Quelques Objections Courantes

Louis Even le vendredi, 01 janvier 1937. Dans Cahiers du Crédit Social

Cette émission répétée de dividendes, que vous ne retirez pas de la circulation, ne va-t-elle pas finir par produire une inflation ?

L'émission de dividendes est subordonnée au progrès de la capacité de production qui nécessite une augmentation du volume de monnaie. Tant qu'on en reste là, il n'y a pas de possibilité d'inflation, à moins de rétrograder dans la production, ce qui se conçoit difficilement. Les reculs que l'on a parfois constatés jusqu'ici sont justement causés par le manque d'équilibre entre le pouvoir d'achat et la capacité de production ; l'accumulation de produits non vendus déclenche nécessairement un arrêt dans la production, Supprimez la cause, vous supprimez l'effet.

S’il y a trop de certains produits, que le consommateur en est saturé et qu'ils ne trouvent pas de marché extérieur, l'argent émis pour représenter ces produits ne va-t-il pas chercher les autres et créer de l'inflation ?

Les produits invendables, qui ne répondent pas aux désirs du consommateur, ne constituent pas une richesse réelle : C'est pourquoi le Crédit Social émet une bonne partie de son argent nouveau par le moyen de l'escompte compensé, lié à une vente effectuée. La monnaie qui naît ainsi d'une vente est nécessairement basée sur une richesse réelle, sur un bien trouvant consommateur. Cette monnaie nouvelle comble ce qui manquait au pouvoir d'achat collectif des consommateurs pour acheter la production collective. Le dividende permet un développement de la capacité de production. Ce développement s'exercera dans le sens que désire le consommateur, vers la production de ces "autres biens" dont vous parlez dans votre question. L'offre et la demande opéreront. Un producteur qui verra ses produits s'accumuler saura bien orienter autrement ses activités. Aujourd'hui l'offre et la demande existent, toutes les deux abondantes, mais n'opèrent pas, parce que l'intermédiaire d'échange ne s'y prête pas.

La distribution d'un dividende va-t-elle détacher du travail ?

Mille fois non. Si sa répartition n'est pas liée au travail, son existence même l'est. Et s'il n'y a pas de surplus, il n'y aura pas de distribution de dividende. C'est clair. Pour qu'il y ait dividende, il faut qu'il y ait des surplus ; pour qu'il y ait des surplus, il faut qu'il y ait travail, travail d'hommes et de machines. Les bénéficiaires du dividende l'apprendront vite et ils s'efforceront de le grossir en augmentant la quantité et la qualité de leur production. Le premier fruit du dividende va justement être d'augmenter l'embauchage, parce que le relèvement du pouvoir d'achat va faire couler les stocks ; les industries qui fournissent ce que le consommateur veut ne tarderont pas à marcher à 100 pour cent de rendement, et même à se développer.

Tant que vous constaterez des machines oisives et des hommes employables inoccupés en même temps que des besoins non satisfaits chez le consommateur, vous pourrez juger que c'est le pouvoir d'achat qui manque et qu'il y a marge pour un dividende. Mais l'emploi de toute la main-d’œuvre disponible et l'exploitation de toute la machinerie, sous le système actuel qui ne voit pas à maintenir le pouvoir d'achat au niveau de la production, est une chose irréalisable.

Louis Even

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