Le fan de Mère Teresa de Calcutta

le mardi, 01 mai 2018. Dans Saints & Bienheureux

Quand Jésus se montre sous les traits d’un mourant

Sœur Emmanuel Sœur Emmanuel

Au début de 2017 paraissait aux Éditions des Béatitudes le livre «Scandaleuse Miséricorde – Quand Dieu dépasse les bornes», offrant une sélection de témoignages glanés par Sœur Emmanuel Maillard au cours de ses missions. Membre de la communauté des Béatitudes depuis 1976, Sœur Emmanuel est bien connue pour son apostolat à faire connaître les apparitions de Medjugorje, où elle vit depuis 1989, et de là voyage dans le monde entier pour évangéliser.

On peut lire sur le site de l’éditeur: «Les 46 fioretti racontés dans ce livre nous feront rire, pleurer, trembler, mais leur point commun sera de nous émerveiller. En le refermant, nous irons nous jeter dans les bras grands ouverts de Dieu, nous courrons nous réfugier contre son Cœur qui n’attend que nous». Voici un de ces témoignages, intitulé «Le fan (admirateur) de Mère Teresa», où se sont réalisées devant les yeux émerveillés de ce «fan» les paroles de Jésus rapportées au chapitre 25 de l’Évangile de saint Matthieu: «Ce que vous avez fait au plus petit d’entre ces frères, c’est à Moi que vous l’avez fait»:

Jim rêve de rencontrer Mère Teresa. cette femme le fascine et il guette depuis longtemps le moment opportun d’aller la trouver. À trente-deux ans, l’homme est robuste et bien bâti, il respire la santé et jouit de ce solide bon sens qu’ont les Marines de l’armée américaine.

Scandaleuse MiséricordeLe «Jour J» arrive pour lui: il a dix jours de permission et le voilà qui quitte sa base de militaire pour s’envoler vers Calcutta. Le choc culturel l’impressionne lorsque son taxi se fraie un chemin dans le dédale humide, torride et poussiéreux des rues de Calcutta. Il arrive devant la porte du couvent des Missionnaires de la charité et il sonne. Une petite sœur indienne toute menue lui ouvre.

– «Bonjour, ma sœur, je viens de loin et je souhaiterais rencontrer Mère Teresa.»

– «Je suis désolée, Monsieur, Mère Teresa n’est pas ici, elle a dû partir pour Rome. »

Pour Jim, c’est l’effondrement. il a fait tous ces kilomètres pour trouver une absente. il ravale sa salive, tente de digérer la déception et déclare après un certain silence:

– «Bon, eh bien comme je suis là, pourquoi ne pas rester quand même? Pourrais-je vous aider de quelque manière?»

– «Bien sûr!»

Parmi les tâches proposées aux volontaires, s’occuper des mourants ne l’attire guère et il est nul en cuisine, alors il choisit le nettoyage de la maison.

On lui donne une petite cellule près de la porte d’entrée donnant sur la rue, mais les heures de vrai repos sont rares car le bruit est continuel. Le klaxon des rickshaws ne cesse jamais. Durant une semaine, Jim fait de son mieux. Loin des marbres rutilants de son Amérique natale, il tente d’oublier sa peur intrinsèque de contracter des microbes. La semaine écoulée, il apprend qu’il a une journée de libre. Parfait! Cela va lui permettre de rassembler ses idées et de se préparer au départ. Toutefois, on le charge de répondre à la porte d’entrée, ce qui ne l’enchante guère car il ne pourra pas sortir en ville.

Ce matin-là, coup de sonnette, Jim ouvre la porte et qui voit-il? Mère Teresa en personne. «J’hallucine ou quoi?» se dit-il. Mère Teresa, qui fait à peu près la moitié de sa taille, lève la tête et le regarde droit dans les yeux. Elle rayonne de bonté. Avec cet accent albanais inimitable qu’il a maintes fois entendu dans les reportages, à la grande surprise de Jim, elle lui lance sans ambages: «Venez avec moi, on a du travail!»

Chacun sait que le «travail» de Mère Teresa consistait à parcourir les bidonvilles de l’Inde à la recherche des plus pauvres des pauvres. Mère Teresa a parlé, il faut obéir… Jim se met en route avec elle. Comme elle reste silencieuse, Jim n’ose pas ouvrir la bouche tant l’émotion l’a saisi. De plus, il ne comprend pas très bien où il va, ni ce qui l’attend dans cette expédition pour le moins inattendue.

Mère Teresa marche d’un bon pas. À l’horizon se profile un pont. Peu à peu, l’air se charge d’une odeur pestilentielle. Visiblement, Mère Teresa se dirige vers ce pont, comme aimantée par quelque chose. Elle se trouve en terrain connu. Mais plus ils s’approchent du pont, plus l’odeur devient insupportable. Rien d’étonnant!

Arrivé sous le pont, Jim voit une forme allongée par terre. C’est un homme à demi nu, un peu âgé, qui baigne dans ses excréments, ses urines, son vomi, sans parler de la crasse accumulée sur de misérables haillons depuis des mois, pour ne pas dire des années. L’Américain a un haut-le-cœur. Mais Mère Teresa, toute habituée qu’elle est à ce genre de situation, regarde ce pauvre hère avec tendresse et, se tournant vers Jim, lui murmure: «Prenez-le!» Jim hésite. «Le prendre? Qu’est-ce qu’elle veut dire par là?» Mais Mère Teresa a parlé, il faut obéir…

Jim se penche vers l’homme et le soulève légèrement, mais l’odeur est si forte qu’il détourne la tête avec dégoût. Il a envie de vomir. Il s’aperçoit que l’homme a de nombreuses escarres et que ses plaies infectées ont attiré les mouches. Jim se dit en lui-même:

«Quoi que tu fasses, surtout, ne le touche pas!». Aussi tire-t-il les manches de sa chemise pour en couvrir ses mains et se protéger ainsi de tout contact avec l’homme. Puis il le soulève et le transporte aux côtés de Mère Teresa vers la maison des sœurs. Là, il le place sur une natte à même le sol dans une grande pièce où les Missionnaires de la charité prennent soin des mourants.

À ce moment-là, Mère Teresa lui dit: «Donnez-lui un bain.» Jim la regarde, ébahi, et, alors qu’il se tourne à nouveau vers le mourant, la même pensée s’impose à lui: «Pas question de toucher cet homme.» Toutefois, ne voulant pas décevoir Mère Teresa, il s’exécute. Il prend l’homme et l’allonge dans une baignoire pour le laver.

Est-ce la prière de Mère Teresa? Jim est traversé par une pensée:

«Cet homme va mourir très bientôt… ce serait terrible qu’en quittant ce monde, sa dernière image soit celle d’un homme jeune qui détourne la tête tellement il est dégoûté! Et puis, si je le traite bien, une fois au ciel, il priera pour moi!» Toujours est-il que Jim se met à nettoyer l’homme de son mieux, en y mettant tout son cœur. À l’aide d’une éponge, il tamponne très délicatement ses plaies infectées, mais cela n’empêche pas que l’homme glisse à plusieurs reprises au fond de la baignoire. L’émotion grandit dans le cœur de Jim. «Comment puis-je être si égoïste? Cet homme a besoin de savoir qu’il n’est pas seul.» Plaçant alors ses bras sous les épaules du mourant, il le soulève et fait couler une eau claire sur ses plaies. Puis il commence à le bercer dans ses bras.

Sainte Teresa de CalcuttaÀ ce moment-là, l’homme se transforme: c’est maintenant Jésus lui-même qui gît devant ce grand Marine et qui le regarde avec une infinie douceur, Jésus qui se laisse laver avec reconnaissance. Jim tremble d’émotion. Il tient le Seigneur dans ses bras! Non pas une vision, mais Jésus lui-même. Il a des trous dans les mains et dans les pieds. Son côté est transpercé. Son visage tuméfié porte des marques de coups. Jim n’en croit pas ses yeux, il est fasciné. Il lève la tête vers Mère Teresa comme pour la prendre à témoin. Mais avant même qu’il ouvre la bouche, elle lui dit avec un très doux sourire: «Vous l’avez vu, n’est-ce pas?» Elle savait. Lorsque Jim baisse à nouveau son regard, l’homme est redevenu le pauvre indien mourant.

Cette histoire est déjà incroyable, mais elle ne s’arrête pas là. Comme le raconte Sœur Emmanuel, il y avait plus:

Quand Jim regarda en arrière, l'homme dans ses bras était à nouveau le sans-abri et mourant, et Mère Teresa était partie.

Il lui a fallu des heures pour se remettre du choc. Il se retira dans sa chambre, secoué jusqu’au plus profond de lui-même. Lorsqu’il se ressaisit, il chercha Mère Teresa pour lui demander ce qui s'était passé.

«Je suis désolé, mon cher frère,» dit une religieuse qui passait par là, «mais Mère Teresa n'est pas là. Elle est encore à Rome pour quelques jours de plus.»

Jim insista. Il l'avait vue! Il l'avait rencontrée! Il avait marché avec elle dans les ruelles sales et appauvries, sur ce pont!

La religieuse sourit et dit: «Ah, oui, je comprends. Elle fait cela quelquefois.»

«Aujourd'hui, parmi les Marines américains, il y a un homme dont le rêve est devenu réalité», dit le livre, «et sa vie ne sera plus jamais la même. Sous un petit pont à Calcutta, au milieu de la plus sombre déchéance humaine, il avait touché le visage de Dieu.» v

Sœur Emmanuel Maillard

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