Avec ou sans carcan ?

Gilberte Côté-Mercier le dimanche, 15 août 1943. Dans La politique

Causerie prononcée par Mlle Gilberte Côté à CHRC et à CKAC les 10 et 11 août, et lue la même semaine aux quatre autres postes rete­nus par l'Union des Électeurs.

Sécurité et liberté

Nous avons étudié le programme de l'Union des Électeurs. Et nous avons vu que tous et chacun dé­sirent la même chose : la sécurité et la liberté.

La sécurité est représentée par :

    1) de quoi manger ;

    2) de quoi s'habiller ;

    3) de quoi se loger ;

    4) de quoi se soigner ;

    5) de quoi se reposer.

Et la liberté est une sécurité sans rationnements, sans service sélectif obligatoire, sans assurances obligatoires, sans demandes de permis, sans comp­te-rendus obligatoires au gouvernement, sans ins­pecteurs. En un mot, une sécurité sans carcan.

Une sécurité sans carcan. Est-ce possible ? La guerre nous amène une sécurité plus grande que la sécurité du chômage, mais elle nous la donne avec un carcan.

L'après-guerre nous donnera-t-elle une sécurité avec ou sans carcan ?

Les électeurs veulent absolument se débarrasser du carcan. Que faut-il réclamer pour cela ?

Sécurité avec carcan

Une magnifique sécurité avec carcan, il en existe une en Allemagne. Une magnifique sécurité avec carcan, il en existe une en Russie. Et ni le nazisme ni le communisme ne sont faits pour l'homme. Ils sont tous deux faits pour de beaux animaux.

La sécurité que donnent le nazisme et le commu­nisme, on la trouve aussi dans la province de Qué­bec, en temps de crise comme en temps de guerre, non pas dans nos maisons, mais dans nos étables. En effet, les bêtes de chez nous jouissent d'une sé­curité parfaite, mais dans le carcan de l'enrégimen­tation. C'est une sécurité pour les bêtes, comme la sécurité des nazistes et des communistes.

Ce n'est pas cette sécurité-là que veulent les électeurs. Ce qu'ils veulent, c'est une sécurité ga­rantie par la liberté.

Mais est-il donc possible, encore une fois, de jouir de la sécurité et de jouir en même temps de la liberté ?

Serons-nous victimes du progrès ?

Que peut-il se passer après la guerre ?

Après l'abondance d'argent qui a circulé pen­dant la guerre, nous verrons sûrement un progrès extraordinaire venir. Un progrès comme jamais notre terre n'en a connu.

Ce progrès déplacera les hommes. Les machines feront l'ouvrage à la place des hommes. Les ma­chines produiront beaucoup, beaucoup de biens, et les hommes n'auront presque rien à y voir. Ce qui créera un chômage universel, comme il n'y en eut jamais, même pas celui de 1930 à 1940.

Et les hommes ne travaillant pas à la produc­tion, n'auront pas de salaire, Et par conséquent, ils n'auront pas d'argent pour acheter les biens surabondants, que fabriqueront les machines.

Et on verra encore cette folie incommensurable d'une foule immense crevant de faim en face d'une abondance aussi incommensurable.

Mais pourquoi donc crever de faim en présence de l'abondance ?

Parce que pour acheter l'abondance, il faut de l'argent. Et parce que pour avoir de l'argent, il faut le gagner par un salaire. Et parce que le sa­laire ne vient plus lorsque la machine fait l'ouvra­ge à la place de l'homme.

La machine fera l'ouvrage à la place des hom­mes. Et les biens viendront par la machine. Et les hommes regarderont venir les biens. Et les hom­mes ne pourront se procurer ces biens.

Mais quelle est donc grande la folie des hom­mes !

Comment pourrait-on expliquer la folie d'une mère de famille qui voit sa table pleine de choses bonnes à manger et qui en refuse à ses enfants qui ont faim, parce que ses enfants n'ont pas gagné, par un salaire, l'argent qu'il faut pour acheter ces produits venus sur la table sans fatigue pour per­sonne.

Non moins grande est la folie de 12 millions d'habitants du Canada, qui crèvent de faim en fa­ce d'une abondance non gagnée par leur salaire, mais gagnée par le progrès et les machines.

Une après-guerre avec carcan ?

Après la guerre oui, après la guerre si pénible, qui nous coûte si cher, serons-nous assez bêtes pour renouveler les absurdités d'avant la guerre ?

Non,, disent les gouvernements. Non, après la guerre, nous n'aurons pas de chômage. Le gouver­nement, justement, prépare un magnifique plan d'embauchage intégral. Tout le monde travaillera pour le gouvernement après la guerre. Au moins, tous ceux qui ne seront pas employés dans les in­dustries privées. Le service sélectif est fait pour organiser cela.

Tout le monde travaillera pour le gouverne­ment, qu'est-ce que cela veut dire ?

Cela veut dire que le gouvernement sera le grand distributeur de l'argent. La plus grosse partie de l'argent entrant en circulation viendra de la main généreuse du gouvernement.

Et alors, qu'arrivera-t-il ?

Celui qui paye n'est-il pas celui qui commande ?

Le gouvernement payant tout ne sera-t-il pas le grand maître de nos vies ? Tous iront à lui pour gagner de l'argent. Et lui, le gouvernement fera ses conditions. Conditions de rationnements s'il veut — il a déjà commencé, et on n'est pas sûr que ça finisse après la guerre — conditions d'emploi obli­gatoire et choisi par le gouvernement ; salaires dé­finis par le gouvernement, permis accordés aux amis du gouvernement, contrats accordés aux amis des politiciens. Un cultivateur désire-t-il une ma­chine aratoire, il lui faut demander un permis pour l'avoir, et dans la demande du permis, le fonction­naire doit répondre si le cultivateur est libéral ou créditiste. Et s'il est créditiste, il est sûr de ne pas avoir de permis.

Nous qui connaissons les méfaits et les injusti­ces du régime de patronage politique, nous voyons venir un pire patronage encore, le patronage poli­tique né d'un gouvernement distributeur de tout l'argent du pays.

Les économistes qui ne se gaussent pas de théo­ries seulement, mais qui regardent les faits, appel­lent ces gouvernements-là des gouvernements so­cialistes. Socialisme d'Allemagne, socialisme de l'Italie, socialisme de Russie et plannisme Beve­ridge, Marsh ou Mackenzie King, ne valent pas mieux les uns que les autres.

Un gouvernement qui se charge de la distribu­tion de l'argent par les contrats qu'il commande lui-même est un gouvernement socialiste, maître absolu de nos vies, selon l'expression de Sa Sain­teté Pie XI. Ce gouvernement peut nous donner la sécurité, mais c'est une sécurité avec carcan.

L'Union des Électeurs de la province de Québec n'en veut pas.

Pour une sécurité sans carcan

L'Union des Électeurs veut une sécurité sans carcan, une sécurité avec la liberté garantie. Mais comment donc en arriver là ?

Comment ? C'est bien simple. En ne conférant pas au gouvernement le pouvoir de distribuer l'ar­gent selon les contrats qu'il définit lui-même.

L'argent ne doit pas entrer en circulation par des contrats de gouvernements, mais par un don gratuit à toute personne humaine, qui a le droit de vivre. Et une fois en circulation de cette façon, l'argent continue à circuler selon la volonté des personnes humaines, et c'est de cette façon seule que l'on peut garantir à la personne humaine sa liberté.

Celui qui paye est celui qui commande, en no­tre siècle où l'on ne peut vivre sans argent.

Si c'est le gouvernement qui paye tout, c'est le gouvernement qui commande tout, et le peuple n'a pas de liberté.

Si c'est le peuple qui paye, c'est le peuple qui commande, et on a un peuple qui se procure la sécurité selon les conditions qu'il se définit à lui-même, à son goût, librement.

Mais, disons-nous, l'argent doit entrer en circu­lation par un don gratuit. Qu'est-ce que cela veut dire ?

Cela veut dire que le gouvernement doit distri­buer de l'argent neuf, équivalent à l'augmentation et à la possibilité d'augmentation de produits. Et le gouvernement doit distribuer cet argent neuf gratuitement et également à tout le monde. La seule condition pour recevoir cet argent gratuit se­rait d'être au monde, c'est-à-dire d'avoir droit à la vie.

Cet argent neuf, distribué gratuitement par le gouvernement, les Créditistes l'appelle dividende national.

Dividende gratuit nécessité par le progrès qui fait les machines faire l'ouvrage à la place des hommes. Il faut que de l'argent viennent au mon­de en dehors du salaire pour acheter le progrès. Et cet argent venant en dehors du salaire ne peut être que de l'argent gratuit. Et de l'argent gratuit, c'est un dividende. Et de l'argent gratuit à tout le monde ne peut venir que par le gouvernement.

Le dividende national est indispensable

Donc, le dividende national est voulu par le progrès, et il est voulu par la liberté.

En effet, enlevez le dividende national, vous avez une masse de peuple qui crève en face de l'a­bondance, ou bien vous avez une masse de peuple sous la férule directe d'un gouvernement dictateur.

Distribuez le dividende national à tous et à cha­cun, vous avez des hommes et des femmes qui commandent eux-mêmes la production du pays, qui s'achètent de la nourriture, des vêtements, du logement, des besoins professionnels, du repos, de l'instruction, selon qu'ils en veulent, selon leur vo­lonté libre.

Ils arrivent à la sécurité, et la liberté leur est garantie.

Nous reviendrons souvent sur le dividende na­tional. Il faut que tous comprennent son absolue nécessité.

Sans le dividende national, pas de liberté. Sans lui, le socialisme est inévitable après la guerre. Sans lui, le carcan aux hommes comme aux ani­maux.

Electeurs et électrices, voulez-vous le dividende national ?

Si vous le voulez, ne vous contentez pas de l'at­tendre des financiers et des gouvernements qui vous ont toujours imposé le carcan. Ils ne sauraient pas comment s'y prendre pour vous donner le con­traire du carcan.

Si vous voulez le dividende, qui vous appartient de droit, organisez-vous pour le prendre. Ceux qui veulent s'organiser n'ont qu'à nous envoyer leur nom et, adresse, à l'adresse suivante : L'Union des Électeurs, Vers Demain, Québec.

Gilberte Côté-Mercier

Poster un commentaire

Vous êtes indentifier en tant qu'invité.