Peu de choses mais portée immense

le mardi, 01 décembre 1998. Dans Le Crédit Social enseigné par Louis Even

Mécanisme actuel de finance publique

Tous les gouvernements ont un département des finances, appelé ministère des finances à Ottawa, Trésor provincial à Québec.

La fonction du ministère des finances, c'est d'établir le budget, c'est-à-dire de calculer les dépenses prévues pour l'administration du pays ; puis de chercher dans les poches du public, par les taxes, l'argent nécessaire pour payer ces dépenses. Si le public n'a pas assez d'argent, deux solutions se présentent : Ou bien diminuer les dépenses, en laissant les choses aller au diable et des hommes aller dans la tombe avant le temps ; ou bien prier les banques d'écrire des chiffres dans leur chéquier, au crédit du gouvernement, recevant en retour des hypothèques sur le pays pour des générations à venir.

La finance publique de la nation est simplement une finance de recettes et de dépenses, se terminant chaque année par un équilibre ou un endettement, et dans la progression des années, toujours par une dette croissante.

C'est cela qui se fait aujourd'hui. Et pas un seul parti politique n'a autre chose à proposer.

Un budget de l'enrichissement national

Sous un gouvernement créditiste, il y aurait encore un ministre des finances. Il y aurait encore un budget des recettes et des dépenses de la nation.

Mais il y aurait en plus, un compte de l'actif et du passif du pays ; un compte de l'enrichissement et de la dépréciation. Ce compte serait tenu par l'Office de Crédit National. Et cet office serait l'autorité monétaire, responsable au parlement, pour déterminer le volume de l'argent d'après la richesse réelle de la nation.

Toute route nouvelle, toute amélioration ferroviaire, tout nouveau service public, augmente la richesse réelle du pays. Un pays est plus riche avec un réseau routier qu'avec de simples chemins placés au hasard et mal entretenus. Et lorsqu'un pays s'enrichit ainsi, son actif augmente. Où cela paraît-il dans les livres du gouvernement ? Pour trouver des traces de cet enrichissement, il faut regarder la dette publique. Celle-ci, en effet, augmente, à mesure que le pays s'enrichit de services et de commodités.

De même, toute usine nouvelle, ou toute augmentation d'usine déjà existante, même propriété de particuliers ou de compagnies privées, augmente la valeur productive du pays. Un pays devient plus riche, en effet, lorsqu'il peut produire plus de nourriture, plus de vêtements, plus de chaussures, plus d'automobiles, plus de frigidaires, même si les fermes et les industries sont des propriétés privées.

Si le pays produit plus de choses, même par l'industrie privée, il est logique que les habitants de ce pays puissent en consommer plus ; autrement la production va arrêter et le pays s'appauvrir.

Pas de comptabilité correspondante

Pour que les consommateurs puissent obtenir davantage d'un pays qui produit davantage, il faut que le pouvoir d'achat des consommateurs augmentent, qu'il y ait plus d'argent en circulation.

Or, quel office public, quel département du gouvernement voit à cela aujourd'hui ? Pour savoir que le pays s'est enrichi en fait de possibilités de production, il faut regarder les dettes contractées par les cultivateurs et les industriels qui ont introduit des moyens supérieurs de production sur leurs fermes ou dans leurs ateliers.

La population du pays augmente : c'est encore un enrichissement. C'est encore une augmentation de l'actif. Où cela figure-t-il comme actif ?

Voici 70,000 jeunes gens qui, en une année, sortent des écoles et offrent de leurs services à la production de leur pays. Quel organisme va augmenter l'argent en circulation, pour que la production possible, augmentée par ces nouveaux bras et ces nouveaux cerveaux, aille aux consommateurs du pays ? Rien, encore une fois rien. Et nul de nos partis politiques, anciens ou nouveaux, nul ne préconise rien pour que l'actif du pays profite à la population du pays.

Les gouvernements ne se sont jamais préoccupé de régler le volume total de l'argent d'après l'actif ou le passif, d'après l'enrichissement ou la dépréciation des facilités de production du pays. Il n'ont ni comptabilité, ni organisme pour le faire.

Les gouvernements laissent les industriels et leurs propres ministres des finances, s'arranger avec les banquiers lorsque l'argent est insuffisant. Et ce sont les banquiers qui décrètent l'augmentation d'argent, du côté producteur, et décrètent en même temps qu'il faudra graduellement extraire tout cet argent, et même davantage, des consommateurs. Tout cet enrichissement est ainsi bridé, freiné, puis taxé, puni. L'agriculture, l'industrie, les gouvernements eux-mêmes sont ainsi soumis au bon vouloir et aux conditions de la banque.

La comptabilité exacte du Crédit Social

La technique monétaire du Crédit Social commence par combler cette lacune. Elle le fait, parce que le Crédit Social veut une comptabilité qui corresponde aux faits et serve le pays.

Si la capacité productive augmente, le compte du Crédit National l'indique. Toute augmentation est inscrite au crédit de ce compte. De même aussi, toute dépréciation, toute usure, toute destruction, est inscrite au débit. La différence forme l'enrichissement net, auquel doit correspondre une émission d'argent pour permettre à cet enrichissement de profiter au pays.

Si, par suite de raisons spéciales, normalement imprévisibles, la production possible du pays diminuait, le même Office du Crédit National ordonnerait un retrait correspondant de l'argent en circulation.

Cela semble peu de chose : un Office de Crédit National mandaté pour mettre l'argent en rapport avec les faits. Ceux qui n'ont jamais beaucoup souffert de la faim, et qui s'imaginent que le public peut vivre de leur éloquence, diront que c'est bien peu important pour être la première planche d'une plate-forme politique.

Cela semble peu de chose. Mais, si en 1929, on avait ainsi eu un Office de Crédit National, cet Office n'aurait pas commandé la suppression du tiers de l'argent du pays, alors que la production du pays pouvait très bien continuer son cours comme en 1928.

Si l'on avait eu un Office de Crédit National pour émettre l'argent d'après la production possible, on n'aurait pas eu 700,000 chômeurs miséreux au Canada pendant dix années, représentant la paralysie d'une immense partie de la productivité du pays, parce qu'il n'y avait pas d'argent dans les familles en face des magasins pleins.

Si l'argent était réglé d'après la production de chaque pays, on n'assisterait pas au drame de pays civilisés se ruant les uns sur les autres et n'entrant en pleine activité que pour détruire hommes et biens.

L'Institut Louis Even, l'Œuvre des Pèlerins de saint Michel est la seule association, au Canada, qui propose l'institution d'une autorité monétaire responsable au Parlement, et non plus responsable aux actionnaires de banques à profit.

L'institut Louis Even du Canada est le seul organisme qui demande de ramener la banque à son rôle de banque et de lui enlever la fonction souveraine de la réglementation du volume d'argent du pays. C'est le seul organisme qui veut un gouvernement souverain pour servir le peuple, et non un gouvernement valet pour faire le peuple servir la dictature d'argent.

Louis Even

Journal Vers Demain

1er juillet 1944

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