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Prier pour le respect de la vie

le mercredi, 01 mai 2013. Dans Euthanasie, Québec

Accompagner le vivant, et non pas le supprimer

Monseigneur Christian Lépine, Archevêque de MontréalLe site internet de l’archidiocèse de Montréal (www.diocesemontreal.org) rapporte que Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal,  désire dorénavant célébrer chaque année une «Messe pour la vie» le premier vendredi du mois de mai. Pourquoi avoir choisi cette date? Est-ce en raison de la convergence en mai 2013 d’actions publiques à l’échelle nationale pour affirmer la volonté du respect de la vie, de la conception jusqu’à sa fin naturelle? Des actions comme la Marche pour la vie à Ottawa le jeudi 9 mai, ou encore la Marche printanière à Québec le samedi 18 mai (pour dénoncer le projet de loi autorisant l’euthanasie ou «l’aide à mourir» au Québec. En passant, Mgr Lépine s’est joint aux deux Marches.)

«C’est vrai que ça tombe bien!», s’est exclamé Mgr Lépine en souriant. «Mais c’est surtout que, traditionnellement, le premier vendredi du mois est consacré plus spécialement à la mémoire de la Passion de Jésus-Christ, ce qui nous permet d’aborder les questions de la vie à travers la lentille de la Passion. »

Ce thème du Christ en croix prédominait dans l’homélie de Mgr Lépine en cette messe du 3 mai 2013, une homélie claire, limpide, illuminante. Il a abordé sans ambages les enjeux de la fin de la vie, une question très présente ces temps-ci dans l’actualité. Il a également jeté un éclairage sur la contribution unique et essentielle que les mourants apportent à la société, de même que l’importance d’accompagner la vie d’une personne mourante. Accompagner la vie, non pas la mort. Voici la retranscription de cette homélie:

Toute question sur la vie est une question délicate, parce qu’il y a des drames humains, parce qu’il y a des souffrances, parce qu’il y a la douleur, mais, en même temps, ces douleurs et ces souffrances sont les douleurs et les souffrances d’un être humain... Aujourd’hui, je voudrais avec vous méditer et réfléchir sur la question de la fin de la vie, lorsqu’avec la maladie, la douleur et la souffrance qui vient avec la maladie, la fin de la vie, la mort, se profile à l’horizon. Comment accompagner cette vie qui tire à sa fin, comment accompagner un mourant?

C’est une question qui, comme vous le savez, est très débattue depuis un an ou deux, avec une commission qui s’est promenée au Québec tout récemment, avec des projets qui peuvent être envisagés pour la société... Beaucoup de choses ont été dites; je voudrais attirer votre attention sur trois points.

1. Contempler Jésus-Christ crucifié;

2. Nous avons besoin des mourants;

3. Accompagner les vivants.

Contempler Jésus-Christ crucifié

Jésus-Christ va dire, dans l’Évangile de Jean (10, 8): «Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne.» Extérieurement, ce n’est pas ça qui arrive: on prend sa vie, on le frappe, on le flagelle, on le couronne d’épines, on le crucifie; extérieurement on veut sa mort. On lui transperce le cœur pour s’assurer qu’il est mort.

Mais pourtant Jésus, de façon assez étonnante, va dire: «Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne.» Il a tellement dit oui» à faire de sa vie un don, que de sa mort même, il en fait un don à son Père pour nous. Il a tellement fait de sa vie un don que sa souffrance même, il en fait un don, un don à son Père pour nous.

Si quelqu’un à Gethsémani s’était approché de lui et lui avait dit: «Écoute, jusqu’ici tu as bien vécu, tu as donné un beau message; maintenant, ce qui est devant toi, c’est seulement la souffrance et la mort. Si tu veux, on va t’aider et on va t’injecter un poison de sorte que tu vas mourir tout de suite, sans douleur, tu n’auras pas à vivre la Passion, l’agonie, la mort sur la croix.» Est-ce que ça aurait été un service qu’on lui aurait rendu? Quelle perte c’aurait été pour l’humanité!

Sur le plan de la vie humaine, lorsqu’on parle de la vie de quelqu’un, en général, on va parler de sa vie le plus pour nous... c’est plus important que toutes les paroles qu’il a dites avant, que tous les miracles qu’il a faits. Parce qu’il s’est donné jusqu’au bout, parce qu’il a aimé jusqu’à l’extrême de l’amour.

Dans ce sens-là, certainement que pour nous, chrétiens, si vous voulons contribuer à cette discussion dans la société, nous ne pouvons faire autrement que de partir de Jésus-Christ crucifié. D’autant plus que le Crucifié est ressuscité, témoignant ainsi que la mort n’est pas le dernier mot de la vie, le dernier mot de l’amour, ouvrant ainsi un chemin vers l’espérance. Tellement qu’encore une fois, dans l’Évangile de saint Jean, on ne dira pas «à l’heure où Jésus mourait», mais «à l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père».

C’est une lumière sur la vie et sur l’amour que seul Jésus-Christ peut nous apporter. C’est d’abord dans la foi que nous accueillons cette lumière. Mais en même temps c’est une lumière dont tout être humain a besoin, et c’est pour cela qu’il ne s’agit pas de garder cette lumière pour nous, parce que nous croyons en Jésus-Christ et que d’autres seraient peut-être plus éloignés de cette foi en Jésus-Christ; c’est une lumière que nous sommes appelés à accueillir mais aussi à transmettre. Parce qu’il y a une lumière qui vient de la Croix et qui le pouvoir de toucher tous les cœurs, quels qu’ils soient... parce que Jésus-Christ a donné sa vie pour tous.

Nous avons besoin des mourants

Dans un premier temps, dans la société, on peut penser que ce dont on a besoin c’est de producteurs et de consommateurs, de gens utiles qui font fonctionner l’économie, ou qui rentrent dans un cycle de vie matérielle. Certainement que cela a sa place dans la vie, mais est-ce que cela doit prendre toute la place?

Parfois on traite la souffrance et la mort comme si c’était quelque chose à côté de la vie, et on voit bien qu’on a peut-être quelque chose à apporter aux mourants, aux personnes qui souffrent, mais on ne voit pas toujours qu’eux aussi nous apportent quelque chose, et je dirais même que nous avons besoin de ce qu’ils nous apportent.

Lorsque, dans notre famille, on est confronté à accueillir l’événement d’une maladie tragique, qui semble avoir pour issue la mort, ça demande du courage, ça demande de la générosité, et quelle que soit la façon pour les gens de le vivre, ça demeure difficile.

Mais il n’est pas rare qu’on entend parler — et j’ai souvent rencontré des gens qui ont apporté leur témoignage d’accompagnement d’un membre de leur famille, dans le contexte des funérailles — et qui disaient comment le fait de s’être engagé à être présent auprès du membre de leur famille qui en était à ses derniers jours ou à ses dernières semaines, au-delà du premier moment de dire: «Faut se dépasser, parce que ça change nos horaires, ça change nos activités, il faut y mettre du temps...» Une fois qu’on a dépassé cela et qu’on est là, il n’est pas rare qu’il y ait des moments de réconciliation, qu’on découvre qu’une seule seconde peut avoir un pouvoir d’éternité.

Je pense à cette dame qui me disait qu’au chevet de sa mère, elle voit un moment donné, dans son dernier souffle, elle voit ses yeux se tourner vers elle — elle ne parlait plus depuis quelques jours — et la regarder avec une telle que ça lui a donné un souffle d’espérance incroyable! Énormément de belles choses peuvent se vivre lorsqu’on prend conscience que la personne que l’on accompagne, certainement qu’elle a besoin de nous, mais quand on découvre aussi qu’elle nous apporte quelque chose, quand on s’expose, quand on se rend disponible pour vivre l’événement et en accueillir l’épreuve, mais aussi, finalement, découvrir la bonté qui rayonne à travers l’épreuve.

On a besoin des mourants. On a besoin, comme société, de remettre le mourant au centre, au centre de la société et au centre de la famille. On comprend qu’à partir du moment où on a soif de vie, qu’on est fait pour la vie, que l’expérience de la mort demeure un moment clé. Ça peut-être un moment qui nous jette à terre comme ça peut être un moment qui soit source d’espérance.

Mettre le mourant au centre de la société et de la famille, c’est justement donner un espace à découvrir davantage qui nous sommes: nous sommes des êtres vivants, mais nous sommes des êtres qui sont faits pour plus que la vie en ce monde. Nous sommes habités par une soif d’absolu, nous sommes faits pour l’éternité, et dans cet accueil des mourants que l’on peut faire, on touche quelque chose de cette éternité qui se rend présent. C’est pas toujours aussi lumineux à ce moment précis, parfois c’est plus tard que la lumière se fait, mais il y a des moments de lumière et il y a une lumière.

Si la vie n’était considérée comme valable ou valide que lorsqu’on est en santé, que lorsque tout va bien, que lorsqu’on est comblés de biens matériels, la vie serait absurde la plupart du temps. Si on est à la recherche d’un sens à la vie, on est à la recherche d’un sens qui va résister: on a vécu un échec, mais la vie a encore un sens; on a été frappé d’un rejet, la vie a encore un sens; on a été ébranlé par la maladie, la vie a encore un sens; on est dans la perspective de notre mort, la vie a encore un sens. L’idée c’est de découvrir le sens de la vie qui résiste à tout ce qui fait partie de la vie.  

Accompagner les vivants

Les mourants, avant d’être des mourants, sont des vivants. Quand on regarde un mourant, ce qu’on regarde, c’est un vivant. Un vivant qui est à l’article de la mort, mais un vivant tout de même. Dans ce sens-là, accompagner les mourants c’est tout d’abord accueillir les vivants qui approchent de la fin de leur vie. Accompagner des vivants jusqu’à la fin. Accompagner avec les soins physiques, les soins spirituels, les soins familiaux, jusqu’à la fin. Cet accompagnement jusqu’à la fin, c’est celui par lequel on dit justement que cette personne qui est mourante, c’est un être humain qui est vivant. Et ça devient un acte de confiance en cette vie humaine et d’espérance en Dieu qui est présent et qui agit.

Monseigneur Christian Lépine et Fatima Cervantes
Mgr Lépine à la marche printanière contre l’euthanasie à Québec le 18 mai 2013, avec notre pèlerine Fatima Cervantes

De ce point de vue là, si on dit, comme on peut le penser, ou comme certains le pensent, que si on veut vraiment aider quelqu’un qui souffre, ce qu’il faut faire, c’est de supprimer le malade, par euthanasie ou par suicide assisté, et quelque soit le langage qu’on utilise — «soins de fin de vie» ou «aide à mourir» — dès qu’il s’agit de causer directement la mort de quelqu’un, on n’est pas en train d’accompagner le vivant, on est en train de supprimer le vivant. On n’est pas en train de procurer des soins, on est en train de supprimer le patient qui a besoin de soins. Dans ce sens-là, la question même de l’accompagnement de la vie, c’est d’accompagner la vie jusqu’au bout.

Vous êtes familiers avec les questions de vocabulaire, qui sont importantes. Si on parle d’acharnement thérapeutique par exemple, ça veut dire vouloir tellement aider qu’on prend des moyens disproportionnés qui n’ont plus rapport avec les résultats que l’on peut escompter et, dans ce sens-là, deviennent comme excessifs. Quelque part, accompagner la vie, c’est aussi accepter que nous sommes des êtres mortels... Donc, il est légitime de cesser, d’arrêter des traitements disproportionnés qui ne peuvent plus aider quelqu’un. Il arrive un moment donné où c’est là qu’on en est. Donc, arrêter le traitement, c’est accepter que nous sommes des êtres mortels, mais ce n’est pas causer la mort; c’est la maladie qui cause la mort.

Par contre, si on se met à vouloir devancer la mort parce qu’il y a la souffrance, c’est là qu’on n’est plus en train d’accompagner, on est en train de supprimer.

Alors, ce sont des questions délicates, il n’y a pas de réponses immédiates pour tout le monde, mais si on reste les yeux fixés sur Jésus-Christ, on reçoit la grâce de pouvoir discerner, voir la valeur de tout être humain  quel que soit sa fragilité ou l’étape de sa vie — le caractère sacré de la vie, de la conception jusqu’à la mort naturelle.

Je vous invite à prier, parce qu’il y a une lumière qui vient de Dieu. Dieu est vie, Dieu est Auteur de la vie, Il nous a créés, et Dieu, dans ce sens-là, est le premier défenseur de la vie. Il défend notre vie comment? En donnant sa vie pour nous en Jésus-Christ. Et dans ce sens-là, il vient nous indiquer que la vie est faite pour être donnée, que la vie est faite pour qu’on apprenne à se donner. Et dans ce sens-là, si tout au long de notre vie, avec nos fragilités, avec nos péchés, avec nos lenteurs, on fait de notre vie un chemin de don, on se prépare à faire de notre mort un don.

La mort se prépare en faisant de notre vie un chemin de don. La mort comme passage à la vie éternelle se prépare en faisant de notre vie un chemin de don, un chemin de prière, un chemin d’ouverture à Dieu et de don aux autres. Lorsqu’on rencontre des gens qui ont eu cette grâce, qui se sont ouverts à cette grâce, parce qu’elle offerte à tous, de vivre leur vie comme un don dans la prière, dans la fidélité au don de soi aux autres, à leur famille, au moment de leur souffrance et de leur mort, alors que l’on va pour les aider et les réconforter, on découvre que c’est nous qui sortons réconfortés. Je suis certain que vous avez vécus l’expérience: combien de fois on a voulu réconforter quelqu’un, et c’est lui qui nous a réconforté. Parce qu’en faisant de sa souffrance et de sa vie un don, la lumière jaillit à travers sa fragilité, à travers son regard.

L’œuvre de Jésus-Christ, elle est puissante. C’est une œuvre d’amour, c’est une œuvre de bonté, et tous nous avons besoin de cette bonté, et nous pouvons prier pour que tous, en cette société, en ce temps que nous vivons, les croyants comme ceux qui sont plus loin de Jésus-Christ, découvrent ou redécouvrent cette bonté de Jésus-Christ et ce pouvoir de Dieu sur la vie et sur la mort, qui a le pouvoir de transformer nos morts en don de soi, en passage vers la vie éternelle. Amen.

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