Une réunion d'apôtres à Québec

le lundi, 15 juillet 1946. Dans La vie créditiste

"Une réunion d'apôtres" — c'est à dessein que nous choisissons ce titre pour parler de l'assemblée des commandants de comté tenue à Québec le 30 juin.

La veillée avait réuni les commandants de dis­trict et servit de préparation à la grande journée du 30.

Tous les directeurs de l'Institut d'Action Poli­tique étaient présents : M. Louis Even, Mme Gil­berte Côté-Mercier, MM. J.-Ernest Grégoire, Gé­rard Mercier, Roland Corbeil, Edmond Major et Laurent Legault. Présents aussi, nos quatre visi­teurs provinciaux : MM. Paul-Eugène Drolet, Jean-Robert Ouellet, Hervé Provencher et Rosaire Fortier. Présents encore, la plupart de ceux qui exercent la fonction de commandants de comté, plusieurs d'entre eux accompagnés de collabora­teurs immédiats de leurs comtés respectifs.

M. Solon Low, président de l'Association Crédi­tiste du Canada, avait répondu à l'invitation et suivit attentivement les travaux de la journée. Bien que tout se fît en français, M. Low comprit très bien les discours et les engagements, comme le démontra son propre discours le soir de ce même jour.

Les cinq séances de cette journée furent prési­dées avec maîtrise par Mme Gilberte Côté-Mercier.

Des objectifs — des programmes

Lorsque des hommes de cette trempe se réunis­sent, ce n'est pas pour bavarder ni pour festoyer. Ils viennent avec le sens de leurs responsabilités. Ils sentent l'importance de leur mission : le salut politique de leur province.

Chacun sait que l'Union des Électeurs, dans son comté, sera ce que lui-même la fait. Chacun sait que, si le mouvement avance ou languit dans le territoire qui lui est confié, c'est parce qu'il apporte de la ferveur ou de la tiédeur à l'accomplissement de ses fonctions.

Les chefs de comté réunis à Québec ont cer­tainement éprouvé une grande joie à se retrouver, à fraterniser, à échanger leurs sentiments dans cette atmosphère toute imprégnée de l'idéal com­mun. Mais surtout, ils se sont mis en face des réalités, des acquisitions faites et des conquêtes qui restent à entreprendre. Et ils ont défini, avec beau­coup de précision, leurs objectifs pour les deux prochains mois — juillet et août.

C'est pour cela qu'ils venaient.

Chacun regardait son comté, avec, en main, une feuille donnant l'État de son comté au 20 juin. Et chacun, l'un après l'autre, répondait aux questions suivantes, posées par Gérard Mercier :

    1. Combien de paroisses dans votre comté ?

    2. Combien de ces paroisses ont actuellement (au 20 juin) des membres officiels de l'Union des Électeurs ?

    3. Combien ont leur conseil local formé (avec au moins 10 membres en règle) ?

    4. Combien de paroisses dans votre comté au­ront leur conseil établi d'ici le 1er septembre ?

Les faits actuels, exprimés en chiffres, dictaient les réponses aux trois premières questions. Mais la quatrième concerne les deux mois à venir. C'était un objectif à fixer — non pas à la légère, car dans notre mouvement, on ne se paie pas de mots et de bluff. Aussi la réponse prenait-elle en considéra­tion l'État actuel du comté et le degré de déter­mination du commandant.

Une fois l'objectif déclaré, chaque commandant devait tracer son programme de deux mois pour le réaliser.

Les prévisions

Si les objectifs proclamés par les commandants de comté présents à Québec, plus ceux assignés à cinq commandants absents, sont pleinement réalisés, nous aurons atteint, sinon même dépassé, au 1er septembre, l'objectif proclamé à la Con­vention nationale de Régina :

25 comtés provinciaux avec au moins les deux tiers de leurs paroisses organisées.

Par organisation d'une paroisse, nous entendons au moins 10 membres officiels et un conseil local établi.

Ajoutons que 21 autres commandants, sans pou­voir promettre de couvrir les deux tiers des parois­ses de leurs comtés respectifs, ont tout de même posé des objectifs précis et intéressants.

C'est un total de 766 paroisses qui sont au pro­gramme, à comparer avec les 147 déjà organisées. Programme audacieux, mais réalisable si l'on tient compte des forces disponibles. Nous avons, en effet, des abonnés à Vers Demain dans 1,411 paroisses, et au moins un membre officiel dans 454 d'entre elles.

Cinq comtés — Rouyn-Noranda, Abitibi-Ouest, Abitibi-Est, Témiscamingue, Beauce — ont déjà leur conseil de comté au complet ou presque au complet. Aussi les commandants de ces comtés ont un objectif plus élevé pour le 1er septembre : la moitié des électeurs signés adhérents à l'Union des Électeurs dans au moins les deux tiers de leurs paroisses.

L'enthousiasme

Seuls, ceux qui ont assisté à cette assemblée de grands responsables peuvent bien comprendre la note d'enthousiasme justifié qui prévalut toute la journée.

Tous se rendaient compte de la force montante de l'Union des Électeurs, et tous en tiraient des énergies nouvelles pour redoubler d'efforts dans leur champ d'action.

C'est là un des bons effets de ces réunions de chefs, que nous convoquons à peu près tous les deux mois. Dans son coin isolé, face aux difficultés qui ne manquent jamais, se heurtant à une apathie consacrée par des générations ou à des oppositions tenant à la partisanerie politique, le lutteur peut trouver l'entreprise terne parfois, peut-être même au-dessus de ses forces. La voix du découragement lui souffle dans l'oreille. Mais, lorsqu'il retrouve ses frères d'armes ; lorsqu'il constate que les efforts de chaque autre, ajoutés aux siens propres, mettent en ligne une force sans précédent dans toute la province, voilà qui lui redonne du cœur, de l'es­poir, avec la vision de triomphes prochains.

Les discours

Les discours ne sont point la chose essentielle chez des hommes d'action. Ils seraient même dé­placés, s'ils ne cédaient la priorité aux objectifs et aux programmes.

Toutefois, ils ont leur utilité incontestée lors­qu'ils restent dans la ligne de leur but. Et nous croyons que tous les discours prononcés à l'assemblée des commandants de comté revêtirent ce ca­ractère.

Notre directeur général, M. Louis Even, tint à replacer devant les commandants la grandeur de leur mission. C'est que, dit-il, s'il y en a qui fléchis­sent, ou qui abandonnent, c'est parce qu'ils ne sai­sissent pas assez l'immense portée de l'œuvre à la­quelle nous travaillons. Puis il démontra comment la mission du créditiste contribue directement à l'application de la philosophie chrétienne sur le plan politique et économique, où malheureusement les chrétiens ont généralement démissionné. Un prochain numéro de Vers Demain reprendra sans doute ce thème qui a produit si bon effet sur tous les auditeurs.

Mme Gilberte Côté-Mercier, dans un discours assez bref, mais plein de sève, s'est appliquée à prouver que les créditistes actifs sont des apôtres. C'est son allocution qui a inspiré le titre du présent compte-rendu. "Vous êtes des apôtres, dit-elle à l'auditoire qui remplissait la salle, vous êtes des apôtres, parce que vous êtes : 1) des hommes de vision ; 2) des hommes de feu ; 3) des hommes modestes ; 4) des hommes de la victoire — et les apôtres sont justement tout cela."

M. Gérard Mercier insista sur la note "Déter­mination". Des responsables sont des hommes déterminés ; ils se tracent un objectif, sans s'occu­per des obstacles ; et une fois l'objectif bien défini, ils mettent tout en œuvre pour l'atteindre. Des faibles, des hésitants, commencent par remarquer les difficultés et abaissent leurs objectifs au niveau de ces difficultés. Mais nos hommes d'action, nos apôtres ardents, ont suivi le conseil de M. Mercier : ils ont placé leurs objectifs à la hauteur de leur mission, et ils déploieront maintenant tous les efforts nécessaires pour surmonter tous les obsta­cles.

M. Solon Low, parlant en anglais, félicita les directeurs et les responsables qui remplissaient la salle ; puis il signala des faits encourageants qui laissent augurer de l'avènement prochain, au moins embryonnaire, du régime que nous préconisons. Si la situation mondiale est actuellement plutôt som­bre, il y a tout de même des rayons de soleil, et ces rayons de soleil émanent justement des mêmes principes immortels qui animent les créditistes. M. Low donna des exemples pris au Canada et aux États-Unis, pour prouver que les idées répandues par le Crédit Social font leur chemin.

M. J.-Ernest Grégoire, qui revenait d'East Angus, dit quelques mots de la campagne électorale de Compton, où il est allé parler, non pas pour le Bloc Populaire, mais pour le programme de l'Union des Électeurs qu'avait accepté le candidat Aurélien Quintin. Puis M. Grégoire reprit, en fran­çais, les principaux points du message de M. Low, ajoutant qu'un remarquable rayon de soleil venait de paraître dans le ciel canadien-français, et il désignait par là le livre de M. Even, que vient de publier l'Institut — "Sous le Signe de l'Abondan­ce" — volume dont M. Grégoire, professeur d'éco­nomie politique, fit un magnifique éloge.

Au cours de la séance d'après-midi, plusieurs autres allocutions furent au programme. M. Ro­land Corbeil, président de l'Union des Électeurs, entretint l'auditoire de ses expériences près des députés fédéraux, et en tira des conclusions appro­priées. M. Laurent Legault, qui dirige avec tant de succès le district de l'Abitibi et du Témiscamin­gue, fit part de ses méthodes d'action. M. Georges Cliche, de La Sarre (Abitibi-Ouest), celui des com­mandants de comtés qui obtient les plus brillants résultats, fut invité à dire comment il s'y prend, et il sut intéresser et même amuser toute la salle. M. Jean Grenier, qui s'est distingué dans Terre-bonne, donna une idée de la manière dont il pro­cède pour le porte-en-porte en pays neuf. M. Edmond Major, de Drummondville, donna les grands traits du Congrès provincial qui se tiendra dans cette ville les 1er et 2 septembre, et dont il est chargé d'organiser les préparatifs. Enfin, nos visiteurs-provinciaux, MM. Drolet, Ouellet, Pro­vencher et Fortier, parlèrent de leur mission.

Tous furent dynamiques, soulevants, en même temps que substantiels ; si bien que, le soir, M. Low leur rendit hommage en exprimant le désir d'avoir une vingtaine d'hommes de cette marque autour de lui, à la Chambre des Communes : ils chan­geraient l'aspect du Parlement.

La grande artisane de la journée

Nous ne voudrions pas, pour rien au monde, en­lever à quiconque — directeur, visiteur, commandant de comté ou auxiliaire — sa part de mérite pour le succès de la journée. Toutefois, il nous semble juste de souligner le travail, invisible mais immense, de la préparation : relevé classifié de l'État des comtés, conclusions éclairées, grandes lignes de l'orientation pour les deux mois à venir, etc. — auquel ce congrès de commandants de com­tés est plus spécialement redevable de son succès. Si la réunion se faisait sans ces préparatifs in­telligents, ce serait le chaos, le tâtonnement, l'à-peu-près, et l'on en repartirait à peine plus avancé qu'en y arrivant. Mais rien ne fut laissé au hasard : l'ingénieur ou, si l'on veut, l'architecte avait tout prévu — et cet ingénieur, cet architecte, c'est Ma­dame Gilberte Côté-Mercier.

C'est elle aussi qui, depuis cette assemblée de commandants, compile les objectifs, analyse les programmes et coordonne les forces dont dispose l'organisation provinciale, pour aider à en assurer la réalisation.

Ce genre de travail se fait dans l'ombre, jour après jour, avec beaucoup de fatigue et sans au­réole. Mais ceux qui en sont témoins et qui en comprennent l'importance pour la réussite du mou­vement, ne peuvent que lui rendre hommage. La Nouvelle-France créditiste n'aura jamais trop de reconnaissance à l'artisane inlassable qui, depuis dix ans, consacre au mouvement, sans interrup­tion, sans ménager ses forces et sans aucune rému­nération terrestre, ses belles facultés, sa culture universitaire, sa formation philosophique, son es­prit de synthèse, ses énergies, sa vie tout entière. 

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