Crédit Social, démocratie économique

le jeudi, 01 octobre 2009. Dans Démocratie économique

La démocratie économique expliquée en 10 leçons - Leçon 6-B

Le Crédit Social remplacerait l’actuelle dictature d’argent par une véritable démocratie économique, dans laquelle le consommateur, fin de la production, serait le véritable maître des programmes de production — des programmes, non pas des méthodes. Le consommateur dirait quoi produire, non pas comment le produire, et il serait obéi par la production qui ne demande pas mieux que de répondre aux commandes.

Benoît XVI écrit dans son encyclique Caritas in veritate, au Paragraphe 66: «Il est souhaitable que, comme facteur de démocratie économique, les consommateurs aient un rôle plus décisif.»

L’ingénieur écossais Clifford Hugh Douglas (1879-1952), qui a conçu les propositions financières du Crédit Social, écrivait dans son livre Credit-Power and Democracy:

«Le Crédit Social est une philosophie socio-économique dans laquelle les consommateurs, assurés d’un pouvoir d’achat adéquat, décident de ce qui sera produit par l’usage de leur vote monétaire. Vu de cette manière, le terme démocratie économique ne signifie le contrôle de l’industrie par les travailleurs (les consommateurs décident le «quoi», qu’est-ce qui sera produit, et non pas le «comment», la façon de le produire, les techniques à employer, qui est laissée aux producteurs). En enlevant le contrôle de la production des mains des institutions bancaires, du gouvernement et de l’industrie, le Crédit Social envisage une aristocratie de producteurs au service d’une démocratie de consommateurs.»

Avant d’être connues sous le nom de crédit social», les propositions financières de Douglas furent d’abord appelées «démocratie économique» (d’après le titre du premier livre de Douglas, Economic Democracy). Voici un article de Louis Even (publié pour la première fois dans Vers Demain du 1er juilelt 1956) qui explique comment un système de Crédit Social mettra en pratique une véritable «démocratie économique» dans laquelle «les consommateurs auront un rôle plus décisif», comme l’écrit le Saint-Père.

par Louis Even

L’initiateur de la doctrine et des propositions du Crédit Social, l’ingénieur écossais — et homme de génie — C. H. Douglas, publia son premier livre sur le sujet en novembre 1919. Il intitula ce livre Economic Democracy (Démocratie économique). C’est plus tard seulement que sa doctrine reçut le nom de Crédit Social. Les deux appellations conviennent d’ailleurs parfaitement à la doctrine économique de Douglas. Il s’agit bien, en effet, du Crédit de la société (crédit social), propriété de la société, dont le monnayage doit servir la société et ses membres, non pas les endetter ou les rationner. Mais il s’agit aussi d’une véritable démocratie économique.

Demos, kratein

Dans l’ordre politique, le mot démocratie suggère l’idée d’un gouvernement pour le peuple, d’un ‘régime politique dans lequel le peuple choisit lui-même, librement, ses gouvernants et peut leur laisser savoir ce qu’il attend de la gestion de ses affaires publiques.

Pour un grand nombre de personnes, cependant, le mot démocratie signifie surtout (et à peu près exclusivement) les élections libres périodiques, pour choisir les représentants du peuple pour un temps donné. Et, pour ces personnes, la démocratie est parfaite quand le suffrage est universel, quand tout le monde, quand tous les adultes du moins, ont le droit de vote. Tout le monde, voilà qui est peuple, demos. Et le pouvoir qu’a ce peuple de choisir ses gouvernants, n’est-ce pas une preuve qu’il a de l’autorité (kratein) puisqu’il la délègue?

Eh bien ! que l’on considère la démocratie sous l’un ou l’autre de ces deux aspects, si l’on transporte ce terme dans l’ordre économique, on verra qu’il convient parfaitement au Crédit Social.

L’ordre économique

L’ordre économique, c’est celui des biens et des besoins. Les activités économiques concernent la production et la distribution des produits et des services, dans le domaine privé et dans le domaine public.

Dans l’ordre politique, c’est au gouvernement et aux corps publics que le citoyen exprime sa volonté et demande des résultats.

Dans l’ordre économique, c’est au système producteur de son pays que le consommateur exprime ses demandes. A l’agriculture et aux industries connexes de transformation, il demande des produits alimentaires. A l’industrie du vêtement, il demande des habits. Au bâtiment, il demande son logement. Aux médecins et aux hôpitaux, il demande des soins en maladie. Et ainsi de suite.

Le système producteur, c’est l’ensemble de toutes ces activités, créatrices de produits et de services. C’est la capacité de produire.

Le consommateur obtient ce qu’il demande au système producteur quand sa demande est accompagnée de l’instrument qui la rend efficace: l’argent, le pouvoir d’achat. Le pouvoir d’achat, c’est la capacité de payer.

La capacité de produire permet d’offrir des produits. La capacité de payer permet d’obtenir ces produits.

L’une sans l’autre

Si la capacité de produire faisait défaut, ça ne servirait à rien d’avoir la capacité de payer. Avec un sac d’or, vous n’achèteriez pas un pain au Pôle Nord, parce qu’au Pôle Nord, il n’y a pas de pain, ni de capacité d’y produire du blé.

D’autre part, si la capacité de payer fait défaut en face de la capacité de produire, la production arrête dans la mesure où elle ne se vend pas. Elle arrête, même s’il y a en face des besoins non satisfaits. Dans notre pays de bonne production, c’est trop souvent le cas. Manquant de capacité de payer, des familles qui désirent les produits doivent se priver, même si les produits sont là ou peuvent être facilement là, à deux minutes de marche de la maison. Les besoins ont beau crier, Ils ne sont écoutés que s’ils peuvent payer.

Ce ne sont plus alors les besoins humains qui déterminent les activités économiques. C’est la présence ou l’absence d’argent qui dicte les décisions.

On appelle cela une dictature, une dictature financière, une dictature d’argent. La dictature est le contraire de la démocratie, en économique comme en politique. On ne peut parler de démocratie économique quand l’individu, comme consommateur, ne peut pas obtenir du système producteur les biens qu’il est en droit d’en attendre. Se sent-il traité démocratiquement, celui qui doit se priver devant l’abondance, devant l’Immense capacité de production, parce que la capacité de payer lui est refusée?

L’une avec l’autre

Un pays qui se dit démocratique et qui accepte la continuation de cette dictature de l’argent a un drôle de sens de la démocratie. La dictature de l’argent pèse sur la vie quotidienne des individus et des familles; elle pèse sur les administrations de nos Institutions et de nos corps publics, à l’année longue. Le gouvernement qui laisse faire cela dans le pays de sa juridiction n’est pas un gouvernement démocratique, même s’il est sorti d’une boîte électorale: c’est un gouvernement soumis, soumis à une dictature.

Sous un régime de Crédit Social, la capacité de payer serait coordonnée avec la capacité de produire. L’une avec l’autre.

La capacité de produire ne serait plus arrêtée ni freinée par l’incapacité de payer, parce que la capacité de payer serait ajustée à la capacité de produire les choses qui répondent aux besoins.

On ne verrait donc plus de besoins humains rester non satisfaits en face de biens offerts. Ce n’est pas la capacité de produire qui serait soumise à la capacité de payer; mais c’est la capacité de payer qui serait constamment réglée sur la capacité de produire.

Ce serait vraiment là la démocratie économique. L’individu consommateur obtiendrait du système producteur de son pays les biens, produits et services, qu’il a droit d’en attendre pour mener une vie convenable, tant que le système producteur est capable de fournir à la demande.

Suffrage économique

Et cette démocratie économique serait complète, elle s’étendrait à tous les consommateurs — donc à tous les citoyens — de tout âge et de toute condition. Un suffrage économique universel, plus universel que le suffrage politique. Et s’exerçant tous les jours.

Ce suffrage économique serait exercé au moyen de véritables bulletins de vote économique. Des bulletins pour choisir, non pas des députés au goût du citoyen, mais des produits au goût du consommateur. Ces bulletins de vote économique s’appellent dollars au Canada ou communément piastres au Canada français.

Chaque piastre est un bulletin, permettant à son porteur de voter pour une piastre de produits ou de services de son choix. Plus il a en main de ces bulletins de vote économique, de ces piastres, plus il peut choisir de produits et de bons produits.

Et pour que ce suffrage économique soit un suffrage universel, il faut que chaque individu (à titre de consommateur) possède de ces bulletins qui lui permettent de voter pour tels et tels produits de son choix.

C’est ce que ferait le Crédit Social en attachant un revenu basique à chaque personne, quels que soient son âge, son sexe, son occupation, la couleur de sa peau ou ses croyances politiques ou religieuses.

Ce revenu basique, ce premier droit sur la capacité de production du pays, devrait être au moins suffisant pour procurer le nécessaire. Il n’est pas admissible qu’un seul citoyen manque du nécessaire dans un pays de production possible excédentaire.

En style créditiste, ce revenu basique, reçu à seul titre de membre de la société, s’appelle «dividende social», soit national soit provincial, selon que le régime est institué nationalement ou provincialement. Le dividende est le véritable instrument de la franchise économique universelle.

Les piastres gagnées en salaires, en traitements, en honoraires, en profits, en dividendes industriels, sont aussi des bulletins de vote économique; mais des bulletins conditionnés par telle ou telle situation de celui qui les reçoit. Le salaire est lié à l’embauchage. Tout le monde ne peut pas être embauché. Les enfants ne peuvent pas l’être, ni les malades, ni les vieillards, ni les mères de famille qui accomplissent leur fonction propre, ni bien des personnes valides déplacées par des machines qui produisent plus et mieux qu’elles.

Le dividende à tous est le seul bulletin de vote économique vraiment démocratique. Le Crédit Social est la formule la plus avancée de démocratie économique.

Et cela n’enlève rien à l’initiative privée, à l’entreprise privée. Le bulletin de vote économique demande des résultats — des biens répondant aux besoins. Il laisse le système producteur voir aux moyens de fournir ces biens. Le mécanisme actuel de production le fait efficacement; et s’il n’y avait pas d’entraves financières, il le ferait encore mieux. Surtout, s’il n’y avait pas insuffisance de bulletins de vote économique, insuffisance de piastres chez les consommateurs, les produits iraient aux besoins. La distribution serait aussi efficace que la production. N’est-ce pas ce que veulent les producteurs, aussi bien que les consommateurs?

Il est faux de blâmer l’entreprise privée pour un mal qui est d’ordre financier, et non pas d’ordre producteur. Au lieu de vouloir changer le statut du producteur, c’est le statut du financier qu’il faut réviser. C’est le système financier, et non pas le système producteur, qu’il faut socialiser — pour la bonne raison que l’argent est un instrument social par nature, et c’est seulement par perversion que le système d’argent est devenu la chose de trafiquants de piastres.

Le Crédit Social remplacerait donc l’actuelle dictature d’argent par une véritable démocratie économique, dans laquelle le consommateur, fin de la production, serait le véritable maître des programmes de production — des programmes, non pas des méthodes. Le consommateur dirait quoi produire, non pas comment le produire, et il serait obéi par la production qui ne demande pas mieux que de répondre aux commandes.

Quant à l’efficacité de cette démocratie économique, elle surpasserait tout ce qu’on a jamais expérimenté en fait de démocratie politique.

Efficacité comparée

Puisque nous établissons un parallèle entre la démocratie politique et la démocratie économique que serait le Crédit Social, entre le suffrage universel de la politique et le suffrage économique universel du Crédit Social, il est intéressant de comparer l’efficacité d’un bulletin de vote politique avec un bulletin de vote économique.

N’insistons pas sur la fréquence. Il est clair que le citoyen n’obtient un bulletin de vote politique que lorsqu’il y a élection, puisque le but de ce bulletin est d’exprimer une préférence entre plusieurs candidats qui aspirent à être les représentants du peuple pour le prochain terme. Entre les élections, si les citoyens n’obtiennent pas ce qu’ils attendent du gouvernement, c’est à d’autres moyens que le vote qu’ils devront recourir — ce qu’ils n’ont guère appris à faire encore, se contentant de maugréer en attendant de se faire tromper aune autre fois.

Pour le bulletin de vote économique, c’est tous les jours que le consommateur doit en avoir, parce que c’est tous les jours qu’il a besoin de produits, et il n’obtient ces produits qu’en déposant son bulletin, sa piastre, au comptoir du marchand.

Mais il y a surtout la différence d’efficacité. Quand vous déposez votre bulletin de vote politique dans l’urne électorale, il est marqué d’une croix indiquant votre choix. Le soir de l’élection, il peut bien arriver que vous obteniez le contraire de votre choix. Vous avez réclamé Pierre, et c’est Paul qu’on vous donne comme député. Ou bien, si c’est l’homme de votre choix, Pierre, qui est élu, c’est alors ceux qui réclamaient Paul qui obtiennent le contraire de leur choix.

Le vote économique, lui, vous donne toujours ce que vous demandez, et il donne à votre voisin ce que votre voisin demande, même si tous les deux vous demandez des choses toutes différentes. Il y a diversité de produits pour diversité de goûts, et satisfaction possible pour tous.

Vous sortez des bulletins de vote, des piastres, de votre porte-monnaie et vous dites: C’est pour du beurre — le marchand ne vous donnera pas des confitures. Votre voisin sortira ses bulletins de vote, ses piastres, et dira: C’est pour des confitures — le marchand ne lui donnera pas du beurre.

Vous votez ainsi sur toute la ligne: pour des souliers bruns ou des souliers noirs; pour une paire de pantalons ou un voyage en chemin de fer; pour un appareil de télévision ou un cercueil.

Vos bulletins de vote économique vous obtiennent ce que vous voulez, ce que vous choisissez individuellement. Et ce que vous avez choisi, le marchand le renouvelle dans son stock en passant une commande au producteur, agricole ou industriel. Et l’industriel produira les choses qui s’écoulent ainsi, pas celles pour lesquelles personne ne vote.

C’est ainsi que votre choix détermine les programmes de production, dicte quoi produire, sans dire le moins du monde comment faire pour le produire. Ce «comment» n’est pas votre affaire, c’est l’affaire du producteur, et vous savez que ce n’est pas un problème pour la production moderne.

Il en va ainsi dans la mesure où vous avez les bulletins, les piastres. Celui qui n’en a pas ne commande rien. Il ne vote pas. Il n’influence en aucune manière la production de son pays. Il n’est pas en démocratie économique. Et la démocratie politique, dans ces conditions, signifie peu de chose pour lui.

Cet homme, cette femme, ce consommateur dénué de bulletins de vote économique, à la merci de la pitié des autres, ça se trouve aujourd’hui, sous notre système de dictature d’argent. Mais ça ne se verra plus sous un régime de véritable démocratie économique, sous un régime de Crédit Social.

 

Questions

Après la lecture de cette leçon, le lecteur devrait être capable de répondre à la question suivante:

Dans vos mots, expliquez pourquoi le Crédit Social peut être défini comme étant une «démocratie économique».

 

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