce, et les députés ne pourront pas y réclamer ce qu'ils voudront.

Cela, c'est votre affaire, messieurs les députés.

Prenez les moyens que vous voudrez, mais sauvez-nous, puisque vous avez voulu nous le promettre.

S'il n'y a pas de session au programme, faites-en mettre une. Ce n'est pas en restant assis chez vous que vous comblerez une lacune. Faites comme l'Union Créditiste des Électeurs : elle n'est pas con­voquée par ses députés ; eh bien, elle convoque ses députés.

Si le gouvernement ne vous convoque pas, con­voquez-vous-mêmes le gouvernement. Gagnez vos confrères. En un mot, prenez les moyens qu'il faut et donnez des résultats. C'est justement votre fonc­tion de trouver les moyens qu'il faut et de les faire servir à l'objectif.

Nous comptons sur vous, messieurs les députés fédéraux.

Votre présence

Justement, l'Union Créditiste des Électeurs de chaque comté tiendra bientôt une grande assem­blée régionale pour réclamer l'amnistie générale.

Votre premier devoir, messieurs les députés, est d'assister à cette assemblée dans vos comtés res­pectifs, pour bien exprimer au gouvernement que vous êtes avec vos électeurs.

Ne vous faites pas tirer l'oreille pour assister à cette assemblée. Ce sera votre premier acte pour montrer votre bonne volonté.

Un rapport

Et, à cette assemblée, vous prendrez des déci­sions avec vos électeurs. Vous préparerez un plan d'attaque près du gouvernement fédéral. Puis, vous irez porter à Ottawa le message que vos élec­teurs vous demanderont de porter.

Et ensuite, au plus vite, messieurs les députés, vous donnerez à vos électeurs un rapport de vos démarches dans une assemblée que vous convo­querez exprès pour cela. Et ce rapport ne devra pas trop tarder, car le bien commun ne peut plus attendre, la volonté commune veut être prompte­ment servie.

Messieurs les électeurs

Et vous, messieurs les électeurs, voulez-vous l'amnistie générale ? La voulez-vous ? Si vous la voulez, prendrez-vous les moyens de la réclamer fortement avec l'Union Créditiste des Électeurs ?

Vous joindrez-vous à l'Union Créditiste des Électeurs, pour vous renseigner sur la marche de cette pression en vous abonnant à VERS DE­MAIN ?

Vous joindrez-vous à l'Union Créditiste des Électeurs, pour lever le plus de signatures possible en faveur de l'amnistie ?

Vous joindrez-vous à l'Union Créditiste des Électeurs pour monter une assemblée par comté, et faire pression sur votre député ?

Vos enfants comptent sur vous, électeurs et élec­trices, pour les libérer. Laisserez-vous vos enfants vous supplier en vain ?

Tous, debout pour l'amnistie générale !

Gilberte Côté

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