Dividendes ou allocations ?

le mercredi, 01 mars 1944. Dans Crédit Social

Certains pusillanimes nous suggèrent parfois de taire les mots "dividende national", et les rempla­cer par "allocations familiales", parce que ça son­ne mieux, disent-ils, parce qu'il est devenu de bon ton de parler d'allocations familiales (même sans les donner), et que le "dividende national" a beau­coup d'adversaires.

La peur des mots ! Sans doute que, dans certains milieux aussi, il faudrait parler de religion en tai­sant le nom du bon Dieu, parler de l'église catho­lique en ignorant le mot "pape" !

Dans le mot allocation, il y a l'idée de don non mérité, de cadeau fait par bonté et obligeant le récipiendaire. Une allocation évoque l'idée d'un bienfaiteur qui daigne distribuer des faveurs, et d'un favorisé qui doit les recevoir avec beaucoup d'humilité et se bien garder de froisser le moins du monde son bienfaiteur.

On s'en aperçoit dans la pratique. Ceux qui béné­ficient de pensions de vieillesse, d'octrois de toutes sortes, se jugent liés et se gardent bien d'exprimer leurs opinions, si leurs opinions ne sont pas tout à fait d'accord avec celles du parti au pouvoir.

Le mot dividende, au contraire, signifie un re­venu dû à celui qui le reçoit. Il ne l'oblige pas le moins du monde. Le capitaliste qui touche un di­vidende sur son placement n'a point à baisser la tête et à fermer sa bouche. Bien au contraire, plus il reçoit de dividendes, plus il est indépendant.

L'allocation est un terme apparenté à l'escla­vage, au moins à l'esclavage de la pauvreté, de la nécessité.

Le dividende est un terme apparenté à la liberté.

Nous ne sommes pas du tout prêts à laisser le dividende pour l'allocation. Si le résultat est le même quant à l'argent qui entre dans la maison, il n'est point le même quant à l'attitude de la fa­mille ou de l'individu qui le reçoit.

Les admirateurs d'une multitude conduite par une dictature quelconque seront toujours prêts à déguster des termes d'esclavage et à repousser des termes de liberté.

Ils iront bien jusqu'à admettre avec vous que l'argent devrait être fait par le gouvernement. Mais quand on vient à parler de la distribution de l'argent nouveau, que vous proposent-ils ? — Des travaux publics et des allocations. Des dividendes, jamais.

Travaux publics, enrégimentation, numérotage, casernes — ça leur va.

Allocations, enquêtes de mérite, inspections, for­mules, supériorité du donateur et infériorité du ré­cipiendaire — ça leur va.

Dividendes — dividendes donnés parce qu'ils sont dus — à tous sans enquêtes, parce que tous y ont droit du fait de leur naissance — ça les scanda­lise et ça les brûle jusqu'à la mœlle.

Les créditistes sont des amants de la liberté et ont horreur de toute dictature. Ils continueront de réclamer, jusqu'à ce qu'il soit devenu le premier item du budget, le DIVIDENDE national à tous et à chacun des membres de la société.

Poster un commentaire

Vous êtes indentifier en tant qu'invité.