Chacun de vous est un capitaliste volé

Gilberte Côté-Mercier le mardi, 01 décembre 1998. Dans Crédit Social

Chaque citoyen du Canada a droit à un dividende social

Les dividendes industriels sont reconnus

Les dividendes sociaux ne sont pas encore reconnus par la loi

 

Vol du capital social et vol des dividendes sociaux

par Gilberte Côté-Mercier

Cet article de Mme Gilberte Côté-Mercier avait été publié dans le journal Vers Demain d'août 1968. C'est le même système financier qui nous contrôle en 1998.

Chaque citoyen du Canada a droit à un dividende social. Un droit non reconnu, mais réel. Un dividende social. Vous connaissez les dividendes privés sur vos capitaux placés. Ce sont des dividendes industriels ou autres. Dividendes privés sur des capitaux privés. Capitaux qui viennent de vous-mêmes, et dividendes qui vous reviennent à vous-mêmes en particulier.

Très bien pour les capitaux et les dividendes privés.

Mais, il y a un capital social, qui n'appartient à personne en particulier, et qui, une fois exploité, rapporte des fruits. Les ressources naturelles comme les chutes d'eau, les mines de la terre, et la science, et l'organisation sociale, on ne peut pas dire que ça appartient à quelqu'un en par- ticulier. C'est un capital social, qui appartient à tout le monde.

Une compagnie privée d'électricité, comme la Shawinigan Water & Power d'autrefois, pouvait exploiter les chutes de Shawinigan, pour en faire de l'électricité ; elle pouvait vendre cette électricité aux consommateurs, en faisant des profits. La Shawinigan avait le droit moral de se prendre des dividendes pour le capital privé qu'elle avait placé dans l'entreprise électrique. Et cette compagnie avait le droit de payer des dividendes à ses actionnaires sur le capital-argent placé.

Mais, dans les chutes d'eau, il y avait quelque chose qui n'appartenait pas à la Shawinigan Water & Power. Dans les chutes d'eau, il y a quelque chose que le bon Dieu y a mis, et qui est la propriété de tous et de chacun des citoyens de l'unité économique qu'est la province de Québec. On appelle cela une richesse naturelle, une ressource naturelle.

Les découvertes de la science

Et dans l'électricité sortie de la chute, il y a un quelque chose qui n'appartient à aucun capitaliste en particulier, mais à tous les citoyens. C'est la science qui permet de changer le pouvoir d'eau en pouvoir électrique. Et la science n'est la propriété de personne en particulier. Les découvertes de la science, accumulées de siècle en siècle, sont propriété de la société tout entière, et doivent rapporter des bénéfices à l'humanité tout entière, spécialement aux citoyens propriétaires du pays.

Les ressources naturelles, qui sont dans la chute d'eau, la science qui est dans l'électricité, sont un capital social. Capital social qui doit rapporter un dividende social, en plus des dividendes privés.

Pourquoi reconnaîtrait-on des droits au capital privé, et refuserait-on d'en reconnaître au capital social ?

C'est cela l'erreur du régime capitaliste où nous vivons. Les adeptes du dit capitalisme admettent des dividendes seulement pour les placements d'argent dans les entreprises. Pour eux, seul le capital-argent est considéré comme capital. Erreur que le capitalisme ainsi compris.

Le communisme, de son côté, ne reconnait au capital-argent aucun droit. Il voudrait que tout soit en commun dans les entreprises. Autre erreur que celle-là. Erreur opposée à la première.

Le Crédit Social se place entre les deux. Il reconnait au capital privé des droits aux fruits, aux dividendes ; et il reconnaît aussi au capital social des droits aux fruits, aux dividendes.

Ce qui est privé comme le travail, l'administration, les placements d'argent, dans l'entreprise, peut revendiquer salaires et dividendes. Mais, il ne faut pas oublier la partie "sociale" de l'entreprise, du capital de l'entreprise, le capital social comme le pouvoir d'eau, la science, etc. Ce capital a droit à sa part de dividendes, que l'on appellera dividende social pour distinguer des dividendes privés.

Et le dividende social revient à tout le monde, puisqu'il est le fruit d'un capital social. Le dividende social doit donc être distribué à tous les chacuns compris dans "tout le monde". Voilà ce que déclare la doctrine du Crédit Social.

Le Crédit Social affirme que chacun de vous est capitaliste. Vous êtes un capitaliste ayant droit à un dividende social. Non seulement un dividende sur les chutes d'eau exploitées, mais un dividende sur toutes les ressources naturelles exploitées dans le pays. Les mines de fer de l'Ungava devraient vous rapporter un dividende social, aussi.

Tout ce qui est exploité dans le pays doit rapporter un dividende industriel à ses actionnaires et un salaire à ses travailleurs, et en plus un dividende social à tous les citoyens du pays. Sans cela, les citoyens du pays sont volés, volés de leur dividende social.

Qui a mis le fer de l'Ungava, dans la terre ? Le bon Dieu. Pour qui le bon Dieu a-t-il mis le fer dans la terre ? Pour les propriétaires de la province de Québec. Qui sont les propriétaires de la province de Québec ? Les habitants, les citoyens de la province de Québec. Une compagnie exploite ce fer. Très bien, mais le fer lui-même, exploité, doit servir à l'enrichissement réel de la province. Il ne doit pas sortir de la province, à moins que des richesses correspondantes en valeur réelle rentrent du même coup dans la province. Et les profits en argent réalisés dans l'exploitation de fer doivent être en partie distribués comme une rente aux propriétaires citoyens de la province.

Est-ce la compagnie exploiteuse qui va payer ces dividendes aux propriétairess citoyens ? Pas du tout. C'est la société tout entière qui va émettre des dividendes basés sur les richesses nouvelles qui sortent de la mine de fer ; dividendes issus d'une nouvelle émission d'argent neuf basé sur des richesses neuves.

Les dividendes seront distribués à tous les citoyens également puisqu'ils sont tous également citoyens, tous également propriétaires des richesses naturelles.

C'est cela le dividende du Crédit Social. Un dividende social basé sur un capital social. Dividende émis à mesure que ce capital social apporte des richesses nouvelles à la société.

Citoyens du Québec, avez-vous reçu vos dividendes sociaux sur les mines de fer de l'Ungava ? Non ? Moi non plus. Personne n'a reçu de dividendes sur les mines de l'Ungava, sauf ceux qui ont placé des capitaux-argent. Notre capital à nous ne nous a rien rapporté.

Loin de nous rapporter quelque chose, notre capital social nous est soustrait complètement par le gouvernement qui donne gratuitement nos mines de l'Ungava aux capitalistes. Le gouvernement donne notre fer, en émettant le permis de l'exploiter. Notre gouvernement donne notre fer, au sens complet du mot, car ce fer ne servira pas à enrichir la province, puisqu'il est exporté aux États-Unis. Et deuxièmement, les profits réalisés par la vente du fer ne seront même pas partagés par les propriétaires-citoyens du fer ressource naturelle.

On vous prend votre capital social, le fer, pour l'emporter en d'autres pays. Et ensuite, on ne vous paye pas un sou de dédommagement. Double vol : vol du capital social, et vol des dividendes sociaux.

Voilà une sorte de banditisme reconnu par la loi, sollicité même par nos ministres en quête de capitaux étrangers dans l'exploitation de nos ressources naturelles. Sottise insondable d'abord. Et puis, complicité infâme avec les voleurs, contre le peuple.

Ne voyez-vous pas, chers compatriotes, que vous êtes dépouillés par les financiers américains, français et internationaux ? Tous vos biens vous sont enlevés les uns après les autres, par le jeu de la Haute Finance et la connivence imbécile et criminelle de nos gouvernements.

Gilberte Côté-Mercier

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