Une entreprise formidable

Louis Even le lundi, 01 avril 1946. Dans La vie créditiste

Une entreprise formidable — le mot n'est pas exagéré, pour qualifier notre grand projet de cette année : la formation d'une Union des Électeurs en­globant la masse des citoyens.

Il s'agit d'amener 500,000 familles à se rendre compte qu'elles ont toutes les mêmes besoins es­sentiels et les mêmes aspirations générales. Tout individu normal désire un niveau de vie convena­ble, la sécurité du lendemain et le respect de sa li­berté personnelle. Mais tous n'ont pas conscience de cette communauté de sentiments et un grand nombre sont sous l'impression que ce sont là des désirs bien légitimes, mais impossibles à satisfai­re.

L'Union des Électeurs se présente à ce grand public avec un programme concret, dont la réa­lisation comblerait justement ses vœux. Les pro­pagandistes de l'Union des Électeurs n'auront au­cune difficulté à démontrer à la masse que son programme est un vrai programme du peuple pour lui-même. Mais le problème va consister :

1° — À prouver aux citoyens que les choses demandées en leur nom sont toutes des choses possibles ;

2° — À convaincre les citoyens qu'ils les ob­tiendront s'ils s'unissent pour les ré­clamer.

* * *

Ce grand travail est entrepris par l'Institut d'Ac­tion Politique, c'est-à-dire par les créditistes ac­tifs, parce qu'eux seuls sont capables de l'entre­prendre.

Eux seuls ont compris que l'obstacle financier n'est qu'un obstacle artificiel, facile à renverser, moyennant l'action du gouvernement.

Eux seuls ont compris que le gouvernement, comme toutes les institutions humaines, est fait pour les citoyens, et non pas les citoyens pour le gouvernement.

Eux seuls ont compris qu'il faut une force d'é­lecteurs organisés pour combattre efficacement, par leur pression, la pression actuellement exercée sur le gouvernement par les puissances d'argent.

Eux seuls ont appris à aller aux électeurs, et eux seuls savent, par expérience, que le peuple est ca­pable de comprendre lorsqu'on lui parle pour le renseigner et non pour l'éblouir.

Les créditistes actifs sont donc les architectes tout désignés pour édifier l'Union des Électeurs.

* * *

Mais sont-ils assez nombreux, ces architectes ? Sont-ils eux-mêmes assez bien organisés pour cou­vrir rapidement toute la province de Québec ?

Ils ne se font pas d'illusion. Ils entreprennent, en effet, de couvrir toute la province et vont tra­vailler un peu toutes ses parties ; mais ils savent fort bien qu'ils ne la couvriront pas à fond dès cet­te année.

Puis les architectes de l'Union des Électeurs pressentent bien que l'adversaire va entrer en ac­tion. Les hommes qui tiennent le monde sous leur joug, par le contrôle de l'agent, ne vont point se laisser tranquillement dépouiller de leurs privilèges. Ils vont faire jouer leur immense puissance. Ils vont organiser la résistance par leurs serviteurs, cons­cients ou inconscients, de la politique, du journa­lisme, du fonctionnariat, de l'industrie, voire des institutions éducationnelles.

Le programme de l'Union des Électeurs est at­trayant ; les adversaires vont s'efforcer de démontrer qu'il est utopique et irréalisable.

Les architectes de l'Union des Électeurs pré­voient tous ces assauts. C'est pourquoi, en bâtis­sant l'Union des Électeurs, ils ont soin de lui don­ner des fondements bien assis et des colonnes so­lides.

C'est pourquoi, dans l'Union des Électeurs, ils font une différence entre les membres simples et les membres actifs, entre ceux qui constituent le nombre et ceux qui forment la qualité.

Les deux sont nécessaires. Le nombre est néces­saire pour obtenir une décision dans un régime où c'est le nombre qui l'emporte. Mais la qualité est nécessaire, justement pour maintenir ce nombre et l'empêcher d'être détourné par l'adversaire.

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Lorsque des propagandistes de l'Union des Électeurs, entrant dans une paroisse, ont réussi à con­vaincre la masse de la possibilité du programme de l'Union des Électeurs et de l'urgence de joindre en nombre le mouvement ; lors même qu'ils ont re­cruté la majorité de la population, il ne faut pas croire que le travail est terminé.

Non. D'autres viendront par derrière, parler à cette même population, lui souffler qu'elle a été trompée et que les demandes de l'Union des Électeurs sont exagérées et ruineraient le pays.

S'il n'y a pas dans la paroisse un bon groupe d'hommes renseignés, capables de repousser la contre-attaque, que va-t-il arriver ?

Et qui peut être ce groupe d'hommes renseignés dans chaque paroisse, sinon le corps des membres actifs, de ceux qui forment les cadres officiels de l'Union des Électeurs, de ceux qui élisent et sont éligibles aux fonctions de responsabilités.

Ces membres actifs, autour desquels se grou­pent les membres simples, doivent constituer l'ossa­ture de résistance. Ils sont les colonnes de l'Union des Électeurs, qui tiennent l'édifice à l'épreuve de tous les assauts.

C'est pourquoi l'Union des Électeurs, qui veut vivre et accomplir continuellement son œuvre po­litique, exige que ses membres actifs reçoivent tous le journal VERS DEMAIN, l'organe officiel de l'Union des Électeurs. C'est dans le journal VERS DEMAIN qu'ils trouvent, non seulement les nou­velles de leur organisation, mais aussi les rensei­gnements nécessaires pour réduire à néant les ar­guments des adversaires.

Et c'est pourquoi aussi les architectes de l'Union des Électeurs ne devront jamais s'asseoir et décla­rer leur œuvre terminée. On devra constamment s'efforcer d'augmenter la proportion des membres actifs vis-à-vis de la proportion des membres sim­ples. Ce sera, pour garder notre comparaison, for­tifier les colonnes dans l'ensemble de l'édifice.

* * *

Comme on voit, l'établissement de l'Union des Électeurs sur une base élargie ne signifie pas du tout un amoindrissement du travail à accomplir. Bien au contraire. On doit logiquement s'y atten­dre, il faudra plus d'activités pour enrôler la masse de la population qu'il en a fallu jusqu'ici pour en­rôler une partie minoritaire de la population.

Il est vrai que la masse n'aura pas besoin du même degré de formation politique que la minorité qui constituait dans le passé l'Union Créditiste des Électeurs. Mais il reste vrai que, pour convaincre suffisamment, gagner et garder la masse, il faudra au milieu d'elle un corps de membres actifs encore plus nombreux que l'était cette minorité.

Nous avons donc bien raison d'écrire qu'il s'agit d'une entreprise formidable. Entreprise qui eût été impossible il y a quelques années, impossible même l'an dernier, parce que nous n'avions pas alors un nombre suffisant de citoyens renseignés, actifs et aguerris.

* * *

Mais, si l'entreprise est formidable, hâtons-nous d'ajouter qu'elle vaut tous les efforts pour quiconque en saisit la portée.

Pour la première fois dans l'histoire connue, on aurait véritablement une démocratie en fonction­nement — une démocratie politique, avec le gou­vernement au service des citoyens ; une démocratie économique, la production au service des consom­mateurs.

Pour la première fois, le gouvernement serait, comme dans une coopérative, le gérant chargé de voir à ce que chaque membre de la société reçoive la part sociale de biens qui lui revient à titre de membre.

Ce serait, peut-être pas encore la fin des partis politiques, mais au moins la disparition de cette dictature du parti qui rend le député serviteur de son parti plutôt que de ses électeurs.

Ce serait, pour les autres provinces et pour les autres pays, l'exemple d'un peuple alerte qui s'oc‑

cupe enfin de ses affaires et libère ainsi son gou­vernement de la griffe des puissances d'argent.

Ces perspectives, croyons-nous, décideront un nombre plus grand d'électeurs renseignés à se join­dre aux architectes de l'Union des Électeurs. Et l'œuvre, si formidable soit-elle, s'accomplira, parce qu'on aura plus de collaborateurs pour l'accomplir.

Louis Even

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