Le socialisme

Louis Even le dimanche, 23 janvier 1966. Dans Economie

Le socialisme impose ses décisions sur les familles

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Quel est le but du travail ? Créer des biens utiles qui doit être mesuré d'après l'effet humaine que cette production est destinée à servir

Chers amis,

Louis EvenJe vais vous dire un mot du socialisme, ou plutôt de la tendance au socialisme qui se manifeste partout.

Au fond, le socialisme, c'est de la centralisation. C'est L'État prenant la place des personnes, des familles, des groupements inférieurs pour imposer des décisions. Cette centralisation se manifeste d'abord dans le système politique mais de plus en plus aujourd'hui dans le système politique, dans le système économique.

Que remarque-t-on, en effet ? On remarque partout la disparition ou l'affaiblissement, la minimisation des petites entreprises, des entreprises artisanales et de plus en plus de grosses industries. On voit s'engouffrer chaque matin, au commencement de chaque chiffre, des centaines de milliers d'ouvrier par la même porte. Que vont-ils faire ? Recevoir des ordres et les exécuter. D'où viennent ces ordres ? Ils leurs sont transmis évidemment par les contre-maîtres. Qui prend les décisions ? Pas l'ouvrier, certainement. Ces décisions sont prises loin de lui. Pour quelles choses travaille-t-il ? Quel est le but de l'ouvrage qu'il fait ? On dirait certainement que le but de son emploi c'est d'obtenir de l'argent pour vivre. Mais quel est le but de l'ouvrage qu'il exécute ? Il ne s'en inquiète pas; il n'a rien à y voir. S'il veut s'en mêler, on lui dit de se taire ou bien de s'en aller.

Est-ce que c'est cela, prendre des décisions pour soi-même ? Non. Ce n'est pas non plus le moyen de faire un bon travail et d'avoir l'épanouissement de l'individu.

Quel est le but du travail ? La lettre collective des Évêques et Archevêques du Québec l'a rappelé: " L'homme travaille pour produire des biens utiles pour créer une vraie richesse qui doit être mesurée autant d'après les fins humaines que les destinées à servir. D'après les fins humaines que cette production est destinée à servir. " Un peu plus loin, ils disent: " Par le travail, l'homme domine la matière, humanise la terre. Il continue en quelque sorte l'œuvre de la Création en transformant, en rendant utilisable les biens qui furent mis à son usage par Dieu afin qu'il s'en serve pour atteindre sa propre fin "

Je voudrais bien savoir si tout cela s'applique à la plus grande partie du travail qui est exécutée par nos gens d'aujourd'hui, un travail qui est fait par la grande industrie. Est-ce qu'on peut dire cela, par exemple, de la fabrication de bombes nucléaires ou d'autres engins meurtriers ? Est-ce que c'est continuer la Création de Dieu pour mettre les biens qui se crée à la disposition des hommes; afin qu'ils puissent mieux poursuivre leur fin dernière ? Non. Évidemment. La centralisation a tout défait cela. La même chose pour ce qui est du développement de la personne, de l'ouvrier.

La même lettre dit: " L'homme doit pouvoir trouver dans son travail un moyen de développer et de faire s'épanouir sa personnalité humaine en disciplinant ces facultés intellectuelles et morales. "

Aujourd'hui, l'ouvrier dans la grande industrie, développe-t-il sa personnalité ? Il est robotisé. Je le disais tout à l'heure. Il ne prend pas de décisions; il n'a pas le droit d'en prendre. Il n'a pas le droit de demander à quoi va servir ce qu'il fait. Il y a pas seulement séparation entre l'ouvrier et le patron, il y a séparation entre l'ouvrier et le but de l'ouvrage qu'il exécute. Il n'est rien qu'une machine humaine, accroché souvent à des machines d'acier. Et c'est ordinairement la machine d'acier qui décide du mouvement de la machine humaine.

Les Évêques disaient: " L'agriculteur et l'artisan peuvent aisément faire rendre à leur travail toute cette possibilité de perfectionnement humain et de mérites surnaturelles. Oui, l'artisan et l'agriculteur. Mais, " ajoute-t-ils, " il n'en est pas de même pour l'ouvrier industriel et la plupart des salariés car elle est encore vrai dans un trop grand nombre de cas. "

Cette parole de Pie XI : " La matière sort ennobli de l'atelier tandis que l'homme s'y corrompt et s'y dégrade." C'est cela dans l'industrie, c'est cela dans l'économique: l'ouvrier éloigné de l'endroit où se prennent les décisions. Il n'est qu'un exécutant aveugle et on est en train de transporter la même chose dans la politique. Vouloir faire prendre des décisions par l'État par des bureaucrates à la place des personnes, bien loin des personnes et pour les personnes des choses qui devraient être décidées par les personnes elles-mêmes. Loin de la famille et pour la famille des décisions qui devraient être prises par la famille elle-même.

Et quelles raisons donnent-on pour cela ? La même raison qu'on a donnée pour remplacer les petites industries par les grosses industries: les petites industries ne sont pas capables de lutter financièrement comme les grosses industries. J'insiste sur le mot - financièrement -. Les petites industries, en effet, n'ont pas accès au crédit auprès des contrôleurs du crédit comme l'ont les grosses industries.

Et dans la politique, c'est la même chose. C'est la même raison qu'on donne pour la centralisation par exemple des écoles. Les petites écoles ne sont pas capables de rencontrer leurs obligations financières; les commissions scolaires ne peuvent pas les rencontrer, alors il faut les centraliser; centraliser les écoles, centraliser les municipalités, parce qu'elles ne rencontrent pas leur obligations financières.

Puis il y a cette question là, question de finance, et au lieu de regarder de ce côté là, du côté de la centralisation financière qui entraîne toutes les autres centralisations, l'État regarde vers l'impossibilité financière d'en bas et elle dit: hé bien, on va centraliser les décisions et centraliser le tout et on va tâcher d'avoir la finance au service de l'État si on ne peut pas l'avoir au service des familles.

Et bien cela, c'est de travers. Et avec cela, on va certainement vers le Socialisme.

Il y a bien longtemps que le Crédit Social propose le moyen de remettre à la disposition de la population, des membres, des familles et des personnes qui composent la population, de remettre à leur disposition une chose qui leur appartient de droit: le crédit de la société.

Le crédit de la société n'appartient pas aux comptables qui l'écrivent. Il appartient à la société elle même. C'est grâce à la vie en société, à la division du travail, aux échanges et tout cela, que la production peut être abondante. Et le crédit devrait appartenir, de fait, à la société à laquelle il appartient de droit, appartenir, par conséquent, à la population et à toutes les personnes qui sont dans la population. Et alors elles pourraient voir elles-même à leurs affaires.

Ce n'est pas par manque de compétence qu'on centralise. Pas par manque de compétence des ouvriers, pas par manque de compétence des institutrices, par par manque de compétence des administrateurs locaux, par par manque de compétence dans les familles. Non. La compétence est la même avant qu'on centralise à cause de la finance. C'est la finance qui n'est pas au service des personnes et des familles.

Les États, les gouvernements ont boudé jusqu'à présent le Crédit Social. Les syndicats ouvriers l'ont boudé. Aussi que voit-on dans les syndicats ouvriers comme dans les gouvernements, comme dans la grande industrie ? Attendant de plus en plus poussés vers la centralisation, vers le socialisme. Ne voit-on pas les chefs de syndicats aujourd'hui s'embarquer comme Officiels dans le Parti socialiste du Canada qu'ils appellent le Nouveau Partie Démocratique ? Ils vont être Présidents de la CPCC, d'autres de la Confédération Catholique des travailleurs et ils vont devenir Officiers dans le Nouveau Partie Démocratique, comme par exemple Monsieur Picard.

Et bien si les cadres syndicalistes doivent devenir une pépinière pour les cadres socialistes, il y a quelque chose qui ne va pas. Et ça ne va pas justement pourquoi ? Parce qu'on s'est laissé prendre dans cette affaire, repousser le Crédit Social, accepter la situation financière comme elle est et puis il y a eu centralisation financière qui pousse vers la centralisation des décisions, être ceux qui vont prendre des décisions. Devenir ceux qui vont être les Officiers dans un régime socialiste.

Mes amis, ce n'est pas comme cela qu'on va arriver à libérer les personnes, à leur épanouissement, à l'épanouissement des familles, à l'épanouissement des ouvriers, à l'épanouissement de la personne humaine. Non. On s'en va de plus en plus vers l'appauvrissement de la personne humaine.

Il y en a qui ont voulu nous dire que le pape Jean XXIII, dans son encyclique Mater et Magistra, a approuvé le socialisme. Le pape Jean XXIII n'a pas du tout approuvé le socialisme. Quand il parle de la personne qui est de plus en plus prise dans des organisations, dans des programmes, des projets modernes, dans les communications, il a voulu dire que la personne doit pouvoir s'enrichir dans ces associations là et non pas être étouffées par elles. C'est exactement le contraire. Aussi bien dire qu'il faut se garder de ces dangers là. On a traduit son mot par socialisation. On a eu soin de mettre entre guillemets mais il y en a qui ne voient pas les guillemets et pensent que les associations, c'est le socialisme des personnes. C'est faux.

L'encyclique du pape veut nous montrer concrètement ce qu'on devrait faire pour accomplir le but qui a été exprimé par son prédécesseur, par Pie XII, dans son fameux radio-message de juin 1941, à la Pentecôte: " Les biens de la terre ont été créés pour tous les hommes et doivent être à la disposition de tous et c'est le devoir des gouvernements d'établir les formes juridiques pour que cette destination universelle des biens soit réalisée. "

Ce serait cela de la haute politique, de voir la distribution des biens qui sont produits de façon à ce que tout le monde y ait accès au lieu de laisser des gens privés par des conditions financières et de vouloir, à cause de cela, dominer les gens, dominer les personnes, dominer les familles, en faire simplement de simples numéros, de simples robots dans l'économie, de simples serviteurs, de simples esclaves dans la politique.

Louis Even