Je suis un responsable

le dimanche, 01 juillet 1945. Dans La vie créditiste

Le commandant de district est passé dans ma ville. C'était moins d'une semaine après l'élection.

Nous étions là une vingtaine, de diverses places du comté, mais presque tous de ma ville qui, après tout, est la place la plus importante au point de vue nombre et au point de vue travail à faire.

Le commandant a parlé de responsabilités. Tous, nous avons reçu une responsabilité. L'un de nous est le responsable de tout le comté. J'ai cru qu'il allait s'écraser sous le poids de sa responsa­bilité  : 7,000 familles lui sont confiées, il est res­ponsable de leur éducation politique et de leurs actions politiques.

Mais le responsable de comté n'a pas perdu connaissance, parce qu'il compte sur les responsa­bles de paroisses. S'il peut seulement trouver un bon responsable pour chaque paroisse, son pro­blème se simplifie  : c'est la formation de ses res­ponsables de paroisses et leur entraînement à l'action qui sera sa charge spéciale.

Pour moi, je ne suis pas bien haut dans l'échel­le  : pas même responsable d'une paroisse. Rien qu'une division de vote. C'est-à-dire qu'on m'a confié le soin des familles qui sont inscrites pour voter dans le Poll No 17 de mon comté. C'est une partie assez petite de ma ville. Je me rends d'une extrémité à l'autre en moins de vingt minutes.

Mais, dans ce petit territoire, dans cette divi­sion géographique dont j'ai la responsabilité, il y a tout de même 90 familles et 298 électeurs et électrices inscrits lors du dernier vote.

298 électeurs, dont 37 seulement ont voté cré­ditiste le 11 juin. Cela veut dire qu'il me reste un travail considérable à faire. Considérable, mais pas impossible.

Qu'est-ce que je vais faire  ?

D'abord, je vais penser à mon territoire et à mes familles. Je vais me dire  : Cela, c'est ma partie de Nouvelle-France à mettre sur pied pour sa libération. Ces familles-là, c'est de moi qu'elles vont recevoir la lumière, c'est moi qui vais leur montrer à se tenir debout et à réclamer leurs droits.

*    *    *

90 familles. Combien d'abonnés  ? Dans combien de maisons le journal Vers Demain rentre-t-il chaque quinzaine  ?

Cela, c'est capital. Car moi, je ne puis pas aller tous les quinze jours dans 90 familles. Je n'ai que mon dimanche et parfois le soir sur semaine. Puis, quand même j'irais à toutes les portes deux fois par mois, je ne saurais intéresser les gens chaque fois par mes discours. Puis, quand j'entre, tous ne sont pas là, tous ne sont pas disposés à entendre de longues explications. Si le journal Vers Demain entre, lui, on le place sur le radio. Chacun le prend et l'ouvre à la minute qui lui convient.

Donc, il me faut multiplier l'abonnement  : 90 familles et seulement 18 abonnés. Sur les 72 au­tres, il n'y a certainement pas 72 réfractaires.

Je vais m'y mettre. Justement, j'ai des formules à faire signer de ce temps-ci, pour demander l'am­nistie générale de tous les délinquants et déser­teurs. Je ne crois pas qu'il y aura beaucoup d'op­position à cela de la part des 90 familles, des 298 électeurs de ma division. Voilà une bonne manière pour m'introduire dans la maison  :

"Mes amis, j'ai ici une requête qui circule, pour demander qu'on cesse de chasser les conscrits qui n'ont pas répondu, pour demander aussi qu'on dé­mobilise immédiatement les jeunes qui perdent leur temps dans les camps d'entraînement mainte­nant que la guerre est finie, et pour demander le rappel de la maudite loi de conscription".

Ah  ! je vois tout le monde de la partie. Tous signent sans hésiter.

C'est après cela que je vais leur dire  : "Savez-vous bien qui est-ce qui s'occupe de faire lever ces signatures  ? Pas un parti politique, allez. Oh  ! non, ce sont des électeurs organisés pour se faire écou­ter  : l'Union Créditiste des Électeurs. Vous ne savez pas ce que c'est  ? Oh  ! regardez ce petit journal-ci  : c'est son organe."

Je continue de parler un peu. Si l'intérêt gros­sit, je parle de l'abonnement. Pas cher, un dollar pour 24 numéros  !

S'il y a défiance, refus, je laisse le numéro et je les prie de le lire pour me dire ce qu'ils en pensent quand je repasserai. Car je repasserai. 98 familles  : ce n'est pas l'océan, je suis capable de suivre cela.

On va me connaître dans ma division. Et je vais connaître mes gens. Il n'y aura plus de céré­monie à faire pour entrer en conversation. J'irai souvent aux maisons, je parlerai des événements politiques, de Vers Demain  ; je m'assurerai qu'on le lise et qu'on y prenne intérêt.

Je suis responsable. Ces familles, je leur dois la lumière. Et je dois aussi y susciter des hommes et des femmes qui vont à leur tour prendre une res­ponsabilité. Ils vont m'aider. Mais je resterai le principal responsable de ce petit coin du pays.

Et nous serons toute une petite communauté de citoyens éclairés et actifs.

Sur ce coin, dont je suis responsable, les cou­leurs politiques et les manœuvres électorales per­dront sûrement leur emprise avant longtemps. Le prochain appel au peuple trouvera mes 298 élec­teurs, sauf peut-être quelques toqués qui se bou­chent les yeux et les oreilles, bien fixés sur l'acte qu'ils auront à poser.

*    *    *

Je suis responsable. Tout n'ira pas aussi vite que je viens de l'écrire. Et ce sera beaucoup plus fatiguant d'exécuter mon programme que de le tracer sur le papier. J'aurai des difficultés, des contrariétés, des rebuffades. Mais je suis un pa­triote, et les patriotes sont prêts à tout pour leur pays.

Je ne me rebuterai pas de mes premiers in­succès. Je m'examinerai moi-même après chaque déconvenue, et j'améliorerai mes manières. Je suis responsable. Je dois apprendre à me dominer moi-même pour me mieux donner aux autres. Les poli­ticiens ont tant eu l'habitude de dominer les au­tres pour se servir eux-mêmes. Je dois assainir la politique, pas m'y souiller.

Je suis responsable, et rien ne m'arrêtera. Si je ne fais pas ce petit secteur de Nouvelle-France qui donc va le faire, puisque c'est moi le responsable  ?

Oh  ! que je me trouve anobli par ma responsa­bilité  ! Et comme je souhaite aussi que se multi­plient les responsables, les vrais  ! Lorsqu'il y aura un responsable par chaque division du pays sem­blable à la mienne, qui donc pourra continuer à bourrer et exploiter l'électorat  ?

Je suis un responsable, et j'aime mon Institut d'Action Politique, grand formateur de responsa­bles.

Arthur BRISEBOIS


Les silencieux intéressés

Un article intitulé "Importance de la question de l'argent", reproduit les Cahiers du Crédit Social, édition d'août 1939, répond à l'objection de ceux qui nous accusent de nous occuper beaucoup trop de la question monétaire.

Nous devons d'autant plus nous en occuper que les autres s'en occupent moins ou pas du tout. On semble avoir fait un silence calculé sur cette question dans le passé ; et à la faveur du silence, des hommes qui savaient parfaitement bien ce qu'ils faisaient ont graduellement imposé à l'humanité civilisée le système d'argent le plus néfaste qui se puisse concevoir.

Vous trouverez encore des gens supposés intelligents qui se scandalisent et poussent des cris de putois dès qu'on discute la question de l'argent et qu'on ose critiquer le système.

Certains d'entre eux sont des intéressés, qui en profitent largement et ne veulent pas qu'on les dérange dans leur brigandage. Ils sont peu nombreux, mais puissants.

D'autres sont des politiciens fainéants, et ils ne veulent pas être distraits de leur douce quiétude. Le mal qu'on dénonce est bien un reproche à leur laisser-faire.

D'autres sont de prétendues lumières, et ils ont honte de constater la grande lacune qu'on souligne dans leur enseignement.

D'autres sont des gens relativement satisfaits, qui s'imaginent que si le sort du voisin s'améliore, le leur va en pâtir. Ils sont de la vieille école de la rareté. Ils n'ont jamais vu l'abondance qui nous étouffe de toutes parts. Ils n'ont pas encore reconnu l'abondance sacrilègement supprimée par l'oisiveté forcée de chaque chômeur (homme ou machine) en temps de paix, ou par la production de chaque engin de destruction en temps de guerre.

D'autres occupent certains postes de commande, dans divers domaines, et n'ont jamais eu assez de jugement ou de vertu pour conduire les hommes autrement qu'à la faveur de leur pauvreté. Ils ont peur d'une libération économique de la multitude. Comme les contremaîtres d'esclaves d'autrefois qui craignaient la suppression de l'esclavage.

Tous, de l'une ou l'autre catégorie, gagneraient sans doute beaucoup, pour la rectification de leurs idées, à se trouver contraints de passer quelques mois les poches complètement vides, le ventre creux et le nez allongé devant des vitrines étalant l'abondance emprisonnée.

Voyez-vous Guy Bousquet dans cette situation et relisant ses écrits : L'argent ne manque pas, la richesse est déjà monnayée, le Crédit Social ferait de l'inflation.

Il serait probablement plus enclin alors à dénoncer la déflation. Mais quand on mange dans la crèche libérale...


Signons, faisons signer

L'Union Créditiste des Électeurs fait signer une demande au gouvernement fédéral pour réclamer  :

    1. L'amnistie générale, immédiate et sans restrictions, pour tous les jeunes classés délinquants ou déser­teurs. La guerre est finie en Allemagne, pourquoi la continuer au Canada  ?

    2. La démobilisation immédiate des jeunes qui sont dans les camps d'entraînement. Pourquoi les gar­der là, puisqu'on ne prend que des volontaires pour la guerre contre le Japon  ?

    3. Le rappel formel de la loi de conscription.

Tous ceux qui veulent des feuilles pour lever des signatures autour d'eux n'ont qu'à en demander au bureau de Vers Demain.

Poster un commentaire

Vous êtes indentifier en tant qu'invité.