Redressement monétaire

Louis Even le dimanche, 01 novembre 2015. Dans Sous le Signe de l'Abondance

Sous le signe de l'Abondance - Chapitre 10

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Qui doit faire l'argent ?

C'est saint Louis, roi de France, qui disait : « Le premier devoir d'un roi est de frapper l'argent lorsqu'il en manque pour la bonne vie économique de ses sujets. »

Il n'est pas du tout nécessaire ni recommandable de supprimer les banques, ni de les nationaliser. Le banquier est un expert en comptabilité et en placements : qu'il continue à recevoir et à faire fructifier les épargnes, prenant sa part équitable de profits. Mais manufacturer l'argent est un acte de souveraineté qui ne doit pas être lié à la banque. Il faut sortir la souveraineté de la banque et la replacer entre les mains de l'Etat.

L'argent de chiffres est une bonne invention moderne, qu'il faut garder. Mais au lieu d'avoir leur origine sous une plume privée, à l'état de dette, les chiffres qui servent d'argent doivent naître sous la plume du souverain, à l'état d'argent serviteur.

Rien donc à bouleverser dans la propriété ni dans les expertises. Pas besoin de supprimer l'argent actuel pour en mettre d'autre à sa place. Il faut seulement que le gouvernement lui-même, au nom de la société, institue un système qui ajoute de l'argent de même nature à celui qui existe déjà, selon les possibilités et les besoins du pays.

A cette fin, le gouvernement doit établir un organisme monétaire, un Office National du Crédit. Les comptables de cet Office, bien que nommés par le gouvernement, ne prendraient point de lui leurs décisions. Ils ne dicteraient rien non plus aux producteurs ou aux consommateurs. Leur fonction consisterait simplement à accorder le mécanisme d'émission et de retrait d'argent au rythme de la richesse produite ou consommée par des producteurs et des consommateurs libres. Un peu comme l'organisme judiciaire : les juges sont nommés par le gouvernement ; mais leurs jugements sont basés uniquement sur la loi et sur les faits exposés, deux choses dont ils ne sont ni les auteurs ni les instigateurs.

On doit cesser de souffrir de privations lorsqu'il y a dans le pays tout ce qu'il faut pour placer l'aisance dans tous les foyers. L'argent doit venir d'après la capacité de production du pays et d'après la demande par les consommateurs de biens utiles possibles.

A qui l'argent neuf ?

Mais il faut mettre cet argent nouveau dans la circulation. Où et comment ?

A qui appartient l'argent nouveau lorsqu'il vient au monde au Canada ? Il appartient au Canada et est fait pour les Canadiens. Fruit de l'enrichissement du pays, cet argent n'appartient pas aux comptables de l'Office où il est créé d'un trait de plume. Ni au gouvernement pour qu'il en dispose à son gré : ce serait remplacer une dictature bancaire par une dictature politique.

L'argent nouveau répond au besoin de développement du pays. Ce n'est pas un salaire, mais une injection d'argent dans le public pour faire appel sur du travail, sur des produits qui n'attendent que cela.

On ne peut une minute se représenter que l'argent nouveau appartienne à un individu ou à un groupe privé.

Il n'y a pas d'autre moyen, en toute justice, de mettre cet argent nouveau en circulation qu'en en distribuant une part égale à chaque citoyen. C'est en même temps le meilleur moyen de rendre l'argent effectif, puisque cette distribution le répartit dans tout le pays.

Supposons que le comptable qui agit au nom de la société, constatant le manque d'argent, décide l'émission de 21 milliards de dollars. Cette émission peut être de l'argent de chiffres, simple inscription dans un livre, comme celui du banquier aujourd'hui.

Mais, puisqu'il y a 30 millions de Canadiens et 21 milliards à distribuer, cela fait 700 $ pour chacun. Le comptable va donc inscrire 700 $ dans le compte de chaque citoyen. Ces comptes individuels pourraient très bien être tenus par le bureau de poste, qui dépend du fédéral.

Ce serait un dividende national. Chaque Canadien aurait 700 $ de plus, à son propre crédit, dans un compte établi pour lui à cette fin.

Le dividende à chacun

Chaque fois qu'il faut augmenter l'argent du pays, chaque homme, femme, enfant, vieillard, bébé, aurait ainsi sa part de cette augmentation à l'origine. Ce serait sa part de la nouvelle étape de progrès qui rend de l'argent neuf nécessaire.

Ce n'est pas un salaire pour du travail accompli, c'est un dividende à chacun, pour sa part d'un capital commun. S'il y a des propriétés privées, il y a aussi des biens communs, que tous possèdent au même titre.

Voici un homme qui n'a rien que les guenilles dont il est couvert. Pas un repas devant lui, pas un sou dans sa poche. Je puis lui dire :

« Mon cher, tu crois être pauvre, mais tu es un capitaliste qui possède bien des choses au même titre que moi — et que le premier ministre. Les chutes d'eau de la province, les forêts de la couronne, c'est à toi comme à moi, et ça peut bien te rapporter quelque chose chaque année.

« L'organisation sociale, qui fait qu'on produit cent fois plus et mieux que si on vivait isolément, c'est à toi comme à moi, et ça doit te valoir quelque chose à toi comme à moi.

« La science qui fait se multiplier la production avec presque pas de travail, c'est un héritage transmis et grossi avec les générations ; et toi, de ma génération, tu dois en avoir ton bénéfice, au même titre que moi.

« Si tu es pauvre et dénué, mon cher, c'est qu'on t'a volé ta part. Surtout on l'a mise sous clé, ce qui cause le chômage actuel en face de tes besoins.

« C'est le dividende du Crédit Social qui va te rendre ta part, au moins le principal morceau. Une meilleure administration, dégagée des liens du financier et capable de mettre les exploiteurs d'hommes à la raison, te rendra le reste.

« C'est cela aussi qui va reconnaître ton titre de membre de l'espèce humaine, en vertu duquel tu as droit à une part des biens de ce monde, au moins à la part nécessaire pour exercer ton droit de vivre. »

Mais il faut nous étendre un peu plus sur les raisons qui donnent droit à chacun, dans une société bien organisée, à au moins un minimum de biens. Trop de gens qui passent pour grands sociologues n'ont pas encore admis ce droit.

Louis Even

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