L'objection :
"Avec le dividende, personne ne voudra plus travailler."
La réponse :
Le travail est commandé à l'homme par le Créateur. Mais, nous ne sachions pas que le Créateur ait jamais commandé à l'homme de travailler pour de l'argent. Non. Le Créateur a placé le mobile du travail plus haut que le vulgaire porte-feuille. Le Créateur a commandé à l'homme de travailler pour l'amour de Dieu. Et on ne peut contester au Créateur la connaissance de la nature de l'homme, puisque c'est lui-même qui a fait l'homme avec cette nature.
Croire que l'homme ne peut travailler que pour l'argent, c'est le déprécier, le mettre au rang des animaux qui ne travaillent que pour leur picotin et leur paille.
Et présenter à l'homme le seul appât de l'argent, c'est le corrompre, c'est lui donner un idéal inférieur à l'idéal que réclame sa nature. Et dire que ceux qui appellent l'argent pour faire travailler l'homme, le font pour garder l'homme dans la vertu ! Quelle aberration ! Et quelle drôle de vertu !
Aujourd'hui, tout le monde travaille pour de l'argent, dit-on. C'est parce que l'argent est rare et qu'il faut absolument de l'argent pour vivre, et que faire vivre son corps est la chose non pas la plus importante, mais la première nécessaire.
Mais lorsque l'argent sera selon les produits, les hommes ne travailleront plus pour l'argent, mais pour les produits. Et si les produits sont en abondance, malgré le peu de contribution de l'homme et à cause de la grande contribution du progrès, l'homme s'appliquera à du travail intellectuel qui lui apporte la grande joie de l'intelligence, supérieure à la joie du porte-feuille. Et l'homme s'appliquera au travail de la charité, qui lui apporte la grande joie de l'amour, jamais comparable au plaisir des cinq piastres.
Joie de l'intelligence, joie du don de soi, en voilà assez pour faire travailler l'homme, sans invoquer la puissance motrice du vil métal, mille fois maudit de Dieu.
Il ne faut donc pas faire de l'argent le mobile du travail de l'homme. Et si aujourd'hui, ce mobile existe, hâtons-nous de le changer. Et encore une fois, ne dites pas que ce n'est pas connaître la nature de l'homme, c'est plutôt connaître l'homme comme le Créateur a voulu qu'il soit.
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L'objection :
"Notre-Seigneur a dit qu'il y aurait toujours des pauvres. Et le Crédit Social, en donnant un dividende, va supprimer la pauvreté. Donc le Crédit Social est mauvais."
La réponse :
Notre-Seigneur a aussi dit qu'il y aurait toujours des pécheurs sur la terre, et il n'a pas ajouté qu'il ne fallait pas travailler à convertir les pécheurs. Au contraire, il faut y travailler davantage.
De même, Notre-Seigneur a dit qu'il y aurait toujours des pauvres parmi nous, mais il n'a pas dit de ne pas faire la charité à cause de cela. Au contraire, il a prêché la charité toujours et partout.
Et faire la charité, cela veut dire donner pour ne rien recevoir en échange. Le dividende, ne serait-il qu'un acte de charité, serait très bon à cause de cela. Mais, le dividende est un acte de justice aussi. Nous le prouverons plus tard.
La charité est un commandement. Et la constatation de Notre-Seigneur, qu'il y aurait toujours des pauvres parmi nous, n'est pas un commandement de Notre-Seigneur. Pour ne pas faire mentir Notre-Seigneur, ne vaudrait-il pas mieux s'efforcer d'observer son commandement de charité que de s'appliquer à donner raison à ses larmes ?
Et faire la charité du verre d'eau, c'est bien. Mais faire la charité d'une économie d'abondance c'est plus intelligent et plus généreux. Comment donc peut-on, au nom même de Notre-Seigneur, reprocher aux Créditistes d'être généreux, quand Notre-Seigneur fut la magnanimité même ?