

L’article suivant a été écrit par Louis Even en 1941,
et demeure actuel plus que jamais aujourd’hui:
Autrefois
Le but des activités économiques des hommes a
toujours été de produire, pour l’utilisation, les biens
nécessaires à l’entretien et à l’embellissement de la vie.
L’homme, différent en cela de l’ani-
mal, s’est constamment efforcé de pro-
duire le plus possible avec le moins
d’efforts possible. Il a plus que ses mus-
cles pour le servir.
Cependant, au cours des siècles, des
disettes, des famines ont affligé l’huma-
nité. Les communications, les moyens
de transport étaient limités. Des régions
pouvaient souffrir de la sécheresse et
rester incapables de se procurer les sur-
plus d’autres régions plus favorisées.
Puis, c’est relativement hier seulement
que l’homme a découvert les secrets
de la transformation de l’énergie. Avant
l’invention de la machine à vapeur, il
n’avait guère pour le servir, en dehors de
ses propres forces, que l’animal domes-
tiqué, le moulin à vent et la roue hydraulique.
Les problèmes de ces siècles étaient des problè-
mes de production. Rareté de produits. Rareté réelle,
pauvreté réelle.
Aujourd’hui
Qui, aujourd’hui, osera soutenir que la production
mondiale n’est pas suffisante pour nourrir, habiller et
loger l’humanité?
Le monde est entré dans une ère d’abondance.
Abondance réalisée ou abondance immédiatement
possible. Surplus de main-d’oeuvre pour la produc-
tion des biens réclamés pour l’entretien de la vie tem-
porelle.
Si l’abondance ne règne pas dans les maisons,
c’est qu’on la détruit volontairement, c’est qu’on l’en-
chaîne, c’est qu’on tient des multitudes dans le chô-
mage, c’est qu’on entrave le cours de la production,
qu’on la torpille en temps de paix comme en temps
de guerre.
Parmi les nombreuses leçons de la guerre, il y a la
manifestation de l’immense abondance possible dans
tous les pays de l’univers. Avec des armées sur pied
pour détruire, avec la fleur de l’humanité et l’outillage
le plus perfectionné soustraits à la production de cho-
ses utiles, on ne constate pas encore la disette; il faut
même payer des gens pour cesser de produire.
Demain: économie d’abondance
Que fait-on, de nos jours, lorsqu’il n’y a pas de
guerre et que toute la production moderne s’étale
devant les consommateurs? On ne mobilise plus, on
immobilise et on prêche la privation.
La vieille mentalité de la rareté est demeurée dans
les esprits. En face de l’abondance, de
la richesse réelle, les contrôleurs de
l’argent ont maintenu la rareté d’ar-
gent. Et l’humanité, s’arrêtant devant le
signe, n’a pas touché à sa richesse.
Ceux qui se considéraient des
lumières pour guider la foule ont crié
à la foule d’épargner. Épargner quoi ?
Le pain? Mais il y a trop de blé ! Les
vêtements, les chaussures ? Mais les
fabricants de ces choses chôment par-
ce qu’on ne prend pas leurs produits !
Le charbon ! Mais les mineurs ne tra-
vaillent que deux ou trois jours par
semaine !
Non. Épargner le signe, l’argent.
C’est accepter la rareté d’argent com-
me une chose nécessaire. C’est s’incli-
ner stupidement devant les décrets d’affameurs bar-
bares. Et notre élite est coupable de cette ignorance
ou de cette lâcheté-là.
Les faits modernes appellent une économie
d’abondance.
Le problème de production et de transport sont
devenus secondaires en face du problème de la dis-
tribution.
Distribution. Pas avec l’idée de répartition et de
rationnement qui conviendrait à un univers de rareté.
Mais accès facile aux greniers débordants. Il y en a
plus qu’il en faut pour tout le monde. Pourquoi s’attar-
der aux vieilles luttes socialistes qui cherchent à enle-
ver à un homme ce qu’il a pour en passer au voisin?
Vous pouvez laisser au millionnaire son million et
donner un revenu au gueux. Est-ce que le fait pour le
gueux de manger à sa faim enlèvera quelque chose à
la table du millionnaire ! Le seul effet sera d’empêcher
du pain de moisir, des fruits de pourrir.
Sans sortir d’un pays que nous connaissons bien,
que manque-t-il au Canada pour que chaque famille
soit convenablement nourrie, habillée, logée, soi-
gnée? Qui osera dire que si chaque famille a le droit
de se procurer le nécessaire, il n’en restera pas assez
pour remplir autant qu’aujourd’hui le ventre du riche,
pour garnir et chauffer la maison du riche aussi bien
Économie nouvelle, économie d’abondance
Le pain quotidien à tous et à chacun
Louis Even
VERS DEMAIN janvier-février 2017
www.versdemain.org23