L'Alberta - Hier et aujourd'hui

le mercredi, 15 mai 1946. Dans L'expérience albertaine Aberhart

L'Alberta fut érigée en province en 1905, en mê­me temps que la Saskatchewan, sous l'administra­tion de Wilfrid Laurier.

Les premières élections dans les deux nouvelles provinces mirent un gouvernement libéral au pou­voir.

Les Libéraux administrèrent l'Alberta de 1905 à 1921. Ce fut une époque de gaspillage, d'endette­ment et de scandales administratifs : scandale du téléphone, scandale des chemins de fer, et autres. Si bien qu'après 17 années, la dette provinciale, partie de zéro, atteignait 95 millions de dollars.

Il ne s'agit pas là d'une accusation gratuite faite par le gouvernement actuel. Non. Le témoignage de la Banque du Canada elle-même, après son en­quête sur la situation albertaine, est là pour le prouver. Voici ce que le rapport officiel de la Ban­que du Canada, publié en 1939, dit en page 34 :

"En estimant la situation financière actuel­le de l'Alberta, nous avons trouvé qu'il fallait mettre en évidence spéciale les événements des années 1905 à 1922. En 1922, l'Alberta ne comptait que 17 années d'existence. Or la det­te de la province était approximativement de 95 millions de dollars. Cette dette était plus de deux fois celle de la Saskatchewan qui avait le même âge, et 50 pour cent plus élevée que la dette du Manitoba, province beaucoup plus ancienne.

"En substance, plus de la moitié de la dette albertaine représentait une accumulation de pertes, de déficits et de prétendus actifs qui, en réalité tournaient en coulage constant. Après avoir pris en considération les alloca­tions nécessaires pour le développement ra­pide de la nouvelle province et les dépenses lé­gitimes du gouvernement pour aider et stimu­ler ce développement, il reste que, dans notre opinion, la période 1905-1922 fut caractérisée par le gaspillage, une molle administration et une insouciance à s'endetter que ne pouvait justifier même l'esprit optimiste de cette épo­que."

Régime des Fermiers-Unis

Le fardeau des taxes résultant de 17 années de mauvaise administration retombait plus lourde­ment sur les épaules des fermiers de la province.

Le taux d'intérêt élevé sur les emprunts hypo­thécaires et bancaires, avec des prix ridiculement bas pour les produits agricoles, causa une vague d'aigreur et de mécontentement qui amena la chu­te du gouvernement libéral aux élections de 1931. Le vent soufflait en faveur du parti des Fermiers-Unis.

Quant aux Conservateurs, dont les idées réac­tionnaires avaient été maintes fois rejetées par les électeurs d'Alberta, ils n'avaient aucune chance de prendre le pouvoir. Aussi, nombre des Conser­vateurs éminents de la province crurent bon de lier leur fortune au parti nouveau en vogue, et plu­sieurs d'entre eux se firent élire sous l'étiquette de Fermiers-Unis, alors qu'ils restaient au fond des Conservateurs de la plus belle eau.

Cette intrusion de réactionnaires dans les rangs des Fermiers-Unis empêchèrent le nouveau gou­vernement de réaliser les réformes qu'il projetait. La situation financière de la province ne fit qu'em­pirer d'année en année. De 1921 à 1935, la dette de la province s'éleva de 95 millions à 161 millions.

Les conditions de vie des fermiers, des manœu­vres et des petits hommes d'affaires devinrent in­tolérables. Des fermes et des maisons en grand nombre furent confisquées aux mains des déten­teurs d'hypothèques, à cause de l'incapacité des propriétaires à payer leurs dettes.

Le gouvernement des Fermiers-Unis jetait les bras en l'air et confessait son impuissance à intro­duire aucune mesure de secours en faveur des ci­toyens réduits à la détresse. Il finit par suspendre le remboursement des certificats d'épargne, dont le total dépassait onze millions de dollars.

L'argent de ces certificats provenait d'économies des citoyens, et ceux-ci l'avaient prêté au gouver­nement pour l'aider à sortir du chaos financier dans lequel il avait mis la province. Mais le gou­vernement dépensa l'argent des certificats d'épargnes, sans même rien mettre de côté pour prévoir le remboursement. Lorsque les Albertains se rendi­rent compte qu'une crise était inévitable, ils rede­mandèrent leur argent, et le gouvernement dut se déclarer incapable de les satisfaire.

L'avènement du régime créditiste

En 1935, il devint évident que le gouvernement des Fermiers-Unis avait perdu tout contrôle sur la situation. Une nouvelle équipe se présenta de­vant le peuple : le groupe du Crédit Social con­duit par Aberhart.

Aux élections du 22 août 1935, tous les candi­dats des Fermiers-Unis furent battus ; sur un par­lement de 63 membres, 56 étaient élus sous l'éti­quette du Crédit Social.

Aberhart prit le pouvoir.

Les premières constatations de son gouverne­ment n'étaient guère encourageantes. Le trésor était vide, la dette énorme.

Une étude des sources de recettes et de dépenses révéla un état de choses pitoyable.

Ainsi, le revenu total des licences d'autos et de la taxe sur la gazoline, s'élevait à environ trois mil­lions par année. Or, il fallait prendre deux de ces trois millions pour payer l'intérêt sur de l'argent emprunté pour la construction de routes dont plu­sieurs n'existaient plus. Comment, dans les circons­tances, entreprendre un programme convenable de voirie ?

Dans l'ensemble, près de la moitié du revenu to­tal de la province allait au service de la dette. Im­possible, avec la moitié qui restait, de soutenir un système de services sociaux tant soit peu adéquat.

Sous les voiles créditistes

Après un premier recours au fédéral pour les be­soins les plus urgents, et après quelques tâtonne­ments d'orientation, le gouvernement Aberhart se mit résolument à la tâche. On inaugura le système de "Pay as you go", et on cessa d'emprunter un seul sou des banques.

Un premier plan de voirie de cinq ans fut entre­pris. Les Maisons du Trésor furent établies, pour aider à l'économie interne. Et lorsque la guerre éclata, les routes de la province avaient déjà pris un nouvel aspect, des écoles modernes s'étaient multipliées, sans augmenter d'un iota la dette de la province. Les conditions de guerre arrêtèrent né­cessairement les développements, la capacité de production du pays étant surtout divertie vers la production de guerre.

En 1940, les politiciens de toutes couleurs — li­béraux, conservateurs, C.C.F. — convaincus qu'aucun de leur groupe ne pourrait seul prendre le pouvoir en Alberta, unirent leurs forces contre les candidats créditistes. Ils eurent à leur disposi­tion d'immenses sommes d'argent, surtout de com­pagnies d'assurances. Malgré cette coalition, le gouvernement créditiste fut réélu, bien qu'avec une majorité diminuée.

En 1944, les C.C.F., gonflés par leurs succès pro­vinciaux en Ontario et surtout par leur victoire dé­cisive en Saskatchewan, se crurent de taille à con­quérir l'Alberta et quittèrent leur alliance insolite avec les libéraux et les conservateurs. Peine per­due, les créditistes revinrent au pouvoir plus forts que jamais.

La situation actuelle

Aujourd'hui, la dette de l'Alberta est descendue à 113 millions. L'intérêt sur cette dette est abais­sé à 3.39 pour cent, le plus bas de toutes les provin­ces, comme le démontre le tableau suivant :

Saskatchewan                                      4.60    pour cent

Manitoba                                             4.51

Colombie-Britannique                        .. 4.34

Nouveau-Brunswick                           .. 4.12

Nouvelle-Ecosse                                    ?

Ile du Prince-Edouard                           3.96

Ontario..                                            3.96

Québec..                                            3.58

Alberta                                              3.39

Comparez la marche descendante de la dette de l'Alberta avec la marche ascendante de la dette de la Saskatchewan :

L'Alberta a diminué sa dette de 40 millions sous le gouvernement créditiste, tout en ayant la légis­lation sociale la plus progressive au monde.

La Saskatchewan a augmenté sa dette de 10 millions au cours de la dernière année, d'après la déclaration faite à l'Assemblée Législative de cette province, le 21 février dernier, par C. M. Fines, trésorier provincial du gouvernement C.C.F..

Rappelons aussi que, outre l'abaissement du taux d'intérêt sur sa dette, l'Alberta prend des dispositions pour le remboursement du capital, si bien que, dans 29 ans, la dette de l'Alberta sera complètement éteinte.

La province arrive à ce résultat en payant, en 1946, pour intérêts et partie du capital, la somme totale de $7,466,000. En 1947, elle répétera le même versement. De 1948 à 1960, $5,816,000 chaque année. Après 1960, $5,509,000 chaque année.

Cette somme annuelle, tout en comprenant l'in­térêt et le remboursement graduel, est inférieure à ce que le gouvernement précédent devait payer rien qu'en intérêts.

La question de la dette n'est évidemment qu'un aspect de la situation. Mais il a son importance. Et puisque les adversaires du Crédit Social aiment à traiter les créditistes d'aventuriers, aptes seule­ment à conduire un pays à la banqueroute, il n'est pas hors de propos de leur mettre sous les yeux les accomplissements financiers du seul gouvernement créditiste au monde.

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