La grenouille et le parapluie

le lundi, 01 janvier 1940. Dans Réflexions

La grenouille et le parapluie

Une jeune grenouille,

Un jour où crachent les gargouilles,

Aperçoit pour la première fois

L’homme tenant un parapluie.

Elle croit aussitôt

D’une mode nouvelle avoir vu le hérault.

Et, ravie

D’exciter l’envie

De ses amies,

Veut la première la porter

Chez la gent pataugeuse ;

Mais demeure songeuse,

Car il lui faut inventer

Abri pour sa taille.

Puis, elle avise un champignon,

Quelle trouvaille !

Voilà tout-à-fait l’article mignon !

Mais son retour au marécage

Ne lui procure pas le succès attendu.

Sur son chemin on reste ahuri, confondu,

Puis on s’esclaffe sans ambages.

Pour s’arracher à la folle gaieté que partout elle excite,

Chez sa grand-mère, elle court se cacher

Et pleurnicher.

Veut mourir sans époux si jamais elle imite l’homme (qu’on croit intelligent)

Et dont l’extravagante conduite est cause de ce rire outrageant.

Est-ce donc, Dieu, possible

Qu’on s’encombre à plaisir d’un objet si risible ?

- Eh, si l’homme s’en sert, c’est qu’il en a besoin

Le parapluie, en soi, n’est ridicule en rien.

Mais pour un batracien,

Il devient, croyez-moi, d’un drôle... irrésistible.

Ah ! vous me rappelez l’ancienne tradition,

Qui veut qu’aux vieux pays, l’une de nos ancêtres

Voulant paraître grosse comme le bœuf, par goût d’imitation

Dut payer de sa vie

Son étrange manie.

Vous, ma fille, apprenez sans mettre autant du vôtre

Que ce qui sied à l’un ridiculise l’autre.

Avec la convenance il faut toujours compter,

Dans son propre intérêt mieux vaut la respecter.

Avant que de céder au goût de la copie

Pensons à la grenouille avec son parapluie !

Lorette S. Daigneault

Poster un commentaire

Vous êtes indentifier en tant qu'invité.