Il n'y a pas de problème de chômage, il y a un problème de dividende

Gilberte Côté-Mercier le mercredi, 01 février 1961. Dans Sous le Signe de l'Abondance

Sous le signe de l'Abondance - Chapitre 36

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(Article de Gilberte Côté-Mercier, paru dans Vers Demain du 1er février 1961.)

Des loisirs

Le chômage n'est pas un problème. Au contraire, c'est un bienfait. C'est un objectif, un but poursuivi depuis des siècles par nos savants, par nos universités, par nos hommes intelligents.

Le chômage, le temps libre, les loisirs, est-ce que tous les hommes ne désirent pas cela avec ardeur ? Est-ce que les études à travers l'évolution de la civilisation n'ont pas eu en grande partie pour fin de développer la science de façon à ce que, de plus en plus, des machines s'ajoutent aux bras de l'homme, arrivent même jusqu'à remplacer complètement le travail de l'homme, et pour produire une quantité infiniment plus grande que l'effort manuel ? Et on a réussi, n'est-ce pas, à inventer des machines qui font l'ouvrage à notre place ? L'électronique nous conduit même à remplacer le cerveau de l'homme pour calculer. N'est-ce pas merveilleux ? Mais, oui.

Ce qui est merveilleux, c'est le génie et ce sont les découvertes. Ce qui est merveilleux, c'est la production abondante issue de ces découvertes. Ce qui est merveilleux, c'est d'aboutir à tant de production avec beaucoup moins de travail.

Désormais, les hommes peuvent donc prendre du repos ! Mais oui, produire plus tout en travaillant moins, cela doit bien vouloir dire « pouvoir se reposer » ! Ne pensez-vous pas ? Chômer, ça veut dire arrêter de travailler, se reposer. (Dieu se reposa le septième jour, dit la Bible ; et c'est pour cela qu'il est commandé à l'homme de chômer, de se reposer, le dimanche.)

Et quand le chômage est général, ça veut dire que des hommes en grand nombre se reposent et que les produits pour leurs besoins viennent quand même devant eux.

Si donc le chômage est généralisé, et dans tous les pays du monde, il faut s'en réjouir. S'en réjouir, puisque cela signifie le repos et les richesses quand même, les richesses-produits nécessaires à la vie.

Eh bien, non : au contraire, on ne se réjouit pas du chômage. On s'en plaint. On pleure sur le progrès. On se lamente parce que les machines travaillent à la place des hommes et donnent même plus de résultats, sans que nous soyons fatigués. Le monde entier déplore le progrès, la machine, le repos, le chômage.

Manque d'argent

— Mais, c'est que quand on chôme on n'a pas d'argent !

— Ah ! alors, ce n'est pas parce que vous chômez que vous vous lamentez, c'est parce que vous n'avez pas assez d'argent pour vivre !

Alors ne dites pas que c'est le chômage qui est le problème, mais le manque d'argent. C'est le manque d'argent qui est le problème.

Il n'y a pas de problème du chômage. Et c'est parce que les responsables des gouvernements et des associations s'entêtent à vouloir régler le problème du chômage, un problème qui n'existe pas, qu'ils ne règlent rien du tout.

Il y en a qui proposent de remiser les machines et d'atteler les hommes à la place des machines pour leur permettre de gagner un salaire N'est-ce pas stupide quand les machines peuvent produire plus en moins de temps et sans sueur aucune ? Pourquoi ne donne-t-on pas gratuitement de l'argent aux ouvriers rien qu'à regarder faire les machines ? De l'argent donné à ne rien faire plutôt que de laisser les machines à ne rien faire.

— Mais, donner de l'argent au monde à ne rien faire, ce serait un dividende !

— Précisément, ce serait un dividende. Et le problème, il est là. Ce n'est pas un problème de chômage, mais un problème de dividende. Ce n'est pas un problème de production, mais de distribution. Il ne faut pas chercher à faire travailler les hommes à la place des machines. Mais il faut chercher à distribuer les produits des machines aux hommes qui ont des besoins, sans que les hommes soient obligés de travailler, puisque les machines travaillent à leur place.

Le salaire, c'est pour acheter les produits des bras et des cerveaux ; et le dividende, ce serait pour acheter les produits de la machine. Quand l'homme travaille avec ses bras, il reçoit un salaire. Quand c'est la machine qui travaille à la place des hommes, tous les hommes devraient recevoir un dividende. Les produits des bras sont payés avec des salaires. Les produits des machines seront payés avec des dividendes. Les produits des bras sont le fruit des efforts humains. Ce sont les salaires, rémunération des efforts humains, qui peuvent payer les produits des bras. Les produits des machines viennent gratuitement sans effort humain. Ils sont gratuits, les produits de la machine. Alors, il faut bien que l'argent pour acheter ces produits gratuits soit gratuit aussi. Et de l'argent gratuit, c'est un dividende.

Un dividende à qui ? Aux ouvriers qui travaillent ? Aux chômeurs qui ne travaillent pas ? Non, non, aucune catégorie d'aucune sorte : dividende à tous les consommateurs, à tous ceux qui achètent, à tous les Canadiens. Un dividende à vous, à votre père, votre mère, chacun de vos enfants. Aux riches, aux pauvres. Un dividende social. Un dividende pour acheter les produits des machines, pour acheter le progrès, qui est un bien social.

Sans taxes

— Mais, qui donc va payer ce dividende-là ? — La société. Dividende social. — Mais la société ne va-t-elle pas nous taxer pour ça ? — Pas du tout. Si la société nous taxait, elle nous enlèverait de l'argent. Ce serait le contraire de nous en donner, le contraire du dividende. Il nous faut de l'argent gratuit, de l'argent donné pour acheter le progrès. Ce ne sont pas des taxes qu'il nous faut.

— Mais la société, où va-t-elle prendre cet argent pour le donner à tout le monde ? Où le Canada va-t-il prendre tant d'argent pour le donner à tous les Canadiens ? — Dans les livres de comptabilité. L'argent, c'est de la comptabilité. L'argent, ce sont des chiffres. Le système d'argent, il est mis en fonction par les banques. Et à la tête de notre système bancaire, nous avons la Banque du Canada.

La Banque du Canada doit voir à l'émission d'argent nécessaire pour que chaque Canadien reçoive un dividende, chaque mois, disons de $800 au moins, afin que chaque Canadien puisse acheter sa part des produits du progrès, des produits fabriqués par la machine.

Fini le casse-tête du chômage

Et le chômage ? Mais, il n'en sera plus question. Il n'y aura plus ce qu'on appelle un problème de chômage, si chacun reçoit un dividende. Les marchands vendront leurs produits. Les manufacturiers en fabriqueront d'autres. Les chômeurs seront rappelés à l'ouvrage. Et tous les produits désirés seront vendus. Et quand il y aura trop de produits pour les besoins, on ralentira la production, augmentant les loisirs, le temps libre. Et le dividende devra grossir à mesure que la production mécanisée augmentera. Les fruits de nos efforts seront toujours payés par les salaires. Et les fruits des machines devront être payés par les dividendes.

Sans le dividende social, le progrès est nuisible, puisqu'il crée des chômeurs sans argent. Avec le dividende, le progrès sera distribué à tous.

Sans le dividende social, le progrès fait des chômeurs affamés. Avec le dividende, les chômeurs seront financés, le chômage s'appellera loisir d'homme libre, temps disponible pour des activités libres. La richesse des grands seigneurs, ce sont les loisirs. Un homme vraiment riche est celui qui peut disposer de son temps à son gré, pas celui qui est attelé au pain quotidien comme une bête de somme.

Les communistes de nos universités et de nos écoles d'Etat, de nos syndicats, des médias et de la plupart des associations, voudraient que l'homme d'aujourd'hui continue à se faire atteler. Ils réclament l'embauchage intégral. Le créditiste veut un homme vraiment enrichi par le progrès, un homme libéré par la machine, un homme qui peut disposer de son temps pour sa culture, pour l'étude des arts, de la philosophie, pour des fonctions de charité, un homme civilisé, quoi ! Le Crédit Social est une doctrine de haute civilisation, de vraie chrétienté. L'embauchage est du ratatiné de contrôleurs, d'assoiffés de pouvoir petit ou grand, pouvoir de politiques et de fonctionnaires, pouvoir absolu dans les pays sous la botte de Moscou, ou bien pouvoir de plus en plus tyrannique dans les pays soi-disant libres mais sous la botte de la Finance internationale.

Tant que nos universitaires ne réclameront pas le dividende social, on se demande à quoi pourra bien servir d'agrandir les universités et de payer des études à tout le monde. Le progrès actuel n'est pas distribué, on remise les machines, on attelle les hommes comme des chevaux, et on les laisse crever de faim en face de l'abondance. Pourtant, nos universités nous ont déjà coûté des millions. C'est un joli succès que nous ont donné tous nos sacrifices pour nos écoles ! Voyez les chômeurs sans pain, voyez les embauchés au pic et à la pelle. Ce n'était vraiment pas la peine d'être si savants. Non, vraiment ; avant d'agrandir les écoles et les multiplier, il vaudrait mieux enseigner le Crédit Social dans les écoles que nous avons ; enseigner le dividende aux élèves et aux professeurs, leur faire découvrir qu'il n'y a pas de problème de chômage, mais bien plutôt un problème de dividende social.

Gilberte Côté-Mercier

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