Québec veut légaliser l'euthanasie

le mardi, 01 janvier 2013. Dans Euthanasie

en la définissant comme «soin de santé» et ainsi contourner le code criminel canadien

Euthanasie 1Le 15 janvier 2013, la ministre québécoise responsable des services sociaux, Véronique Hivon, présentait en conférence de presse le rapport du comité d’experts sur «l'aide médicale à mourir», faisant suite de la Commission spéciale «Mourir dans la dignité», qui s’est tenue l’an dernier. En compagnie du président du comité, Maître Jean-Pierre Ménard, la ministre a déclaré que le consensus social était très fort, et que le gouvernement québécois allait déposer un projet de loi sur ce sujet d'ici l'été.

Même si le mot «euthanasie» n'a pas été employé durant la conférence de presse, on a plutôt employé le terme «mourir dans la dignité»; mais c'est effectivement d'euthanasie qu'il s'agit ici. M. Ménard a expliqué qu'il fallait laisser aux patients «le pouvoir de décider du temps et de la manière de mourir», et que même si l'euthanasie est interdite par le code criminel canadien (étant considérée comme un meurtre), Maître Ménard a dit que la province de Québec dispose de tous les outils juridiques pour aller de l'avant, en définissant l'euthanasie comme étant tout simplement un «soin de santé», qui est de juridiction provinciale.

Dans son rapport de 400 pages, Jean-Pierre Ménard constate que, si le gouvernement fédéral intervient en matière de droit criminel pour réprimer certains gestes, comme le suicide assisté, c’est au Procureur général (ministre de la justice) du Québec de porter les charges. «Dans le contexte où le législateur québécois adopte une loi pour encadrer les soins de fin de vie, y inclus une ou des dispositions régissant l’aide médicale à mourir, le Procureur général du Québec pourrait déterminer qu’aucune poursuite ne sera déposée contre quiconque agit en conformité avec les dispositions de la loi adoptée par l’Assemblée nationale.» Autrement dit, les médecins québécois qui «aideraient quelqu'un à mourir» seraient protégés par la loi du Québec et ne seraient pas poursuivis en justice.

En réaction à cette conférence de presse, Alex Schadenberg, directeur général de l'Euthanasia Prevention Coalition, écrit: «L'euthanasie est le fait intentionnel de causer la mort, où que la mort soit causée directement à partir de cet acte. Comment le meurtre peut-il se définir comme une forme de soins de santé? En définissant l'euthanasie comme soins de santé, l'accès à l'euthanasie va inévitablement être étendu à tout le monde, car tout le monde a droit à un accès égal aux soins de santé.»

Les réactions à ce projet de loi ont été vives parmi les groupes prenant la défense de la vie. Le 18 janvier 2013, l’Assemblée des évêques catholiques du Québec réagissait avec ce communiqué:

«Le rapport du comité présidé par Me Jean-Pierre Ménard, suivant en cela la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, s’engage dans une voie dangereuse. Reprenant l’expression «d’aide médicale à mourir» — que la Commission avait choisie pour désigner à la fois le suicide assisté et l’euthanasie —, il la définit comme «un soin» et la considère comme «un droit». En outre, étant donné que l’euthanasie et le suicide assisté sont prohibés par le Code criminel canadien, le rapport incite le Procureur général du Québec à renoncer aux poursuites judiciaires contre les personnes qui seraient éventuellement impliquées dans une «aide médicale à mourir», à condition qu’elles aient agi en conformité avec les dispositions de la loi qu’adopterait l’Assemblée nationale sur le sujet. Il y a tout lieu de s’inquiéter lorsqu’une manière de provoquer intentionnellement la mort est considérée comme un soin et lorsqu’elle est revendiquée comme un droit.»

Euthanasie 2L’Organisme catholique pour la vie et la famille (fondé par la Conférence des évêques catholiques du Canada) s’objecte avec force à l’idée de «l’aide médicale à mourir» et s’inquiète des impacts juridiques, éthiques et sociaux d’une telle pratique: «Les ténors de l’aide médicale à mourir veulent aussi nous faire croire qu’il existe un consensus social très fort en faveur de l’aide médicale à mourir. Or, il n’en est rien: 60% des personnes et des groupes qui sont intervenues durant les auditions de la Commission s’opposent à l’euthanasie et au suicide assisté.

«Puisque le Gouvernement du Québec entend malgré tout présenter un projet de loi sur “l’aide médicale à mourir” d’ici le mois de juin, quiconque croit encore au premier des droits fondamentaux – le droit à la vie – porte aujourd’hui la responsabilité d’agir. En tant que citoyens et citoyennes d’un pays qui se veut civilisé, toutes les personnes de bonne volonté, ont le droit et le devoir de promouvoir les soins palliatifs et la véritable compassion, et de contrer toute tentative de légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté. Les médias, comme tous les députés siégeant à l’Assemblée nationale du Québec doivent entendre parler des électeurs et électrices opposés au projet de loi qui sera bientôt déposé par le Gouvernement Marois à l’encontre du Code criminel du Canada, qui interdit aussi bien l’euthanasie que le suicide assisté.

«L’OCVF recommande la consultation de trois réseaux activement engagés dans les questions de fin de vie et qui offrent une perspective respectueuse de la dignité inaliénable de toute personne humaine, dont le Collectif des médecins du Refus médical de l’euthanasie (www.refusmedical.blogspot.ca).

 

Selon le docteur Catherine Ferrier, porte-parole de ce Collectif (dont plus de 300 médecins ont signé le manifeste), le rapport Ménard «a été rédigé par des avocats soigneusement sélectionnés, qui présentent l'acte des médecins qui tuent leurs patients comme s'ils faisaient partie intégrante des soins appropriés en fin de vie. Ces avocats et les politiciens qui les ont nommés introduisent aussi l'expression “aide médicale à mourir”, comme s'il s'agissait d'autre chose que d'un homicide délibéré. Cet acte nous répugne, à nous les médecins, et devrait consterner les Québécois qui sont en faveur de la justice sociale et de communautés prenant soin des personnes les plus vulnérables.»

 

Refus Médical Euthanasie

 

Voici le texte du manifeste du Collectif de médecins du Refus Médical de l'Euthanasie:

Nous sommes des médecins qui considèrent que toute loi permettant aux médecins de mettre fin à la vie de leurs patients intentionnellement est contraire aux buts de la médecine et à l'intérêt des patients et met en péril des patients, surtout les personnes faibles, démunies ou qui ne peuvent pas élever la voix pour se défendre.

Nous affirmons que:

  1. La personne en fin de vie doit bénéficier de soins médicaux diligents et compétents pour le soulagement de la douleur, des malaises et de la souffrance qu’elle éprouve et dont elle souhaite être libérée. Le médecin a l’obligation de déployer à sa demande tous les moyens que lui offre sa profession pour arriver à cette fin.
  2. Les volontés du malade qui refuse ou qui veut interrompre des traitements doivent toujours être respectées.
  3. Les moyens évolués et modernes de l’approche palliative et les outils thérapeutiques disponibles permettent à toute personne d’être bien soulagée en fin de vie: ces moyens doivent devenir accessibles sur l’ensemble du territoire.
  4. Le médecin qui se voit confronté à une situation où une personne sous ses soins, évoluant vers la fin de sa vie, est mal soulagée en dépit de ses meilleures interventions, doit pouvoir obtenir l’aide d’un collègue ou d’une ressource experte en soins palliatifs en vue de mettre en œuvre des moyens alternatifs visant à soulager le malade de façon optimale.
  5. Dans les situations où le malade demeure aux prises avec une souffrance mal contrôlée par les meilleurs outils de la médecine palliative, la sédation est une option utile. Titrée jusqu’à l’atteinte du confort du malade, son but est le maintien de sa qualité de vie, comme pour les autres moyens de la médecine palliative.
  6. L’acte de provoquer volontairement et directement la mort d’un patient par injection létale ou tout autre moyen ne peut en aucune circonstance être considéré comme un «soin» et est contraire au Code de déontologie du médecin. Tuer la personne qui souffre, même avec la plus grande compassion, n’est pas un soin. Il n’est jamais nécessaire de provoquer la mort d’un patient pour mettre un terme à ses souffrances. La tradition hippocratique vieille de 2400 ans qui interdit l’euthanasie est un critère de civilisation. Elle a pour objectif la protection des faibles, et le maintien du lien de confiance dans la relation médecin-patient. Elle interpelle le médecin, les autres soignants et les proches à travailler avec science et ingéniosité à réconforter et à soulager les malades en créant un climat de solidarité mutuelle. L’interdit de l’euthanasie a été sagement codifié il y a 2400 ans en dépit du fait que c’était à une époque de moyens limités pour soulager le malade; il est ironique de le voir contesté de nos jours, dans un monde médical pourvu d’autant de moyens.
  7. L’introduction de l’euthanasie ou du suicide assisté doit aussi être rejetée à cause de l’expérience des pays qui ont commis l’imprudence de les dépénaliser. Elle engendre souvent des problèmes plus graves que ceux qu’on prétendait vouloir régler. Parmi ceux documentés dans la littérature médicale on retrouve: Des taux élevés d’euthanasies sans consentement. L’impossibilité de faire respecter les balises instaurées et la procédure de déclaration des euthanasies. Des effets dommageables sur la relation médecin-patient. Des conflits au sein des équipes soignantes et des familles.
  8. Les Collèges des médecins doivent continuer d’assumer leur rôle de protection du public et de la vie et appuyer les médecins dans leur quête d’une médecine palliative de qualité et accessible, qui permettra à tout patient d’être bien soulagé durant sa maladie et en fin de vie.

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