La dette publique

le vendredi, 15 octobre 1943. Dans Le Crédit Social enseigné par Louis Even

Un particulier peut s'endetter, et cela se com­prend : il s'endette envers quelqu'un qui n'est pas lui-même, il s'endette envers un autre.

Mais qu'un gouvernement souverain s'endette, cela s'imagine mal, à moins que ce soit envers un autre pays, pour des marchandises et services obtenus d'un autre pays, tant qu'il n'a pas four­ni à cet autre pays l'équivalent en marchandises et en services.

Comment comprendre qu'un pays s'endette en dedans de lui-même, à moins qu'il n'abdique sa souveraineté envers des groupes ou des parti­culiers ?

C'est pourtant le cas. Non seulement pour le Canada, mais pour tous les pays civilisés. C'est le cas, à cause de leur système d'argent, qui aliè­ne la souveraineté des gouvernements entre les mains des faiseurs et destructeurs d'argent.

C'est tellement vrai que, si tous les pays se soudaient en un seul gouvernement universel, comme le désirent les grands centralisateurs, et si, en même temps, ce pays universel conservait le même système d'argent qui prévaut aujour­d'hui, on aurait un univers endetté. L'univers aurait une dette publique.

Où seraient les créanciers de l'univers ? Ce se­raient des particuliers vivant au sein de cet uni­vers.

L'univers n'aurait pas un gouvernement sou­verain : il aurait un gouvernement endetté en­vers des subordonnés.                                                                          

Et la dette de l'univers augmenterait à me­sure que l'univers se développerait. Pourquoi ? Parce que, pour écouler entre ses citoyens une production augmentée, l'univers aurait besoin d'un argent augmenté ; or toute augmentation d'argent de cet univers ne se ferait, comme au­jourd'hui, que par des emprunts de l'univers à des banquiers privés auxquels le gouvernement de l'univers aurait donné le privilège de créer le médium d'échange.

C'est la position de tous les pays civilisés au­jourd'hui. Ils se lient aux mains de ceux qui ont le pouvoir de faire l'argent et qui ne mettent cet argent en circulation qu'en le prêtant.

*    *    *

Pendant qu'il se bat pour la liberté, et à me­sure qu'il se bat pour la liberté, le Canada aug­mente sa dette publique. Elle a augmenté de près de 40 pour cent de 1942 à 1943 — en une seule année.

Aussi, malgré que le taux moyen d'intérêt ait baissé de 2.9 pour cent à 2.6 pour cent, le gâteau annuel à servir par le pays à ses créanciers pri­vés a augmenté d'une trentaine de millions.

Le service de la dette publique est le plus gros item individuel des dépenses ordinaires.

Avant la guerre, on servait chaque année 128 millions aux étrangleurs de notre vie écono­mique. L'année dernière, on leur a servi 198 mil­lions et demi. Cette année, on va leur servir au-delà de 220 millions.

Pendant l'année fiscale 1942-43, la somme des dépenses ordinaires (en dehors des dépenses de guerre) a été de 565 millions et trois quarts. Sur cette somme, nos créanciers ont absorbé 198 mil­lions et demi, plus du tiers.

Plus du tiers des taxes prélevées pour nos dé­penses ordinaires va donc, chaque année, à payer l'abdication de la souveraineté du gouvernement.

Dans la même année 1942-43, le gouverne­ment fédéral a cru aider efficacement l'agricul­ture, si essentielle à l'effort de guerre, en lui oc­troyant 8 millions et trois quarts ; sous le poste des dépenses de guerre, il y a ajouté en services divers 20 millions et trois quarts ; soit un grand total de 29 millions et demi — afin de pousser la production alimentaire à son maximum.

29 millions et demi des deniers publics aux nourriciers de l'humanité, et 198 millions et de­mi aux rationneurs de l'humanité.

Dans la même année, le gouvernement fédéral octroyait 30 millions en pensions de vieillesse. 30 millions à ceux qui ont peiné toute une vie au maintien ou à l'agrandissement du Canada, et 198 millions, à ceux qui nous mesurent notre droit de respirer.

Dans la même année, toutes les dépenses fai­tes pour le service postal, d'un bout à l'autre du pays et en dehors du pays, pour tous les bureaux de poste et pour l'armée de facteurs et autres employés postaux s'élevaient à 45 millions.

45 millions au magnifique service qui tient les hommes en communication entre eux, malgré des distances énormes. Et 198 millions à ceux dont le système jette la discorde entre les hommes.

Un pape a dit que ceux qui contrôlent l'argent et dispensent le crédit à leur gré sont les maî­tres du sang de la vie économique, qu'ils tien­nent nos vies entre leurs mains, si bien que, sans leur permission, nul ne peut plus respirer.

Puis, ce même Pape a déploré que les gouver­nements, qui devraient voir de haut au bien com­mun, soient devenus les fidèles serviteurs des in­térêts privés.

Bien fidèles serviteurs, en effet, qui se mettent en quatre pour arracher à leurs administrés la plantureuse récompense annuelle à servir en tou­te première ligne, avant toute autre dépense, à ceux qui dispensent le crédit à leur gré.

Si la présente guerre se termine par la victoire complète des alliés, les dictateurs militaires des pays de l'axe auront perdu leur sceptre ; mais les dictateurs financiers de tous les pays, du nôtre très en vedette, auront affermi le leur.

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