Les deux phrases suivantes sont de l'archevêque (protestant) de Cantorbéry, le Dr. Temple :
"Le mal, c'est que notre argent a été lié à la production, au lieu d'être lié à la capacité de production. Si vous faites ce changement dans votre esprit, vous en viendrez à vouloir que les membres de la communauté aient de l'argent en rapport avec la capacité collective de production."
C'est très bien ; ce serait plus parfait si l'archevêque ajoutait : "et en rapport avec le désir des membres de la communauté d'obtenir le produit." Il est inutile, en effet, de vouloir utiliser la production à son maximum lorsque les consommateurs sont saturés. La production n'est pas la fin, mais le moyen, et le moyen doit rester subordonné à la fin.
Pour n'avoir pas fait cette distinction, l'archevêque ajoute :
"La nouvelle école de pensée économique doit viser à créer la demande par la distribution d'un pouvoir d'achat suffisant pour mettre en rendement toute la capacité productive de la nation."
Ce n'est pas à l'économie qu'il appartient de créer la demande. La demande doit émaner du consommateur. Elle est créée par les besoins, besoins essentiels ou besoins de civilisation. Ce que l'économie nouvelle doit faire, c'est de rendre cette demande efficace en garantissant au consommateur le pouvoir d'achat. Comme dit Douglas, jusqu'à épuisement de la capacité de production ou jusqu'à saturation des besoins du consommateur, que ce soit l'une ou l'autre de ces deux conditions qui arrive la première.
L'argent ne crée pas la demande ; la demande existe partout où est le besoin, même là où il n'y a pas d'argent. Mais l'argent, joint à la demande, rend celle-ci efficace.
Mais revenons à la citation du primat anglican.
Pour lier l'argent à la capacité de production plutôt qu'à la production, il faut nécessairement distribuer de l'argent autrement que par des salaires. Le salaire est lié à la production effectuée. Pour créer un appel au delà, sur de la production non effectuée, sur la capacité non utilisée de production, il faut un pouvoir d'achat supplémentaire. Ce que les créditistes réclament par le dividende.
Aussi est-on surpris de voir l'archevêque Temple rejeter d'une phrase le Crédit Social, comme "innovation économique ou politique sans intérêt pour des chrétiens qui veulent le bien du grand nombre."
Qu'est-ce que l'archevêque réclame au juste de l'économie nouvelle ? Qu'elle tienne tout le monde occupé, bien occupé. Le travail, l'emploi, voilà pour lui, semble-t-il, la fin de l'économie :
"Le problème qui nous confronte, c'est de trouver un ordre social qui procure de l'emploi, généralement et constamment, et notre conscience ne doit pas rester tranquille que nous ne l'ayons trouvé."
Avec pareille philosophie, l'église anglicane est en bonnes mains pour hâter l'avènement du socialisme.
Nous l'avons déjà souligné dans notre journal, le nouvel archevêque de Cantorbéry dénonce le système actuel, les restrictions actuelles à la distribution. Sa nomination au siège primatial de l'église anglicane marque donc une tendance à s'éloigner du conservatisme qui a fait fiasco. Mais le remède auquel nous conduit sa théorie de l'emploi mène exactement là où mènent les grands gouvernements du jour : au socialisme d'État. Au régime qui promet des hommes bien nourris, mais à condition d'être bien enrégimentés, bien employés, ne fût-ce qu'à surveiller leurs voisins au nom du gouvernement.
Et voyez encore la contradiction du Docteur Temple :
Il demande que toute la capacité de production soit mise en rendement. Toute la capacité productive, c'est de plus en plus de la production mécanique. Plus on emploie de machines, plus on déplace d'hommes. Il faudra quand même, pour accomplir ce qu'il appelle l'objectif de l'économie, employer tous les hommes.
Employez les machines, vous supprimez les hommes. Supprimez les machines, pour employer les hommes, vous n'utilisez pas toute la capacité productive. Comment arranger cela ?
Mais faut-il demander de la logique à ceux qui commencent par déraisonner ? Le seul fait de considérer le travail comme fin de l'économie suffit à placer son homme.
L'archevêque Temple veut le progrès au service de l'homme. Le progrès serviteur libérerait l'homme. Or l'archevêque ne veut pas d'un homme libre : il est sans doute du nombre, plus grand qu'on pense parmi les conducteurs d'hommes, de ceux qui veulent faire l'économie accomplir les fonctions de la morale.