Le circuit du crédit financier

Louis Even le lundi, 02 novembre 2015. Dans Un nouveau système financier efficace

Si j'ai bien compris, sous un système financier de Crédit Social, le système bancaire pourrait continuer de fonctionner exactement comme aujourd'hui, prêtant à intérêt aux producteurs de biens consommables et aux contracteurs de travaux publics?

Exactement comme aujourd'hui — oui, comme mécanisme, mais pas comme esprit. C'est du crédit de la société, du «crédit social» que le banquier prêterait. Ce ne serait donc plus du crédit créé par lui qu'il prêterait, mais du crédit qu'il obtiendrait de la Banque centrale, gardienne du crédit de la société. Au lieu d'être une créatrice de crédit financier basé sur une chose qui appartient, à la société, la banque à charte ne serait qu'une canalisation de ce crédit.

Cela peut avoir l'air insignifiant, de peu de conséquence dans la pratique, puisque, dans l'un ou l'autre cas, l'emprunteur peut obtenir les mêmes avances de crédit, avec les mêmes conditions de remboursement. Mais, au contraire, cela fait une différence énorme.

Comme le remarquait Douglas devant un comité de l'Assemblée législative de l'Alberta en 1934, si le crédit est à sa naissance la propriété des institutions financières, ces institutions obtiennent pour rien un titre hypothécaire sur toute la richesse produite financée par ce crédit. Tandis que si tout ce crédit est, à sa source, propriété de la société, c'est toute la population qui obtient pour rien ce titre hypothécaire; c'est alors la population dans son ensemble qui est fournisseuse du prêt, ce qui confère à tous les citoyens le droit à un dividende, à une part de la richesse produite et financée par ce crédit «social».

Ce crédit financier serait-il encore, comme aujourd'hui, de l'argent temporaire, naissant avec le prêt, disparaissant (annulé) avec le remboursement?

Non. Le prêt ne ferait pas naître le crédit: ce crédit était déjà là, sous la garde de la Banque centrale, attendant utilisation.

De même, le remboursement n'annulerait pas le crédit financier, mais le mettrait dans le canal de retour vers la Banque centrale d'où il était sorti.

Ici encore, cela peut sembler ne pas faire grande différence, puisque la banque à charte actuelle peut toujours créer une somme nouvelle pour faire un autre prêt. Mais la méthode proposée est plus conforme au réel. Le crédit financier doit être le reflet, l'expression chiffrée de la capacité de production du pays qui seule lui donne de la valeur. Or, la capacité de production du pays ne disparaît pas quand un emprunteur, après l'avoir mise en œuvre, rembourse le crédit financier emprunté. Pourquoi, alors, le crédit financier qui représente cette capacité de production serait-il annulé, même temporairement ?

Est-ce que le crédit financier sorti de la Banque centrale, et mis en circulation par l'entremise des banques commerciales, devrait rentrer à sa source dans un temps déterminé d'avance, comme cela fait aujourd'hui partie des conditions du prêt?

Non. Le crédit servant à financer la production sortirait de sa source au rythme de la production, d'ordre privé ou d'ordre public; et il retournerait à sa source au rythme seulement die la consommation, ou de la dépréciation, d'ordre privé ou d'ordre public.

Il ne serait pas conforme aux faits d'exiger ce retour plus vite que la consommation, comme on le fait aujourd'hui, surtout pour les biens publics. On violente le réel quand on fait payer la consommation, la dépréciation, plus vite qu'elle n'a lieu. On contredit le réel quand on ôte de la circulation par les taxes, en vue de remboursements, deux fois le prix d'un aqueduc, d'un pont, d'un édifice scolaire, deux fois avant même qu'il soit complètement déprécié, avant qu'il soit «consommé» une fois! (Et vraiment, comment peut-on le consommer deux fois?)

Cela veut-il dire qu'aujourd'hui il n'y a pas de rapport entre le mouvement de l'argent et le mouvement de la richesse réelle?

C'est justement un des grands défauts du système actuel. Pour plusieurs raisons. Pas seulement parce qu'on force à rembourser l'argent de la production plus vite que la consommation. Mais aussi parce qu'il n'y a pas rapport d'égalité entre les prix des produits offerts et les moyens de paiement entre les mains des consommateurs.

Le prix se constitue à mesure de la fabrication du produit, et ce prix complété est attaché au produit fini qui vient sur le marché. Tandis que l'argent distribué en cours de fabrication du produit prend 1000 chemins, est dépensé à 1000 moments, sans chronométrage avec l'apparition du produit, fini et de son prix final.

Il y a aussi de l'argent marqué dans les prix, mais non distribué, parce qu'il est réservé pour remplacements de machines plus tard. Il y a également l'épargne par des particuliers, qui ne fait plus partie du pouvoir d'achat effectif, malgré qu'elle est dans les prix, etc.

De sorte que, s'il n'y a pas d'ajustement des prix (comme propose le Crédit Social), le décalage inévitable entre le pouvoir d'achat et les prix demeure, et la production n'atteint pas son but.

Un autre point: la somme de pouvoir d'achat existante oublie bien des consommateurs. Comme elle est distribuée surtout en récompense aux producteurs, ceux qui ne sont pas employés lucrativement par la production sont démunis ou mal munis de pouvoir d'achat.

Pour toutes ces raisons, il est donc nécessaire de voir à la finance, non seulement de la production, mais aussi de la consommation. Cette nécessite s'accroît à mesure du progrès qui augmente la production sans employer plus de personnel.

A quelle source prendre les moyens de paiement pour financer ce qui manque à la consommation?

A la même source que pour la finance de la production. A la Banque centrale, ce qui, là aussi, peut être fait par le canal des banques commerciales.

Ce serait donc encore de l'argent que les banques commerciales prêteraient à intérêt aux consommateurs?

Oh! non. Il faut bien distinguer entre l'argent qui finance la production et l'argent qui achète la production, même si ça vient de la même source.

Douglas fait cette distinction quand il parle de «credits» et de «cash credits» Les «credits», c'est l'argent avancé à la production et qui doit être remboursé à la banque prêteuse. Les «cash credits», c'est ce qu'on peut appeler «monnaie de consommation», que le consommateur emploie à sa guise.

La différence entre ces deux sortes de monnaie réside dans leur fonction, et non pas dans leur nature. L'une et l'autre, en effet, sont du crédit financier sortant de la même source. De plus, la monnaie de production se change en monnaie de consommation, lorsqu'elle est versée par le producteur en salaires, en traitements, en dividendes industriels.

Aujourd'hui, pratiquement toute la monnaie de consommation a d'abord été monnaie de production, puisque ce sont les activités de production qui distribuent à peu près tout le pouvoir d'achat.

Sous un système créditiste, de la monnaie de consommation additionnelle viendrait directement de la source sans passer par l'industrie, de deux manières

a) Sous forme de compensation au vendeur, pour l'escompte général accordé aux acheteurs, en vertu de l'ajustement des prix mentionné plus haut;

b) Sous forme de dividende social à tous, dont il va présentement être question.

Cette addition de pouvoir d'achat permettrait de rencontrer des montants qui sont dans les prix, mais qui ne sont pas encore ou qui ne sont plus entre les mains du public consommateur quand les produits sont mis en vente.

Ce serait autrement satisfaisant que d'avoir à s'endetter envers des maisons de finance. Cet endettement, qui se généralise de plus en plus sous le présent système, est un étrange moyen de permettre à la population d'obtenir l'abondante production de son pays. C'est faire quelques financiers profiter, et la population pâtir, d'un système inapte à établir l'équilibre entre les prix et le pouvoir d'achat.

 

Le circuit du crédit financier Dans un système de Crédit Social

Le circuit du crédit financierDe l'argent est avancé au producteur (industrie) par l'Office National de Crédit, pour la production de nouveaux biens, ce qui amène (flèche de gauche) un flux de produits étiquetés avec des prix et (flèche de droite), des salaires distribués aux employés. Puisque les salaires ne suffisent pas pour acheter toute la production, l'Office de Crédit comble la différence par l'émission d'un dividende périodique à tous les citoyens. La rencontre des consommateurs et des produits se fait chez le marchand, et lorsqu'un produit est acheté (consommé), l'argent qui avait été avancé au début de la production de ce produit retourne à sa source, l'Office National de Crédit, ayant ainsi accompli sa fonction et terminé sa course dans le circuit financier, puisque le produit a atteint le consommateur. En tout temps, il y a une égalité entre les moyens d'achat entre les mains de la population, et les prix à payer pour les biens consommables mis en vente sur le marché.

Louis Even

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