Le plan Beveridge arrrête l'attention en Angleterre. Nous en avons parlé et nous en reparlerons.
Mais il est aussi sorti, récemment, dans ce pays, un document de 16 pages, couché sur papier épais et de bonne qualité, malgré le rationnement strict qui prévaut en Angleterre. La lettre hebdomadaire de Hargrave, No. 246, donne quelques détails sur ce document qui prétend donner une orientation à l'industrie d'après-guerre.
Le titre : "A National Policy for Industry". Il est signé par 120 grands capitaines d'industrie.
Le contenu : une introduction, un tableau général de la situation, puis les propositions touchant les sujets ordinaires : Obligations sociales de l'industrie ; Unions ouvrières ; Conseils d'usines ; Devoirs envers les employés ; Chances au talent ; Salaires à base minimum ; Chômage ; Assurance-maladie nationale ; Vacances payées ; Heures de travail ; Allocations familiales ; etc., etc.
Autant de choses mille fois répétées dans tous les pays et sur tous les tons.
M. Hargrave relève deux phrases significatives dans ce document parfaitement inutile. La première parait dans l'introduction :
"Les signataires ne se proposent pas de toucher la question très importante d'une politique monétaire, ni celle du change international. Quoique toutes deux soient d'une importance cardinale, elles ne tombent pas dans le champ des matières discutées ici."
D'importance cardinale ; mais on n'en parle pas.
On ne songe pas à les régler. On préfère régenter les hommes dans les limites du système financier, tel qu'on l'a.
La deuxième phrase se trouve à la page suivante, sous le titre "General Survey" :
"En vérité, les progrès réalisés dans l'industrie suffiraient, en eux-mêmes, à une augmentation encore plus grande de la richesse nationale, si ce n'étaient les difficultés qui s'élèvent dans le champ du change et de la distribution."
Ces 120 capitaines de l'industrie comprennent donc très bien les immenses possibilités productives de l'industrie moderne. Ils constatent non moins clairement que les difficultés résident à peu près exclusivement dans le domaine de la monnaie et du change. Mais ils s'occupent de tout, excepté du domaine de la monnaie et du change.
Pourquoi écrivent-ils ? Pourquoi publient-ils ce document dispendieux ? Pour faire chercher les solutions ailleurs que dans le domaine où sont situés les problèmes ?
Est-ce afin de protéger les inviolables qu'on entretient le public avec cette bouillie pour les chats ?
Cela se passe en Angleterre : ne trouve-t-on pas la même chose au Canada ? Si l'on excepte les créditistes, ne préconise-t-on pas toutes les réformes, depuis celle du cœur humain jusqu'à la récupération des vidanges, mais sans jamais toucher aux privilèges sacrés des faiseurs et destructeurs d'argent ?