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Pour qui le minimum vital?

Louis Even le mercredi, 01 mai 1940. Dans Crédit Social

À sept ou huit milles de Québec, au Jardin Zoologique de Charlesbourg, des badauds se récréent à contempler les gambades de messieurs les singes. Messieurs les singes logent dans un palais. Et des chômeurs de Québec (comment logés, eux ?) ont travaillé à construire ce palais.

L’un des chômeurs, employé temporairement à la construction du Palais des Singes, nous racontait avoir vu un médecin (vétérinaire) et une garde-malade affairés autour d’une de ces bêtes, parce qu’elle avait le rhume.

Faut-il porter une queue pour être assuré du minimum vital ?

Le Bureau de Reconstruction Économique va-t-il faire travailler les singes selon le plan Bouchard, pour leur pitance quotidienne ?

Laisser souffrir un singe serait un crime impardonnable. Ces bêtes sont si rares au Canada ! C’est la chose rare qui a de la valeur. Mais les chômeurs, ces animaux-là pullulent, ils ne sont d’aucune valeur, qu’ils crèvent !

Peut-être aussi veut-on multiplier les singes, élever une tribu de consommateurs qui ne travaillent pas ; cela dispenserait de faire venir les touristes américains pour donner à nos Canadiens le droit de manger.

Peut-être encore veut-on bien faire comprendre aux hommes et aux femmes du pays que, pour aspirer au minimum vital, il faut savoir se laisser encager, renoncer à sa liberté de penser et de parler. Ce serait alors un complément naturel de la mentalité créée par la politique de parti.

Qu’on l’interprète comme on voudra, il reste que les singes, les ours polaires et autres hôtes choyés du Jardin Zoologique sont assurés du minimum vital, sans qu’on craigne pour cela d’épuiser la production de la province. Mais on n’a pas trouvé le moyen d’assurer la moitié de ce confort aux êtres humains qui portent une âme immortelle faite à l’image de Dieu.

* * *

Dans la paroisse de Québec-Ouest, par exemple, au moins une soixantaine de familles vivent dans des masures, dans des granges ou des poulaillers transformés en taudis, sans plancher, dans des garages abandonnés auxquels il est impossible de placer des fenêtres. Des familles de 10, 12, 15 personnes sont entassées dans des logis à deux ou trois chambres. Comment se portent les corps et les âmes dans de pareils réduits ?

Un témoin oculaire nous écrit avoir vu de ces pauvres diables employés aux travaux de chômage, faisant la journée entière au pic et à la pelle sans déjeuner et sans dîner, parce qu’ils attendaient leur maigre salaire pour manger sans voler.

Cela à Québec ! Le Parlement et nos 86 législateurs sociaux ne sont pourtant pas loin ; et ils ne manquent pas de temps pour observer et réfléchir après leur semaine de quatre jours à quatre heures de séance par jour.

15 mai 1940 page 1, 1940_05_No13_P_001.doc

Louis Even

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