Chapitre premier

H. M. Murray le dimanche, 01 janvier 1933. Dans Principes de Crédit Social

Analyse des Frais de Production

Considérons la proposition du Major Douglas : que l'agrégat des prix est toujours plus grand que l'agrégat des revenus, et voyons ce qu'il en est.

Si l'on remonte à la source de tous les frais de production, l'on trouve qu'ils consistent en paiements exécutés pour des services rendus, réels ou imaginaires ; et ainsi, à première vue, il semblerait que, quel que soit le coût de production, il existera toujours suffisamment d'argent dans les mains du public pour acheter la totalité des objets produits.

Ce que l'on oublie, c'est que les diverses composantes du coût de production représentent des paiements exécutés sur une longue période ; certains furent exécutés la semaine dernière ; d'autres le mois dernier ; d'autres encore l'année dernière ; d'autres enfin il y a plusieurs années. Mais pour être effectifs, considérés comme pouvoir d'achat aujourd'hui, — ainsi qu'il en devrait être pour assurer l'achat des objets produits aujourd'hui, — chaque centime de ces payements aurait dû être mis de côté, épargné.

Nous savons toutefois que la plus grande partie de cet argent a déjà été dépensée ; elle a été dépensée au fur et à mesure qu'elle a été reçue.

Nous ajouterons qu'elle devait l'être pour permettre à ceux qui la recevaient, de vivre. Cet argent n'existe précisément plus en tant que pouvoir d'achat actuel. Parce que, ainsi que nous le verrons plus tard, l'argent, ou pouvoir d'achat, s'éteint dans l'achat des denrées ou matières dont la destination est d'être consommées.

Paiements intérieurs. Paiements extérieurs

Prenez n'importe quelle entreprise ; analysez-en les frais, et vous verrez qu'ils peuvent être divisés en deux groupes distincts : Paiements intérieurs A, et Paiements extérieurs B.

Les Paiements intérieurs A comportent les gages, salaires, commissions, dividendes, allocations directoriales, etc..., payés et reçus par les individus qui font partie à quelque titre que ce soit de l'entreprise considérée, et constituent leur Revenu.

Les Paiements extérieurs B sont des payements faits à d'autres firmes pour outillages, machines, matières premières, etc..., et ces payements, — en ce qui concerne la maison acheteuse, — ne font manifestement pas partie de son revenu, bien que le prix de vente de ses produits se trouve être la somme des paiements intérieurs A et des paiements extérieurs B, soit (A+B).

Il s'ensuit donc que les gens intéressés à quelque titre que ce soit dans cette entreprise sont dans l'impossibilité d'acheter tout ce qu'ils produisent à supposer qu'ils le veuillent. Touchant un revenu représentant les paiements intérieurs seuls, l'on voit clairement qu'ils ne peuvent payer les prix qui sont l'addition des paiements intérieurs et des paiements extérieurs.

Ceci est vrai de chaque entreprise en particulier. C'est par conséquent vrai de toutes les entreprises collectivement. Il s'ensuit que le revenu de la communauté est insuffisant pour acheter toutes les matières qu'elle produit.

Cette observation demeure vraie même si l'on fait abstraction de tous les bénéfices et des intérêts : les prix, en effet, demeureraient la somme des paiements intérieurs et extérieurs, tandis que les revenus ne seraient que les paiements intérieurs seuls.

Cette simple observation réduit à néant la théorie socialiste qui veut que le bénéfice soit l'origine des maux économiques ; ainsi que la thèse du professeur Soddy, qui veut que ce soit l'intérêt.

Un exposé du professeur Bowley confirme la vérité profonde de l'analyse de Douglas. Dans un article publié dans le « Glasgow Herald », en 1921, il écrivait : « Le Revenu national est égal à la valeur totale des matières produites et des services rendus dans le Royaume-Uni, y compris les intérêts, etc., provenant de l'étranger (moins les paiements), les frais d'entretien du capital étant déduits ».

En laissant de côté les paiements de ou à l'étranger comme facteur de complication, cet énoncé peut s'écrire : « Le Revenu national est égal à la valeur totale des matières produites et des services rendus dans le Royaume-Uni, les frais d'entretien du capital étant déduits ».

Mais comme les prix comprennent les frais d'entretien du capital, il est évident que le revenu total de la Nation est insuffisant pour acheter la production totale de la Nation.

 

H. M. Murray

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