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Sainte Marguerite Bays, couturière des âmes

le dimanche, 01 mars 2020. Dans Saints & Bienheureux

Sainte Marguerite BaysSainte Marguerite Bays

Le 13 octobre 2019, le pape François proclamait cinq nouveaux saints : le cardinal anglais John Henry Newman (1801-1890), la religieuse romaine Giuseppina Vannini (1859-1911), fondatrice des Filles de Saint Camille, la religieuse indienne Maria Teresa Chiramel Mankidiyan (1876-1926), fondatrice de la congrégation des sœurs de la Sainte famille, la religieuse brésilienne Dulce Lopes Pontes (1914-1992), de la congrégation des Sœurs missionnaires de l’Immaculée conception, et Marguerite Bays (1815-1879), couturière et mystique de Suisse. C’est la biographie de cette dernière que nous publions ici, tirée de la lettre de janvier 2020 de l’Abbaye Saint-Joseph de Clairval :

Le miracle

Le 6 mars 1998, Norbert Baudois, un agriculteur suisse, retire les barrières pare-­neige qu'il avait posées sur le domaine familial. Quatre de ses petits-enfants l'accompagnent. Virginie, vingt-deux mois, et sa sœur âgée de huit ans, sont assises sur le tracteur lorsque la petite tombe à terre. Le grand-père ne peut s'arrêter à temps : la roue écrase l'enfant sur toute sa longueur, tête comprise. Consterné, il la ramasse inerte… Mais quelques instants plus tard, Virginie commence à pleurer dans ses bras.

 
Norbert Baudois et sa petite-fille VirginieNorbert Baudois et sa petite-fille Virginie à Rome le 13 octobre 2019 pour la canonisation de Marguerite Bays.

Immédiatement, Norbert pense à Marguerite Bays qu'il remercie à haute voix. « Elle devait être écrabouillée, morte : cela ne pouvait pas être autre chose qu'un miracle ! », affirme-­t-­il, les yeux humides posés sur sa petite-fille. Lui et sa femme Yvonne ont, en effet, l'habitude de prier chaque soir la bienheureuse, élevée sur les autels trois ans auparavant par Jean-Paul II, pour protéger leurs petits-enfants, et cela, explique Norbert, « depuis le jour où j'ai vu un tableau représentant Marguerite Bays entourée d'enfants ».

À l'hôpital, Virginie est examinée avec soin ; les médecins, sidérés, annoncent à ses parents que l’accident n'a laissé aucune séquelle : ni les organes internes ni le squelette ne sont touchés ; seuls quelques bleus causés par la chute sont visibles. Chose d'autant plus inconcevable qu'on peut voir sur les habits de la fillette les traces de la roue du tracteur. Ce miracle, authentifié par l'Église, a permis la canonisation de Marguerite Bays, le 13 octobre 2019, en présence de Virginie, la miraculée.

Son enfance

Marguerite est née le 8 septembre 1815 au hameau de La Pierra, dans le canton de Fribourg, en Suisse romande. Elle est la seconde de sept enfants d'un modeste ménage d'agriculteurs, Antoine et Joséphine Bays. Baptisée le lendemain de sa naissance, en l'église de sa paroisse, à Siviriez, elle aidera dès l’enfance ses parents aux travaux ménagers et au jardin. En 1823, elle fait sa première Communion et, en 1826, elle reçoit le sacrement de Confirmation. À l’école communale, elle apprend à lire et à écrire. Vive et enjouée, l’enfant ressent cependant un attrait pour la prière et la solitude ; ses proches pensent qu'elle entrera au couvent. Elle­-même, toutefois, n'entend pas cet appel ; tout en consacrant à Dieu sa virginité, elle s'adonne au métier de couturière, dans la maison en bois où vivent hommes et bétail.

Marguerite se lève avant trois heures du matin. Bientôt, dans sa chambre, le rouet chante, car elle file le chanvre avec habileté : puis elle assiste à la Messe à l’église de Siviriez, distante d'un kilomètre et demi. Dans les familles où elle se rend ensuite pour son travail, elle a l’occasion de rencontrer des mères souvent aux prises avec des difficultés. Elle les aide avec bonté, patience et surtout par sa prière. On lui demande fréquemment de venir veiller les malades et les agonisants qu'elle excelle à préparer à la rencontre du Seigneur. Marguerite Bays a une dévotion particulière pour le Sacré-Cœur de Jésus, image parfaite de la Miséricorde de Dieu envers les pécheurs. Dans un siècle marqué par l’anticléricalisme, elle prie pour l'Église persécutée, en particulier pour le Pape Pie IX qui, en 1870, sera spolié de toute souveraineté temporelle et menacé dans sa liberté. Au-dessus du lit de Marguerite est suspendu un tableau évoquant l'Église militante, dirigée par le successeur de Pierre et placée sous la protection de Marie.

Lourdes difficultés familiales

Maison La PierraLa maison où vécut Marguerite, dans le hameau de La Pierra, est devenue un lieu de pèlerinage depuis son décès en 1879

Grâce au Tiers-­Ordre de Saint-François, auquel elle s'est affiliée dès l’âge de vingt ans, et aux bons livres de spiritualité que lui fournissent les Pères capucins de Fribourg, Marguerite prend l'habitude de méditer quotidiennement les Évangiles, enrichis de commentaires. Restée au domicile paternel en compagnie de trois de ses frères, elle s'adonne aux tâches ménagères qui lui incombent. Cependant, sa belle­-sœur Josette, une femme sévère et indélicate, l'humilie fréquemment, la traitant de paresseuse. Marguerite ne lui en tient pas rigueur : lorsque Josette sera touchée précocement par la maladie, Marguerite prendra soin d'elle et finalement, seule personne à être acceptée par la malade, elle la préparera à la mort.

D'autres peines éprouvent la famille : sa sœur Marie-Marguerite se sépare de son mari et revient vivre à la maison ; son frère, Joseph, célibataire, de caractère excessif et aux mœurs parfois relâchées, aura à purger une peine de prison, légère au demeurant : l'aîné, Claude, a un enfant né hors mariage, le petit François. Marguerite presse son frère de le reconnaître officiellement, s'offrant à l'éduquer elle-même. Jean, son autre frère, se montre plus compréhensif que les autres pour les aspirations spirituelles et la vie mystique de sa sœur. Face à leur conduite répréhensible, Marguerite ne condamne pas ses frères et sœur : elle sait que « si nous pouvons juger qu'un acte est en soi une faute grave, nous devons confier le jugement sur les personnes à la justice et à la miséricorde de Dieu » (Catéchisme de l'Église Catholique, CEC, n. 1861). Se souvenant que Jésus n'est pas venu appeler les justes mais les pécheurs au repentir (Lc 5, 32), elle gagnera ses proches au Christ par le témoignage d'une sainte vie et sa charité patiente : tous finiront leur vie en bons chrétiens.

Le Noël de Marguerite

Très active, Marguerite Bays fait partie des Confréries du Rosaire et du Saint-Sacrement, Elle propose également à son curé d’instaurer un mouvement de soutien aux missions catholiques, et elle introduit dans la paroisse l’œuvre de la Sainte-Enfance, fondée à Lyon par la vénérable Pauline Jaricot dans le but d’assister matériellement et spirituellement les enfants pauvres des pays lointains. Elle-même se montre très accueillante aux enfants, s'accommodant de leur brouhaha jusque dans sa chambre, et ceux­-ci l'apprécient. « Marguerite n'était pas ennuyeuse quand elle nous parlait, elle aimait bien rire et était toujours de bonne humeur », témoignera l'un de ses protégés. « Elle parlait peu d'elle-même, remarquent d'autres témoins : sa règle de vie était : "Travailler et prier". »

À Noël, Marguerite confectionne une crèche que les enfants des alentours viennent contempler. Les personnages, fournis par l'abbaye de La Fille­-Dieu, sont disposés avec art dans un décor naturel fait de mousse et de branches. A ceux qui viennent voir « le Noël de Marguerite », celle­-ci demande de dire avec elle une dizaine de chapelet, suivie d'un Souvenez-vous, la prière mariale de saint Bernard. Elle encourage ses proches à faire eux aussi des crèches dans leurs maisons, ce qui n'est pas habituel à l'époque.

Chapelle de Notre- Dame du BoisChapelle de Notre- Dame du Bois

Le dimanche après-midi, elle emmène les enfants au sanctuaire tout proche de Notre-­Dame du Bois. Cette chapelle solitaire, ou règne un silence qui rappelle la présence de Dieu, reçoit souvent sa visite. La prière et les chants avec les enfants sont toujours suivis d'un temps de jeux dans les bois. Au mois de mai, Marguerite fleurit avec goût un petit oratoire installé dans sa maison : la tertiaire franciscaine sait que la beauté de la Création est un chemin qui conduit à Dieu.

Marguerite Bays a un soin particulier des pauvres et des malades. Les indigents sont assidus à venir la solliciter, et ils ne la quittent jamais les mains vides. Elle rend visite aux pauvres, leur apportant habits neufs et vivres. Gardant en sa mémoire la figure du Christ qui, de riche qu'il était, s'est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté (cf. 2 Co 8, 9), elle s'applique à suivre Jésus dans son humilité et sa pauvreté, à vivre du strict nécessaire et à donner aux pauvres le meilleur d'elle-même. Elle les aide aussi à se rapprocher du Seigneur, comme elle fait pour Louise Cosandey des Combes, une infirme avec laquelle elle a de nombreux colloques spirituels.

« Allez de l’avant ! »

Marguerite est spirituellement proche d'un jeune prêtre de Fribourg, le chanoine Joseph Schorderet, dont la vocation s'est décidée précisément au cours d'une visite à la chapelle Notre­-Dame du Bois. Celui­-ci entreprend un travail d'évangélisation, et fonde dans ce but, en 1873, une congrégation religieuse, les Sœurs de Saint-Paul, dont l'apostolat consistera à publier des journaux et des livres catholiques. L'évêque de Fribourg, Mgr Marilley, se montre, au début, peu favorable à cette initiative, car il se méfie des journaux et s'en tient au moyen traditionnel d'enseignement : la lecture en chaire par les curés des mandements épiscopaux, au cours de la Messe du dimanche. Mais ce moyen n'atteint pas les personnes qui ne vont plus régulièrement à la Messe, et qui lisent assidûment les journaux anticléricaux.

Le chanoine consulte Marguerite, qui, après avoir prié, l'encourage à poursuivre son action : « Ne craignez rien, allez de l’avant, cette œuvre fera grand bien chez nous et sera particulièrement bénie de Dieu, car elle correspond à sa volonté. » Le prêtre se rend alors à Rome où il obtient une audience du Pape Pie IX, qui bénit son projet. Indisposé, Mgr Marilley humilie publiquement Marguerite au cours d'une visite pastorale, la laissant longtemps debout devant lui, et finissant par lui dire, par allusion à ses trop nombreux visiteurs : « L'eau qui coule le plus bas sous terre est la meilleure. » Ce rappel à l'humilité laisse planer un doute sur la pureté des intentions de Marguerite qui, grandement affligée, garde le silence. Plus tard, l'évêque reconnaîtra la sainteté de cette humble femme.

Marguerite parcourt très souvent à pied les six kilomètres qui séparent sa maison de l'abbaye cistercienne de la Fille-­Dieu, à Romont. Sa filleule, Alphonsine Menetrey, est entrée dans ce monastère en 1865, apparemment à la suite d'une pieuse inspiration de sa marraine ; celle-ci a fait vœu, le jour du baptême d'Alphonsine en 1845, de prier tous les jours pour que sa filleule soit appelée à suivre le Christ de plus près dans la vie religieuse. Elle n'en a jamais parlé à la jeune fille pour lui laisser une entière liberté, mais le jour ou Alphonsine lui apprend sa décision de devenir moniale, elle ne peut s'empêcher de s'exclamer : « Enfin, filleule ! Je te tiens ! »

Devenue sœur Ludgarde, la novice reste très proche de sa marraine, à qui elle confie sa peine d'ignorer le sort éternel de sa mère, décédée brutalement cinq ans plus tôt, sans le secours des sacrements. Un jour de novembre 1867, Marguerite se présente à la porterie du monastère, demandant la permission d'entrer en clôture, pour faire avec sœur Ludgarde un chemin de croix dans la salle du chapitre, où se trouvent des tableaux représentant les différentes stations. On lui répond qu'une autorisation de l'évêque est requise. Marguerite s'adresse alors directement au prélat et obtient de pouvoir réaliser son dessein. Un soir, elle est admise au chapitre alors que les sœurs sont couchées, et pendant deux heures elle parcourt avec sa filleule les quatorze stations du chemin de croix.

Marguerite Bays méditant le chemin de croixMarguerite méditant le chemin de croix

À l'issue de cet exercice, elle assure joyeusement à sœur Ludgarde que sa mère est désormais au Ciel. Marguerite, en effet, avait appris par révélation que la mère d'Alphonsine resterait en purgatoire jusqu'a ce que celle-ci ait fait avec sa marraine ce chemin de croix à son intention. Dès lors, Marguerite est autorisée par Mgr Marilley à faire des séjours au milieu des sœurs : elle n'en abuse pas, mais en profite pour participer à leur retraite annuelle. Les moniales lui demandent parfois des conseils, ce qui trouble beaucoup son humilité : éclairée d'en haut, elle les rassure sur I’avenir de leur communauté, qui semble compromis par les mesures du gouvernement cantonal à l'encontre des congrégations religieuses.

En 1883, Mère Ludgarde, élue abbesse, aura la joie de voir son monastère placé sous la juridiction de l'abbé du monastère trappiste d'Elenberg, en Alsace, ce qui assurera son enracinement dans l'Ordre cistercien... Mais à cette époque, Marguerite Bays sera déjà au Ciel.

« Prenez votre chapelet ! »

Aux personnes qui lui font part de leurs difficultés, Marguerite répond habituellement : « Faites comme moi, prenez votre chapelet, ça ira mieux après. » Elle récite, en effet, inlassablement le Rosaire, particulièrement au cours de ses pèlerinages à Einsiedeln. Le grand sanctuaire marial de Notre-Dame-des-Ermites se trouve à 200 km de Sivirez ; chaque année, une foule de fidèles du canton de Fribourg, groupés par paroisses, s’y rend à pied en trois jours, soit 50 à 70 km par jour ! Malgré sa petite taille, Marguerite réalisera onze fois ce pèlerinage, même à l’époque où ses pieds seront blessés par les stigmates. Aux étapes, elle s’oublie totalement pour soigner les pieds meurtris des autres pèlerins. Devant la Vierge noire vénérée en ce lieu, elle présente à Marie toutes les intentions qui lui ont été confiées, et passe la nuit en prière.

La dévotion mariale extraordinaire de Marguerite Bays s'explique en partie par une faveur toute spéciale dont elle a bénéficié le 8 décembre 1854. Ce jour-­là, à Rome, le Pape Pie IX définissait le dogme de l'Immaculée Conception : « La Bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulière du Dieu tout-puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel » (cf. CEC 491). Marguerite ne peut prendre part aux cérémonies d'action de grâces à l'église, car elle gît au fond de son lit, moribonde : depuis des mois, elle souffre d'un cancer de l'intestin, et le médecin a déclaré qu'il n'y avait plus d'espoir de guérison. Elle demande à Marie Immaculée de la guérir ou bien de lui ouvrir tout de suite le chemin du Ciel. Brusquement, elle se sent guérie et se lève : sa famille, de retour de La Messe, la voit avec stupéfaction assise, radieuse, sur le rebord du chauffoir.

Un médecin déconcerté

Mère Lutgarde MénetreyMère Lutgarde Ménetrey, Abbesse de la Fille-Dieu

La guérison physique de Marguerite est le signal d'une transformation intérieure, d'une union plus intime avec Jésus-Christ. Un peu plus tard (on ignore à quelle date), celle-ci se traduit par l'apparition des stigmates : dans ses mains et ses pieds s'impriment les traces des plaies de Jésus-Christ crucifié, plus visibles le jeudi soir et le vendredi. Confuse, elle cache très soigneusement ses mains en les entourant de mitaines ; cependant, des témoins, profitant d'un moment d'inattention, ont vu une rougeur en forme de croix sur les paumes et le dos des mains. Sa marche est rendue plus pénible, mais elle continue à se rendre aussi souvent à l'église, sa seconde maison. Dès le jeudi après-­midi, elle entre dans sa chambre, en proie à la fièvre, les yeux brillants, le visage animé : elle prie à voix haute, s'accusant d'être une pécheresse, de ne pas aimer ce Dieu qui est Amour ; elle s'offre elle-même en réparation pour les péchés qui se commettent dans le monde. Chaque vendredi, vers quinze heures, elle est prise par un sommeil extatique d'une vingtaine de minutes, qui s'allongera progressivement jusqu'à atteindre une heure à la fin de sa vie. La sueur de son visage manifeste une participation intime à la Passion du Sauveur.

En 1873, l’évêque de Fribourg charge une ­commission composée d'un homme de loi, d'un médecin et de deux prêtres, de procéder à un examen médical approfondi de Marguerite pendant une de ses extases du vendredi après-midi. Le médecin, qui avait été choisi parmi les rationalistes, sceptiques devant le surnaturel, afin d'éviter tout partialité, ne peut que constater l'insensibilité totale de Marguerite aux piqûres d'aiguille qu'il lui inflige, ainsi que la présence visible des stigmates, y compris à l'endroit du cœur. Lorsque la patiente revient à elle, une demi-heure plus tard, elle affirme joyeusement : « Je vais très bien » ; debout, elle accepte un verre de vin et trinque avec les assistants. « Qu'en pensez vous ? », demande l'un d'eux au médecin. Déconcerté, celui-ci répond : « C'est une chose extraordinaire, on est forcé de croire. »

L'amour du silence ne rend pas Marguerite taciturne. Elle parle volontiers, mais parvient toujours à placer un mot spirituel, un encouragement à la dévotion, qui la font qualifier par certains de « sermonneuse ». Sa douceur habituelle cède parfois la place à la vivacité quand elle entend proférer une médisance. Par-dessus tout, elle déteste qu’on dise du mal des prêtres. Un jour où un assistant critique le dernier sermon du curé, elle riposte d'un ton sans réplique : « Ce que vous dites là n'est pas bien. Les prêtres sont les représentants de Dieu auprès de nos âmes. Ce qu'ils disent, ce qu'ils font à l'église, c'est uniquement dans l'intention de nous faire du bien, et il ne nous appartient nullement de les critiquer ou de trouver à redire à leurs actes. »

La médisance est un défaut fréquent. Dans ses Exercices Spirituels, saint Ignace fait remarquer : « Si vous parlez des défauts d'autrui vous découvrez votre propre défaut… Supposé que vous ayez une intention droite, vous pouvez parler en deux circonstances des péchés ou des fautes de votre prochain : premièrement, quand le péché est connu publiquement, par exemple lorsqu'il s'agit d'une personne de mauvaise vie ou d'une sentence portée par un tribunal, ou encore d'une erreur publique qui empoisonne les âmes de ceux parmi lesquels elle se propage ; secondement, quand le péché est secret et que vous le révélez à une personne dans l'intention qu’elle aide celui qui I’a commis à sortir de son mauvais état, pourvu toutefois que vous ayez des raisons suffisantes de penser qu’elle pourra lui être utile » (n ° 41 ).

Marguerite insiste sur la nécessité de prier beaucoup pour avancer dans la vie spirituelle et obtenir la grâce d'aimer Dieu par­-dessus tout. Quand elle n'est pas exaucée, elle se dit : « Le bon Dieu ne I’a pas permis, Il voit les choses autrement que nous », ou encore : « J'obtiendrai autre chose, si je ne reçois pas ce que je demande. » Pourtant, elle s'accuse un jour : « Si j'avais davantage prié, tout aurait été mieux. » Inquiète du peu de foi de ses contemporains, elle compose une prière à Jésus. Cette prière, qu'elle récite chaque jour, révèle le centre de sa spiritualité inspirée de la Sainte Écriture :

Ô Sainte Victime, attirez­-moi après vous, nous marcherons ensemble.
Que je souffre avec vous, cela est juste.
N'écoutez pas mes répugnances.
Que j'accomplisse en ma chair ce qui manque à vos souffrances, j'embrasse la croix, je veux mourir avec vous.
C'est dans la plaie de votre Sacré-Cœur que je veux rendre le dernier soupir.

Marguerite qualifie Jésus de « victime », car le Christ est victime de propitiation pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais pour ceux du monde entier ( 1 Jn 2, 2). Par sa Passion et sa mort offertes par amour de son Père et pour les pécheurs, bien qu'Il soit le Fils, II apprit par ses souffrances l'obéissance, et parvenu au terme, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel (He 5, 8­9). L'union avec Jésus dans sa Passion conduit Marguerite à son Sacré-Cœur. Là, elle trouve son repos, selon la promesse du Sauveur : Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai (Mt 11, 28).

La puissance de la prière simple

En 1879, Marguerite ne peut plus se lever ni se nourrir, mais elle ne craint pas la mort. Elle peut dire avec saint Paul : J'ai le désir de m'en aller et d'être avec le Christ (Ph L 23). Le vendredi 27 juin 1879, jour octave de la fête du Sacré-Cœur, après de longues semaines de souffrance, se réalise enfin pour elle la rencontre définitive avec le Sauveur qu'elle attendait depuis si longtemps. Dans l'homélie de sa canonisation, le Pape François faisait remarquer : « Sainte Marguerite Bays était une couturière, et elle montre combien la prière simple est puissante, de même que la patiente endurance, le don de soi silencieux... C'est la sainteté dans le quotidien dont parle le saint cardinal Newman (canonisé le même jour) : "Le chrétien possède une paix profonde, silencieuse, cachée, que le monde ne voit pas... Le chrétien est joyeux, tranquille, bon, aimable, poli, innocent, modeste ; il n'a pas de prétentions... son comportement est tellement éloigné de l'ostentation et de la sophistication qu'à première vue on peut facilement le prendre pour une personne ordinaire." »

Nous ne pouvons pas imiter sainte Marguerite Bays dans les phénomènes mystiques extraordinaires dont Dieu l'a favorisée de façon toute gratuite ; mais nous pouvons, à son école, transformer toutes nos actions quotidiennes, même les plus ordinaires, en autant d'actes d'amour, offerts au Père dans l'Esprit Saint, en union avec le Sacrifice parfait du Christ.


Reproduit avec la permission de l’Abbaye Saint-Joseph de Clairval, en France, qui publie chaque mois une lettre spirituelle sur la vie d’un saint. Adresse postale : Abbaye Saint-Joseph de Clairval, 21150 Flavigny sur Ozerain, France. Site internet : www.clairval.com.

 

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