Assez longtemps bernés

le vendredi, 01 novembre 1946. Dans La vie créditiste

Pourquoi le peuple a-t-il toujours des choses qu'il n'a jamais demandées, et pourquoi n'a-t-il jamais les choses qu'il désire depuis longtemps ?

Qui est-ce qui a demandé :

Une première guerre de quatre ans ;

Une crise stupide de dix années ;

Une autre guerre de six années ;

Des dettes toujours plus grosses ;

Des taxes toujours plus lourdes ;

Des assurances obligatoires ;

Un régime de permis obligatoires ;

Des formules obligatoires à remplir ;

Des enveloppes de paye diminuées ;

Des bureaucrates à tous les coins ;

Un système de mouchardage ;

Le rationnement en plein temps de paix ; 

Des magasins vides dès qu'on cesse de se battre ;

Des allocations mesquines et hypocrites, pri­ses dans nos poches pour mettre dans nos mains en nous encarcanant de conditions ;

Des milliers de lois et de règlements pour nous embêter à tous les pas ;

Des privations à l'année, dans un pays qui produit tellement de choses qu'on ne sait pas où les mettre ?

Qui a demandé cela ?

— Personne, personne. Et pourtant, c'est cela qu'on a. Et de tout ce temps-là, on n'a même pas une petite loi pour assurer à chacun le strict nécessaire dans un pays qui re­gorge ou peut regorger d'abondance. Pourquoi ?

Pourquoi ? — Parce que le peuple ne s'est pas occupé de ses affaires. Parce qu'on a fait consister la politique à se chamailler entre partis. Parce qu'en temps d'élections, on est tout feu pour voter et faire voter pour quelqu'un ; et l'on ne pense pas à se demander pour quelles choses on vote. Parce qu'entre les élections, les électeurs dorment, les financiers sont éveillés, et les politiciens entendent ceux qui sont éveillés et oublient ceux qui dor­ment.

*    *

Les politiciens de partis viennent tenir compa­gnie au peuple seulement en temps d'élection. Après cela, ils laissent le peuple dans le trou ou dans la mare, et eux se pavanent.

Qu'il s'agisse d'une élection générale ou d'une élection complémentaire, vous pouvez faire les mêmes remarques :

Où étaient ces candidats-là avant l'élection ? Où seront-ils une fois l'élection finie ? On ne les voyait pas la veille ; on ne les verra plus le lende­main. Ils sortent de leur tranquillité seulement lorsqu'il y a des votes à gagner pour eux-mêmes.

De ce côté-là, les nouveaux partis, qui ont passé comme des comètes dans le firmament politique depuis quelques années, ressemblent fort aux an­ciens. Ils s'agitent beaucoup à l'approche d'une élection, mais on ne les voit guère lorsqu'il n'est plus question d'élections.

Aussi les électeurs sont-ils devenus de plus en plus sceptiques, de plus en plus apathiques aussi, et comme fatalement résignés à leur sort. Le tiers d'entre eux ne se dérange même plus pour voter.

Du véritablement nouveau

Mais voici qu'une formule politique tout à fait nouvelle a enfin paru. Voici que les électeurs, re­nonçant à attendre des sauveurs en mal d'élection, ont décidé de voir eux-mêmes à leurs affaires.

Voici que ces électeurs, éclairés par le journal Vers Demain, ont appris à remplacer la division en partis par l'union pour des fins communes. Puis ils entendent bien être sur pied entre les élections comme en temps d'élection.

Et l'on voit enfin surgir des hommes qui vont aux électeurs en tout temps ; des hommes qui ne rencontrent pas les électeurs uniquement pour solliciter leurs votes, mais qui les rencontrent pour connaître la volonté commune des électeurs et s'en faire les mandataires ; des hommes dont le pro­gramme politique est de recevoir le programme des électeurs eux-mêmes

Les politiciens de carrière devront ou changer de manière ou céder leur place à ces hommes nou­veaux. C'est la leçon de Pontiac. Pour les politi­ciens, Pontiac est une inscription sur le mur ; pour les électeurs avisés, c'est un lever de soleil.

*    *    *

Tout un peuple s'éveille et se met debout, pour se libérer de la dictature de l'argent, de la corrup­tion politique, et pour redevenir maître chez lui.

Le Canada aux Canadiens — par les Canadiens à qui il reste du cœur dans la poitrine et du sang rouge dans les veines !

Les colons et les mineurs de l'Abitibi, les fon­dateurs ou les fils immédiats des fondateurs du Témiscamingue, la masse des électeurs de Pontiac. a démontré à la face du pays que les vertus des pionniers ne sont pas complètement disparues.

Si ceux qui firent le Canada surent braver la forêt, les ennemis qu'elle embusquait et mille obs­tacles dressés en travers de leur noble et audaci­euse entreprise, leurs descendants sont capables aussi de braver et vaincre les voleurs de leur pays et les machines politiques les mieux graissées par les exploiteurs du peuple.    

La place des patriotes, des vrais (pas des dis­coureurs seulement), c'est dans l'Union des Électeurs. On n'y fait pas d'argent, mais on y fait des hommes. On se renseigne, on s'organise, on marche à l'assaut, et on remporte la victoire.

Écrivez à votre député

Si vous n'êtes pas, satisfait de payer le lait 15 sous la pinte, ne blâmez pas le cultivateur ; il encaisse à peine assez pour l'empêcher de faire banqueroute avec ses vaches. La hausse de prix vient de l'abandon de la prime et de la subvention par le gouvernement. Prenez-vous-en donc au gouvernement. Et puisque c'est le gouvernement provincial qui est maintenant responsable de la question, écrivez à votre député provincial, pour qu'il demande au gouvernement de Québec l'établissement d'une prime d'au moins 3 sous par pinte de lait. Vous pouvez vous servir de la formule ci-dessous ; découpez-la ; signez et faites si­gner les membres de votre famille et vos voisins qui se plaignent de payer le lait trop cher. S'il n'y a pas assez de lignes pour signer, joignez-y des feuilles blanches que vous ferez couvrir de signatures. En­voyez le tout à votre député provincial.

À NOTRE DÉPUTÉ PROVINCIAL

Monsieur le Député,

Nous, les soussignés, vos électeurs, sommes bien en faveur de voir les cultivateurs obtenir pour leur lait le prix auquel ils ont droit. Mais nous croyons aussi que, puisque le gouvernement a pu venir en aide au consommateur pendant la guerre, alors que l'argent était plus abondant, cette aide devrait continuer, maintenant que les revenus individuels sont moins stables et que la vie est devenue plus chère. Nous demandons que le gouvernement provincial, qui a recouvré son autonomie dans le domaine des prix du lait, octroie en faveur des consommateurs de la province une prime d'au moins 3 sous par pinte de lait. Veuillez donc faire auprès du gouvernement de Québec les démarches voulues pour obtenir l'établissement de cette prime.

(Signé)......................................

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Et le consommateur de lait ?

M. Duplessis a fait étudier la question du prix du lait par une commission de cinq ministres. Plusieurs jours de rencontre avec des représen­tants des producteurs et des représentants des distributeurs. Puis décisions.

Avec la suppression des primes et des subven­tions, la mère de famille paie le lait à sa porte 15 sous la pinte, ce qui fait $6.00 les cent livres.

Sur ces $6.00, le producteur de lait recevait $3.35 et le distributeur $2.45.

À partir du 15 octobre, le producteur touchera $3.45 (10 sous de plus) et le distributeur $2.35 (10 sous de moins qu'auparavant).

Mais le consommateur, lui ?

Le consommateur continuera de payer $6.00 les 100 livres, 15 sous la pinte. Il n'a pas été question de lui dans le conseil des cinq ministres. Il n'a été question que du producteur et du distributeur.

Le consommateur ne compte pas pour le gouver­nement, sauf comme sujet à taxer.

Personne ne conteste au producteur le droit de toucher $3.45 les 100 livres ; c'est moins que ce qu'il réclamait et moins que ce qu'il mérite.

Mais que fait-on du consommateur, au budget déjà serré, qui devra dépenser une soixantaine de piastres de plus par année pour son lait, à moins de diminuer sa consommation de lait, ce qui n'a­vantagerait ni les recettes du producteur, ni la santé de la population ?

Les ministres ont vu à la source du lait, qui ne fait pas défaut ; mais ils n'ont pas vu à la source du pouvoir d'achat, qui seul fait défaut.

La finance, le système financier, c'est le saint des saints où le gouvernement refuse toujours de mettre le pied. Quand il va à la porte du sanctu­aire de l'argent, c'est toujours le chapeau bas, pour quêter et signer des dettes. Il réserve sa har­diesse pour piller les poches des contribuables.

En face du problème non résolu, certains jour­naux bien intentionnés suggèrent la coopérative. La coopération est une magnifique chose. Mais la formule qui consiste à se passer des services d'ex­perts en distribution est une manière discutable de bénéficier du progrès. Autant conseiller de se passer de médecins pour que le soin de la santé coûte moins cher ; ou de marcher à pied pour épar­gner le prix des billets de transport.

Ne serait-il pas temps de songer à une coopéra­tive pour forcer le gouvernement à mettre la fi­nance au pas des réalités ?

Nous renvoyons nos lecteurs à l'article publié en page 5 du dernier numéro (15 octobre), où nous expliquions que le problème du lait est un problème de finance, et c'est sur le terrain de la finance qu'il faut le régler.

Du vol à la servitude

Que diriez-vous d'un bandit qui vous attaque­rait, vous enlèverait votre propriété, votre argent, vos outils de travail ; et qui, après cela, vous ferait mettre en prison parce que vous vagabondez sans moyen de subsistance ?

Double bandit, n'est-ce pas ?

Eh bien, c'est exactement ce que les financiers modernes font au peuple. Après l'avoir pillé, ils le jettent sous les contrôles d'État, parce qu'il est trop pauvre pour faire son chemin tout seul.

On crée des conditions de chômage et de guerre, et l'on fait valoir ces conditions pour imposer des contrôles.

Une fois les contrôles installés, si le peuple se plaint, on lui réplique : Si les contrôles disparais­sent, vous allez vous faire plumer.

C'est ce qui faisait écrire au grand écrivain ca­tholique anglais, G. K. Chesterton, dès 1917 : "Le fait saillant du nouveau développement de la ploutocratie (puissance de l'argent), c'est qu'elle se sert de ses propres fautes comme excuse pour commettre de nouveaux crimes. Partout, le degré extrême d'appauvrissement devient la raison don­née pour l'asservissement — bien que les hommes qui appauvrissent soient les mêmes qui asservis­sent.

"C'est comme si un voleur de grands chemins, après avoir pris à un passant son cheval et son argent, le livrait à la police comme vagabond sans moyens de subsistance." (Utopia of Usurers.)

On ne pouvait mieux résumer ce qui se passe. 

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