Crédit Social et doctrine catholique

Louis Even le mardi, 15 mai 1945. Dans Le Crédit Social enseigné par Louis Even

Il y a encore des politiciens qui, pour empêcher les créditistes de leur enlever des votes, disent et font écrire dans les journaux que le Crédit Social est du communisme, ou une marche vers le com­munisme, et que l'Église a interdit le Crédit So­cial.

C'est le mensonge électoral de politiciens habi­tués à mentir et faire mentir quand ça fait leur affaire.

Si le Crédit Social était interdit par l'Église, les créditistes de la province de Québec le sauraient depuis longtemps

Puis, si le Crédit Social était interdit par l'Église, les politiciens, genre Pouliot du Témis­couata, devraient se sentir la conscience bien chargée de n'avoir pas fait croisade contre cette doctrine pendant les dix années qu'elle a conquis des milliers et des milliers de citoyens bien catho­liques de la province de Québec.

Pourquoi M. Pouliot ne part-il en guerre con­tre le Crédit Social qu'en temps d'élection ? Est-ce bien le souci des âmes de ses concitoyens qui le prend tout d'un coup, ou n'est-ce pas plutôt la peur de perdre des votes le 11 juin prochain ?

M. Pouliot fait reproduire dans le journal Le Saint-Laurent un article publié dans Le Droit d'Ottawa en 1940. Pourquoi Le Droit avait-il essayé, lui aussi, de bloquer le Crédit Social pen­dant l'élection de 1940, et s'est-il tu une fois l'élection finie ?

Si c'était pour protéger des âmes, pourquoi in­terrompre la lutte puisque le Crédit Social a con­tinué de plus belle depuis ce temps-là ? Non, c'est simplement parce qu'il y avait un candidat cré­ditiste dans le comté de Hull à l'élection de 1940, et la consigne était de le faire battre.

De même, pourquoi M. Pouliot a-t-il attendu la présente élection pour faire paraître cet article dans le Saint-Laurent ? Pourquoi ? Parce qu'il y a un candidat créditiste dans le comté de Témis­couata.

Ces sursauts de religion offensée chez nos poli­ticiens de carrière ne se manifestent qu'en temps d'élection. C'est autre chose que la religion et le salut éternel de leurs frères qui leur brûle la peau.

Une étude sérieuse du Crédit Social

Jean-François Pouliot, et les autres ricaneurs de son espèce, n'ont jamais étudié le Crédit So­cial au point de vue de la doctrine catholique, pas plus d'ailleurs qu'au simple point de vue économi­que. Sa compétence s'applique ailleurs : faire de l'esprit pour atteindre ses fins personnelles.

Cependant, le Crédit Social a été examiné à la lumière des encycliques et de la doctrine catholi­que, surtout pour savoir si, oui ou non, il était entaché de socialisme ou de communisme. Il a été étudié à ce point de vue, et sérieusement, non pas par des chercheurs de vote, mais par des hommes intègres au service de la vérité :

1° Par le R. Père Lévesque, dominicain, qui publia sur ce sujet, en 1936, une petite brochure intitulée "Crédit Social et Ca­tholicisme".

Cette brochure n'est pas une succession de mots pour faire rire ou pour dénigrer, à la manière coutumière aux politiciens. Ce n'est pas non plus une simple déclaration sans explications. C'est un exposé fortement documenté et clairement argu­menté. L'auteur énumère l'un après l'autre les cinq caractères distinctifs du communisme ou du socialisme. Puis il passe en revue les propositions du Crédit Social et les textes de Douglas. Force est de reconnaître que le Crédit Social est l'anti­pode même du socialisme. Aussi le R. P. Lévesque termine-t-il sa brochure par cette phrase :

"Si vous ne voulez ni du socialisme ni du communisme, opposez-leur le Crédit Social. Il met entre vos mains une arme terrible contre ces ennemis."

Puis le Crédit Social a été examiné :

2° Par neuf théologiens, désignés par les Évêques de la province de Québec, en 1939, justement pour répondre à la ques­tion : Le Crédit Social est-il entaché de communisme ou de socialisme condamné par l'Église ?

Ces neuf théologiens étaient certainement mieux à même que des politiciens pour rendre le verdict à ce point de vue. Voici leurs noms :

R. P. Archambault, jésuite, président ;

Mgr Wilfrid LeBon, P.D. ;

Chanoine Cyrille Gagnon ;

Chanoine J.-Alfred Chamberland ;

L'abbé Philippe Perrier ;

L'abbé Arthur Deschênes ;

L'abbé Jean-Baptiste Desrosiers, sulpicien ;

L'abbé Charles-Orner Garant ;

R. P. Louis Chagnon, jésuite.

Et quel a été le verdict des théologiens ? Ont-ils trouvé le Crédit Social entaché de communisme ou de socialisme ?

À l'unanimité, ils ont répondu : NON ; le Crédit Social ne nous paraît pas entaché de communisme ou de socialisme défendu par l'Église.

Ils ont publié un rapport de leur étude, dans lequel ils placent les propositions du Crédit So­cial en regard des encycliques pontificales et en regard de l'enseignement de saint Thomas, avant de tirer la conclusion ci-dessus.

Ils ont même pris la peine, dans leur rapport, de réfuter quelques objections courantes contre le Crédit Social.

Ils ont aussi fait, en passant, cette remarque que Beaudry Leman ne put digérer : Sous le Cré­dit Social, "la monnaie et le crédit seraient peut-être moins qu'aujourd'hui dispensés selon le bon plaisir de ceux qui les contrôlent."

Se sont tenus sur leur terrain

Les neuf théologiens ne se sont pas prononcés au point de vue économique ni politique, parce que, disent-ils, ce n'est pas de leur ressort. Si Pouliot et ses pareils avaient eux aussi la sagesse, ou la simple décence, de rester dans le domaine de leur compétence propre, ils cesseraient ce sale jeu de vouloir dresser leurs concitoyens contre le Crédit Social au nom de la doctrine ca­tholique.

Sans doute que l'Église n'a pas approuvé le Crédit Social, pas plus qu'elle ne l'a désapprouvé, justement parce que

"l'Église n'a jamais, sur le terrain social et économique, présenté de système technique déterminé, ce qui d'ailleurs ne lui appartient pas." (Divini Redemptoris).

L'Église n'a jamais non plus approuvé ni dé­sapprouvé la manière de mettre l'argent au mon­de par les banques. Mais elle a fortement dénoncé la puissance antisociale qui place un pouvoir discrétionnaire entre les mains d'un petit nombre d'hommes sans conscience et sans souci du bien commun :

"Ce pouvoir est surtout considérable chez ceux qui, détenteurs et maîtres absolus de l'argent, gouvernent le crédit et le dispensent selon leur bon plaisir. Par là, ils distribuent le sang à l'organisme économique dont ils tiennent la vie entre leurs mains, si bien que, sans leur consentement, nul ne peut plus res­pirer." (Quadr. Anno).

Les neuf théologiens ont justement cité ce pas­sage de l'encyclique de Pie XI dans leur rapport. Ce n'est certainement pas un certificat de bonne conduite décerné au système d'argent en vogue chez nous.

Il n'y a pas là non plus de quoi blanchir le gouvernement, tantôt bleu, tantôt rouge, qui, humblement soumis aux maîtres de l'argent, lais­sait les Canadiens en pénitence, pendant dix an­nées, devant l'abondance de production canadien­ne. Que disait et que faisait Pouliot dans ce temps-là ?

"Vouloir changer cet état de choses n'est pas contraire à la doctrine de l'Église", écrivent les neufs théologiens.

Qu'est-ce que les ricaneurs de la politique ont fait, et que font-ils aujourd'hui, pour changer cet état de choses ?

Le jeu des politiciens

Le peuple est de plus en plus écœuré de ces charlatans politiques de carrière. Il leur sied mal, aujourd'hui, de s'élever, au nom de la religion, contre une doctrine qui, en dénonçant leurs maî­tres, stigmatise leur propre servilisme.

Il n'y a que la province de Québec — parce qu'elle est profondément religieuse sans doute — où les adversaires du Crédit Social mettent ainsi la religion en avant pour essayer d'enrayer la montée du Crédit Social. C'est une exploitation révoltante.

Dieu merci, la conscience des créditistes est pour le moins aussi tranquille que celle des pourris de la politique. Les créditistes de Nouvelle-France connaissent et pratiquent leur religion, au moins aussi bien que ces politiciens dérangés dans leur embourgeoisement par le mouvement du Crédit Social.

Les catholiques sont parfaitement libres d'adhé­rer ou de ne pas adhérer au Crédit Social. Et ils sont parfaitement libres de voter créditiste le 11 juin. Il n'y a aucun commandement, ni de Dieu ni de l'Église, qui les oblige de voter rouge, ou bleu, on indépendant, ou Pouliot.

Le passage suivant, de la brochure du R. P. Lévesque, écrit en 1936, ne semble pas avoir vieilli depuis :

"Quand certains journalistes, grassement payés par des partis politiques ou par des institutions financières, viendront vous présenter le Crédit Social comme un socialisme antichrétien, défiez­-vous de leur théologie. Elle est habituellement trop rudimentaire pour vous fournir des directi­ves sûres. Et dans le cas présent, elle ne saurait justifier raisonnablement son anathème. Surtout, elle est trop intéressée.

"Lorsque ces hommes-là se font théologiens, c'est ordinairement beaucoup moins pour défen­dre la vérité révélée que pour sauvegarder les petits intérêts qui ont été confiés à leur plume. À cette fin, ils sont capables d'exploiter tous les moyens, même les forces sacrées de la religion.

"Défiez-vous d'eux, même lorsqu'ils abordent le Crédit Social sous son aspect économique. Les politiciens régnants pressentent dans ce nouveau mouvement une force politique qui monte et les menace ; les banquiers y voient l'ennemi acharné de leur précieux monopole. Ne vous étonnez donc pas si leurs publicistes, d'un commun accord, en­treprennent de réfuter sa doctrine ou de la ridi­culiser : ce qui est beaucoup plus facile et de­mande moins d'intelligence."

Et voilà pour coiffer les Guy Bousquet, les Jean-François Pouliot et autres bouffons de la politique, petits ou gros, qui, bon gré mal gré, devront se résigner à voir diminuer le nombre de badauds en extase devant leurs singeries.

Louis EVEN

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