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Qu'est-ce qu'une crise?

Louis Even le mardi, 01 juin 1999. Dans Crédit Social

Crise nerveuse, crise de colère, crise économique: le mot «crise» signifie toujours quelque chose d’anormal, quelque chose qu’on n’aime pas et qu’on a hâte de voir finir.

Quand le peuple parle de crise tout court, de ce temps-ci, comme avant la guerre, c’est de crise économique qu’il veut parler. Les crises économiques ne sont certainement pas plaisantes; mais, malheureusement, elles sont en passe de devenir l’état normal, quand on n’est pas en guerre; et la guerre, l’état normal quand on n’est pas en crise.

Mais qu’est-ce qu’une crise économique?

Est-ce une sécheresse prolongée, une invasion extraordinaire de sauterelles, qui aurait détruit les récoltes? — Mais non, puisqu’on est en crise justement quand les élévateurs et les entrepôts restent bondés de produits.

Alors, la crise, ce sont les marchands qui refusent de vendre? — Encore moins, puisque c’est en ce temps-là qu’ils nous inondent de circulaires et qu’ils envoient des agents et des messagers pour prendre des commandes à domicile.

La crise, ce sont donc les individus et les familles qui ont tellement de produits dans leurs maisons qu’ils ne veulent pas en acheter d’autres ? — Vous n’y êtes pas. C’est pendant les crises que les gens se plaignent le plus de manquer de tout. Ils se couchent sur leur faim; ils sont obligés d’endurer des guenilles quand ils voudraient des habits. Ils logent dans des cabanes et n’ont guère d’autre feu que le soleil.

Alors, la crise c’est le manque de main d’œuvre, pas de monde pour faire l’ouvrage? — Voyons donc! C’est en temps de crise qu’il y a le plus de bras disponibles; on les appelle bras de chômeurs.

Qu’est-ce donc qui fait la crise? — N’importe quel homme sur la rue vous le dira: «C’est l’argent rare... On n’a pas d’argent pour occuper les chômeurs... » Toujours la même chose, pas de quoi payer.

Si, d’une part, vous regardez les produits, vous dites: «Trop de blé, trop d’œufs, trop de chaussures, trop de vêtements, trop de mains d’œuvre, trop de tout». Crise d’abondance!

Si, d’autre part, vous regardez l’argent, l’argent qui donne droit aux produits, vous dites: «Pas assez d’argent, pas assez de quoi payer». Crise dans le porte-monnaie, crise d’argent!

Cela vient-il de ce que les produits sont la chose facile à faire, et que l’argent est la chose difficile à faire? — Non. C’est le contraire qui est vrai. À ceux qui étaient trop bouchés pour le comprendre ou trop toqués pour l’admettre, la guerre est venue prouver que l’argent est la chose au monde la plus facile à faire, et à faire vite.

Avant septembre 1939, Mackenzie King criait pendant des années: «Trop d’hommes, on ne sait qu’en faire. Et pas d’argent quel problème!»

Tout de suite après avoir déclaré la guerre, Mackenzie King criait: «Des hommes ! Amenez tous les hommes du pays! Pour l’armée et pour les munitions ! Des femmes aussi, parce qu’il n’y a pas assez des hommes!» — Mais l’argent ? — Bah! ça va pousser plus vite qu’on voudra, on sera obligé d’en retirer de la circulation par tous les moyens ou d’empêcher d’acheter en «couponnant» la population.

— Mais MacKenzie King était donc bête de ne pas exiger cette irruption d’argent avant la guerre, au lieu de se lamenter sur la crise? Et l’on est bien bête de s’en laisser manquer à nouveau aujourd’hui?... En effet, une crise d’argent, c’est une crise de bêtise; et c’est une crise de stupidité, de la part de ceux qui acceptent cette bêtise sans la dénoncer à tue-tête.

Louis Even

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